la liqueur, en descendant, avait r��g��n��r�� tout ce corps de l'une �� l'autre extr��mit��.
Un cri de surprise, de stupeur, un cri d'admiration surtout retentit dans l'appartement. Taverney, qui mangeait du bout des gencives, se sentit affam��. Il prit vigoureusement assiette et couteau, se servit d'un rago?t plac�� �� sa gauche, et broya des os de perdrix en disant qu'il sentait repousser ses dents de vingt ans.
Il mangea, rit, but, et cria de joie pendant une demi-heure; et pendant cette demi-heure, les autres convives rest��rent stup��faits en le regardant; puis, peu �� peu, il baissa comme une lampe �� laquelle l'huile vient �� manquer. Ce fut d'abord son front, o�� les anciens plis un instant disparus se creus��rent en rides nouvelles; ses yeux se voil��rent et s'obscurcirent. Il perdit le go?t, puis son dos se vo?ta. Son app��tit disparut; ses genoux recommenc��rent a trembler.
--Oh! fit-il en g��missant.
--Eh bien! demand��rent tous les convives.
--Eh bien? adieu la jeunesse.
Et il poussa un profond soupir accompagn�� de deux larmes qui vinrent humecter sa paupi��re.
Instinctivement, et �� ce triste aspect du vieillard rajeuni d'abord et redevenu plus vieux ensuite par ce retour de jeunesse, un soupir pareil �� celui qu'avait pouss�� Taverney sortit de la poitrine de chaque convive.
--C'est tout simple, messieurs, dit Cagliostro, je n'ai vers�� au baron que trente-cinq gouttes de l'��lixir de vie, et il n'a rajeuni que de trente-cinq minutes.
--Oh! encore! encore! comte, murmura le vieillard avec avidit��.
--Non, monsieur, car une seconde ��preuve vous tuerait peut-��tre, r��pondit Cagliostro.
De tous les convives, c'��tait Mme du Barry qui, connaissant la vertu de cet ��lixir, avait suivi le plus curieusement les d��tails de cette sc��ne.
�� mesure que la jeunesse et la vie gonflaient les art��res du vieux Taverney, l'oeil de la comtesse suivait dans les art��res la progression de la jeunesse et de la vie. Elle riait, elle applaudissait, elle se r��g��n��rait par la vue.
Quand le succ��s du breuvage atteignit son apog��e, la comtesse faillit se jeter sur la main de Cagliostro pour lui arracher le flacon de vie.
Mais, en ce moment, comme Taverney vieillissait plus vite qu'il n'avait rajeuni...
--H��las! je le vois bien, dit-elle tristement, tout est vanit��, tout est chim��re; le secret merveilleux a dur�� trente-cinq minutes.
--C'est-��-dire, reprit le comte de Haga, que, pour se donner une jeunesse de deux ans, il faudrait boire un fleuve.
Chacun se mit �� rire.
--Non, dit Condorcet, le calcul est simple: �� trente-cinq gouttes pour trente-cinq minutes, c'est une mis��re de trois millions cent cinquante-trois mille six gouttes, si l'on veut rester jeune un an.
--Une inondation, dit La P��rouse.
--Et cependant, �� votre avis, monsieur, il n'en a pas ��t�� ainsi de moi, puisqu'une petite bouteille, quatre fois grande comme votre flacon, et que m'avait donn��e votre ami Joseph Balsamo, a suffi pour arr��ter chez moi la marche du temps pendant dix ann��es.
--Justement, madame, et vous seule touchez du doigt la myst��rieuse r��alit��. L'homme qui �� vieilli et trop vieilli a besoin de cette quantit�� pour qu'un effet imm��diat et puissant se produise. Mais une femme de trente ans, comme vous les avez, madame, ou un homme de quarante ans, comme je les avais quand nous avons commenc�� �� boire l'��lixir de vie, cette femme ou cet homme, pleins de jours et de jeunesse encore, n'ont besoin que de boire dix gouttes de cette eau �� chaque p��riode de d��cadence, et moyennant ces dix gouttes, celui ou celle qui les boira encha?nera ��ternellement la jeunesse et la vie au m��me degr�� de charme et d'��nergie.
--Qu'appelez-vous les p��riodes de la d��cadence? demanda le comte de Haga.
--Les p��riodes naturelles, monsieur le comte. Dans l'��tat de nature, les forces de l'homme croissent jusqu'�� trente-cinq ans. Arriv�� l��, il reste stationnaire jusqu'�� quarante. �� partir de quarante, il commence �� d��cro?tre, mais presque imperceptiblement jusqu'�� cinquante. Alors, les p��riodes se rapprochent et se pr��cipitent jusqu'au jour de la mort. En ��tat de civilisation, c'est-��-dire lorsque le corps est us�� par les exc��s, les soucis et les maladies, la croissance s'arr��te �� trente ans. La d��croissance commence �� trente-cinq. Eh bien! c'est alors, homme de la nature ou homme des villes, qu'il faut saisir la nature au moment o�� elle est stationnaire, afin de s'opposer �� son mouvement de d��croissance, au moment m��me o�� il tentera de s'op��rer. Celui qui, possesseur du secret de cet ��lixir, comme je le suis, sait combiner l'attaque de fa?on �� la surprendre et �� l'arr��ter dans son retour sur elle-m��me, celui-l�� vivra comme je vis, toujours jeune ou du moins assez jeune pour ce qu'il lui convient de faire en ce monde.
--Eh! mon Dieu! monsieur de Cagliostro, s'��cria la comtesse, pourquoi donc alors, puisque vous ��tiez le ma?tre de choisir votre age, n'avez-vous pas choisi vingt ans au lieu de quarante?
--Parce que, madame la comtesse, dit en souriant Cagliostro, il me convient d'��tre toujours un homme de quarante
Continue reading on your phone by scaning this QR Code
Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the
Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.