Le Collier de la Reine, Tome II | Page 3

Alexandre Dumas, père
de le dire, je ne vous engage pas �� le lui laisser voir. C'est un pr��lat mondain, un pasteur qui prend la brebis autant pour lui-m��me que pour le Seigneur.
--Oh! madame.
--Eh bien! quoi? Est-ce que je le calomnie? N'est-ce pas l�� sa r��putation? Ne s'en fait-il pas une sorte de gloire? Ne le voyez-vous pas, aux jours de c��r��monie, agiter ses belles mains en l'air, elles sont belles, c'est vrai, pour les rendre plus blanches, et sur ses mains, ��tincelant de la bague pastorale, les d��votes fixant des yeux plus brillants que le diamant du cardinal?
Jeanne s'inclina.
--Les troph��es du cardinal, poursuivit la reine, emport��e, sont nombreux. Quelques-uns ont fait scandale. Le pr��lat est un amoureux comme ceux de la Fronde. Le loue qui voudra pour cela, je me r��cuse, allez.
--Eh bien! madame, fit Jeanne mise �� l'aise par cette familiarit��, comme aussi par la situation toute physique de son interlocutrice, je ne sais pas si monsieur le cardinal pensait aux d��votes quand il me parlait si ardemment des vertus de Votre Majest��; mais tout ce que je sais, c'est que ses belles mains, au lieu d'��tre en l'air, s'appuyaient sur son coeur.
La reine secoua la t��te en riant forc��ment.
?Oui-da! pensa Jeanne, est-ce que les choses iraient mieux que nous ne le croyions? Est-ce que le d��pit serait notre auxiliaire? Oh! nous aurions trop de facilit��s alors.?
La reine reprit vite son air noble et indiff��rent.
--Continuez, dit-elle.
--Votre Majest�� me glace; cette modestie qui lui fait repousser m��me la louange....
--Du cardinal! Oh! oui.
--Mais pourquoi, madame?
--Parce qu'elle m'est suspecte, comtesse.
--Il ne m'appartient pas, r��pliqua Jeanne avec le plus profond respect, de d��fendre celui qui a ��t�� assez malheureux pour ��tre tomb�� dans la disgrace de Votre Majest��; n'en doutons pas un moment, celui-l�� est bien coupable, puisqu'il a d��plu �� la reine.
--Monsieur de Rohan ne m'a pas d��plu; il m'a offens��e. Mais je suis reine et chr��tienne; et doublement port��e, par cons��quent, �� oublier les offenses.
Et la reine dit ces paroles avec cette majestueuse bont�� qui n'appartient qu'�� elle.
Jeanne se tut.
--Vous ne dites plus rien?
--Je serais suspecte �� Votre Majest��, j'encourrais sa disgrace, son blame, en exprimant une opinion qui froisserait la sienne.
--Vous pensez le contraire de ce que je pense �� l'��gard du cardinal?
--Diam��tralement, madame.
--Vous ne parleriez pas ainsi le jour o�� vous sauriez ce que le prince Louis a fait contre moi.
--Je sais seulement ce que je l'ai vu faire pour le service de Votre Majest��.
--Des galanteries?
Jeanne s'inclina.
--Des politesses, des souhaits, des compliments? continua la reine.
Jeanne se tut.
--Vous avez pour monsieur de Rohan une amiti�� vive, comtesse; je ne l'attaquerai plus devant vous.
Et la reine se mit �� rire.
--Madame, r��pondit Jeanne, j'aimais mieux votre col��re que votre raillerie. Ce que ressent monsieur le cardinal pour Votre Majest�� est un sentiment tellement respectueux, que, j'en suis s?re, s'il voyait la reine rire de lui, il mourrait.
--Oh! oh! il a donc bien chang��.
--Mais Votre Majest�� me faisait l'honneur de me dire l'autre jour que, depuis dix ans d��j��, monsieur de Rohan ��tait passionn��ment....
--Je plaisantais, comtesse, dit s��v��rement la reine.
Jeanne, r��duite au silence, parut �� la reine r��sign��e �� ne plus lutter, mais Marie-Antoinette se trompait bien. Pour ces femmes, nature de tigre et de serpent, le moment o�� elles se replient est toujours le pr��lude de l'attaque; le repos concentr�� pr��c��de l'��lan.
--Vous parlez de ces diamants, fit imprudemment la reine. Avouez que vous y avez pens��.
--Jour et nuit, madame, dit Jeanne avec la joie d'un g��n��ral qui voit faire sur le champ de bataille une faute d��cisive �� son ennemi. Ils sont si beaux, ils iront si bien �� Votre Majest��.
--Comment cela?
--Oui, madame, oui, �� Votre Majest��.
--Mais ils sont vendus?
--Oui, ils sont vendus.
--�� l'ambassadeur de Portugal?
Jeanne secoua doucement la t��te.
--Non? fit la reine avec joie.
--Non, madame.
--�� qui donc?
--Monsieur de Rohan les a achet��s.
La reine fit un bond, et, tout �� coup refroidie:
--Ah! fit-elle.
--Tenez, madame, dit Jeanne avec une ��loquence pleine de fougue et d'entra?nement, ce que fait monsieur de Rohan est superbe; c'est un moment de g��n��rosit��, de bon coeur; c'est un beau mouvement; une ame comme celle de Votre Majest�� ne peut s'emp��cher de sympathiser avec tout ce qui est bon et sensible. �� peine monsieur de Rohan a-t-il su par moi, je l'avoue, la g��ne momentan��e de Votre Majest��:
?--Comment! s'est-il ��cri��, la reine de France se refuse ce que n'oserait se refuser une femme de fermier g��n��ral? Comment! la reine peut s'exposer �� voir un jour madame Necker par��e de ces diamants?
?Monsieur de Rohan ignorait encore que l'ambassadeur de Portugal les e?t marchand��s. Je le lui appris. Son indignation redoubla.
?--Ce n'est plus, dit-il, une question de plaisir �� faire �� la reine, c'est une question de dignit�� royale. Je connais l'esprit des cours ��trang��res--vanit��, ostentation--, on y rira de la reine de France, qui n'a plus d'argent pour satisfaire un go?t l��gitime;
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