Le Collier de la Reine, Tome II | Page 4

Alexandre Dumas, père
et moi, je souffrirais qu'on raillat la reine de France! Non, jamais.
?Et il m'a quitt��e brusquement. Une heure apr��s, je sus qu'il avait achet�� les diamants.
--Quinze cent mille livres?
--Seize cent mille livres.
--Et quelle a ��t�� son intention en les achetant?
--Que, puisqu'ils ne pouvaient ��tre �� Votre Majest��, ils ne fussent pas du moins �� une autre femme.
--Et vous ��tes s?re que ce n'est pas pour en faire hommage �� quelque ma?tresse que monsieur de Rohan a achet�� ce collier?
--Je suis s?re que c'est pour l'an��antir plut?t que de le voir briller �� un autre col qu'�� celui de la reine.
Marie-Antoinette r��fl��chit, et sa noble physionomie laissa voir sans nuage tout ce qui se passait dans son ame.
--Ce qu'a fait l�� monsieur de Rohan est bien, dit-elle; c'est un trait noble et d'un d��vouement d��licat.
Jeanne absorbait ardemment ces paroles.
--Vous remercierez donc monsieur de Rohan, continua la reine.
--Oh! oui, madame.
--Vous ajouterez que l'amiti�� de monsieur de Rohan m'est prouv��e, et que moi, en honn��te homme, ainsi que le dit Catherine[1], j'accepte tout de l'amiti��, �� charge de revanche. Aussi, j'accepte, non pas le don de monsieur de Rohan....
[Note 1: Catherine II de Russie.]
--Quoi donc, alors?
--Mais son avance.... Monsieur de Rohan a bien voulu avancer son argent ou son cr��dit, pour me faire plaisir. Je le rembourserai. Boehmer avait demand�� du comptant, je crois?
--Oui, madame.
--Combien, deux cent mille livres?
--Deux cent cinquante mille livres.
--C'est le trimestre de la pension que me fait le roi. On me l'a envoy�� ce matin, d'avance, je le sais, mais enfin on me l'a envoy��.
La reine sonna rapidement ses femmes qui l'habill��rent, apr��s l'avoir envelopp��e de fines batistes chauff��es.
Rest��e seule avec Jeanne, et r��install��e dans sa chambre, elle dit �� la comtesse:
--Ouvrez, je vous prie, ce tiroir.
--Le premier?
--Non, le second. Vous voyez un portefeuille?
--Le voici, madame.
--Il renferme deux cent cinquante mille livres. Comptez-les.
Jeanne ob��it.
--Portez-les au cardinal. Remerciez-le encore. Dites-lui que chaque mois je m'arrangerai pour payer ainsi. On r��glera les int��r��ts. De cette fa?on, j'aurai le collier qui me plaisait tant, et si je me g��ne pour le payer, au moins je ne g��nerai point le roi.
Elle se recueillit une minute.
--Et j'aurai gagn�� �� cela, continua-t-elle, d'apprendre que j'ai un ami d��licat qui m'a servie....
Elle attendit encore.
--Et une amie qui m'a devin��e, fit-elle, en offrant �� Jeanne sa main, sur laquelle se pr��cipita la comtesse.
Puis, comme elle allait sortir, apr��s avoir encore h��sit��: ?Comtesse, dit-elle tout bas, comme si elle avait peur de ce qu'elle disait, vous instruirez monsieur de Rohan qu'il sera bien venu �� Versailles, et que j'ai des remerciements �� lui faire.?
Jeanne s'��lan?a hors de l'appartement, non pas ivre, mais insens��e de joie et d'orgueil satisfait.
Elle serrait les billets de caisse comme un vautour sa proie vol��e.

Chapitre XLIX
Le portefeuille de la reine
Cette fortune, au propre et au figur��, que portait Jeanne de Valois, nul n'en sentit l'importance plus que les chevaux, qui la ramen��rent de Versailles.
Si jamais chevaux press��s de gagner un prix vol��rent dans la carri��re, ce furent ces deux pauvres chevaux de carrosse de louage.
Leur cocher, stimul�� par la comtesse, leur fit croire qu'ils ��taient les l��gers quadrup��des du pays d'��lis, et qu'il y avait �� gagner deux talents d'or pour le ma?tre, triple ration d'orge mond�� pour eux.
Le cardinal n'��tait pas encore sorti, quand madame de La Motte arriva chez lui, tout au milieu de son h?tel et de son monde.
Elle se fit annoncer plus c��r��monieusement qu'elle n'avait fait chez la reine.
--Vous venez de Versailles? dit-il.
--Oui, monseigneur.
Il la regardait, elle ��tait imp��n��trable.
Elle vit son frisson, sa tristesse, son malaise: elle n'eut piti�� de rien.
--Eh bien? fit-il.
--Eh bien! voyons, monseigneur, que d��sirez-vous? Parlez un peu, afin que je ne me fasse pas trop de reproches.
--Ah! comtesse, vous me dites cela d'un air!...
--Attristant, n'est-ce pas?
--Tuant.
--Vous vouliez que je visse la reine?
--Oui.
--Je l'ai vue.
--Vous vouliez qu'elle me laissat parler de vous, elle qui, plusieurs fois, avait t��moign�� son ��loignement pour vous et son m��contentement en entendant prononcer votre nom?
--Je vois qu'il faut, si j'ai eu ce d��sir, renoncer �� le voir exauc��.
--Non, la reine m'a parl�� de vous.
--Ou plut?t vous avez ��t�� assez bonne pour lui parler de moi?
--Il est vrai.
--Et Sa Majest�� a ��cout��?
--Cela m��rite explication.
--Ne me dites pas un mot de plus, comtesse, je vois combien Sa Majest�� a eu de r��pugnance....
--Non, pas trop.... J'ai os�� parler du collier.
--Os�� dire que j'ai pens��....
--�� l'acheter pour elle, oui.
--Oh! comtesse, c'est sublime! Et elle a ��cout��?
--Mais oui.
--Vous lui avez dit que je lui offrais ces diamants?
--Elle a refus�� net.
--Je suis perdu.
--Refus�� d'accepter le don, oui; mais le pr��t....
--Le pr��t!... Vous auriez tourn�� si d��licatement l'offre?
--Si d��licatement, qu'elle a accept��.
--Je pr��te �� la reine, moi!... Comtesse, est-il possible?
--C'est plus que si vous donniez, n'est-ce pas?
--Mille fois.
--Je le pensais bien. Toutefois Sa Majest�� accepte.
Le cardinal se leva, puis se rassit. Il vint encore jusqu'�� Jeanne, et, lui prenant
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