c'est moi qui le lui ai dit.
--Et comment le savez-vous?
Le mar��chal allongea les l��vres.
--Heu! dit-il, c'est un secret de famille.
--C'est bien, c'est bien, fit Mme du Barry. En v��rit��, mar��chal, on a raison de mettre double couche de rouge quand on vient chez vous.
Puis se retournant vers Cagliostro:
--En v��rit��, monsieur, dit-elle, vous avez donc le secret de rajeunir, car, ag�� de trois ou quatre mille ans, comme vous l'��tes, vous paraissez quarante ans �� peine?
--Oui, madame, j'ai le secret de rajeunir.
--Oh! rajeunissez-moi donc, alors.
--Vous, madame, c'est inutile, et le miracle est fait. On a l'age que l'on para?t avoir, et vous avez trente ans au plus.
--C'est une galanterie.
--Non, madame, c'est un fait.
--Expliquez-vous.
--C'est bien facile. Vous avez us�� de mon proc��d�� pour vous-m��me.
--Comment cela?
--Vous avez pris de mon ��lixir.
--Moi?
--Vous-m��me, comtesse. Oh! vous ne l'avez pas oubli��.
--Oh! par exemple!
--Comtesse, vous souvient-il d'une maison de la rue Saint-Claude? vous souvient-il d'��tre venue dans cette maison pour certaine affaire concernant M. de Sartine? vous souvient-il d'avoir rendu un service �� l'un de mes amis nomm�� Joseph Balsamo? vous souvient-il que Joseph Balsamo vous fit pr��sent d'un flacon d'��lixir en vous recommandant d'en prendre trois gouttes tous les matins? vous souvient-il d'avoir suivi l'ordonnance jusqu'�� l'an dernier, ��poque �� laquelle le flacon s'��tait trouv�� ��puis��? Si vous ne vous souveniez plus de tout cela, comtesse, en v��rit��, ce ne serait plus un oubli, ce serait de l'ingratitude.
--Oh! monsieur de Cagliostro, vous me dites l�� des choses...
--Qui ne sont connues que de vous seule, je le sais bien. Mais o�� serait le m��rite d'��tre sorcier, si l'on ne savait pas les secrets de son prochain?
--Mais Joseph Balsamo avait donc, comme vous, la recette de cet admirable ��lixir?
--Non, madame; mais comme c'��tait un de mes meilleurs amis, je lui en avais donn�� trois ou quatre flacons.
--Et lui en reste-t-il encore?
--Oh! je n'en sais rien. Depuis trois ans le pauvre Balsamo a disparu. La derni��re fois que je le vis, c'��tait en Am��rique, sur les rives de l'Ohio; il partait pour une exp��dition dans les Montagnes Rocheuses, et, depuis, j'ai entendu dire qu'il y ��tait mort.
--Voyons, voyons, comte, s'��cria le mar��chal; tr��ve de galanteries, par grace! Le secret, comte, le secret!
--Parlez-vous s��rieusement, monsieur? demanda le comte de Haga.
--Tr��s s��rieusement, sire; pardon, je veux dire monsieur le comte.
Et Cagliostro s'inclina de fa?on �� indiquer que l'erreur qu'il venait de commettre ��tait tout �� fait volontaire.
--Ainsi, dit le mar��chal, Madame n'est pas assez vieille pour ��tre rajeunie?
--Non, en conscience.
--Eh bien! alors, je vais vous pr��senter un autre sujet. Voici mon ami Taverney Qu'en dites-vous? N'a-t-il pas l'air d'��tre le contemporain de Ponce Pilate? Mais peut-��tre est-ce tout le contraire, et est-il trop vieux, lui?
Cagliostro regarda le baron.
--Non pas, dit-il.
--Ah! mon cher comte, s'��cria Richelieu, si vous rajeunissez celui-l��, je vous proclame l'��l��ve de M��d��e.
--Vous le d��sirez? demanda Cagliostro en s'adressant de la parole au ma?tre de la maison, et des yeux �� tout l'auditoire.
Chacun fit signe que oui.
--Et vous comme les autres, monsieur de Taverney?
--Moi plus que les autres, morbleu! dit le baron.
--Eh bien! c'est facile, dit Cagliostro.
Et il glissa ses deux doigts dans sa poche et en tira une petite bouteille octa��dre.
Puis il prit un verre de cristal encore pur, et y versa quelques gouttes de la liqueur que contenait la petite bouteille.
Alors, ��tendant ces quelques gouttes dans un demi-verre de vin de champagne glac��, il passa le breuvage ainsi pr��par�� au baron.
Tous les yeux avaient suivi ses moindres mouvements, toutes les bouches ��taient b��antes.
Le baron prit le verre, mais, au moment de le porter �� ses l��vres, il h��sita.
Chacun, �� la vue de cette h��sitation, se mit �� rire si bruyamment, que Cagliostro s'impatienta.
--D��p��chez-vous, baron, dit-il, ou vous allez laisser perdre une liqueur dont chaque goutte vaut cent louis.
--Diable! fit Richelieu essayant de plaisanter; c'est autre chose que le vin de Tokay.
--Il faut donc boire? demanda le baron presque tremblant.
--Ou passer le verre �� un autre, monsieur, afin que l'��lixir profite au moins �� quelqu'un.
--Passe, dit le duc de Richelieu en tendant la main.
Le baron flaira son verre et, d��cid�� sans doute par l'odeur vive et balsamique, par la belle couleur ros��e que les quelques gouttes d'��lixir avaient communiqu��e au vin de champagne, il avala la liqueur magique.
Au m��me instant, il lui sembla qu'un frisson secouait son corps et faisait refluer vers l'��piderme tout le sang vieux et lent qui dormait dans ses veines, depuis les pieds jusqu'au coeur. Sa peau rid��e se tendit, ses yeux flasquement couverts par le voile de leurs paupi��res furent dilat��s sans que la volont�� y pr?t part. La prunelle joua vive et grande, le tremblement de ses mains fit place �� un aplomb nerveux; sa voix s'affermit, et ses genoux, redevenus ��lastiques comme aux plus beaux jours de sa jeunesse, se dress��rent en m��me temps que les reins; et cela comme si
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