Le Capitaine Arena:, vol 2 | Page 6

Alexandre Dumas, père
une contredanse.
--Oui, majest��, r��pondit Ga?tano en montant sur une chaise voisine de celle de Lucca, et en lui donnant le LA.
Et tous deux se mirent �� jouer une contredanse.
Aussit?t de tous les coins du jardin accoururent, dans les costumes les plut ��tranges, une douzaine de fous, hommes et femmes, parmi lesquels je reconnus au premier coup d'oeil le fils de l'empereur de la Chine et le pr��tendu mort; le premier avait sur la t��te une magnifique couronne de papier dor��; l'autre ��tait envelopp�� d'un grand drap blanc et marchait d'un pas grave et pos��, comme il convient �� un fant?me: les autres ��taient le fou m��lancolique, qui venait visiblement �� regret et que de temps en temps ��taient oblig��s de pousser deux gardiens; une femme qui se croyait sainte Th��r��se et qui avait des extases, puis enfin une jeune femme de vingt �� vingt et un ans, dont on pouvait sous les traits fl��tris deviner la beaut�� premi��re: elle aussi venait p��niblement, et plut?t tra?n��e que conduite par une femme qui paraissait charg��e de sa garde; enfin elle se mit en place comme les autres, et la contredanse commen?a.
Contredanse ��trange, o�� chaque acteur semblait ob��ir m��caniquement �� la pression de quelque ressort secret qui le mettait en mouvement, tandis que son esprit suivait la pente o�� l'entra?nait la folie; quadrille joyeux en apparence, sombre en r��alit��, o�� tout ��tait insens��, musique, musiciens et danseurs; spectacle terrible �� regarder, en ce qu'il laissait voir au plus profond de la faiblesse humaine.
Je m'��cartai un instant. J'avais peur de devenir fou moi-m��me.
Le baron vint �� moi.
--J'ai interrompu votre conversation avec ce pauvre Lucca, me dit-il, car je ne permets pas qu'il se perde dans ses syst��mes m��taphysiques. Les fous m��taphysiciens sont les plus difficiles �� gu��rir, en ce qu'on ne peut pas dire o�� la raison finit, o�� la folie commence. Qu'il se croie Dante, le Tasse, Arioste, Shakspeare ou Chateaubriand, il n'y a pas d'inconv��nient �� cela. J'ai sauv�� presque tous ceux qui n'avaient que ce genre d'ali��nation, et je sauverai Lucca, j'en suis certain. Mais ceux que je ne sauverai pas, continua le baron en secouant la t��te et en ��tendant la main vers les danseurs, c'est cette pauvre folle qui se d��bat pour quitter sa place et retourner �� l'��cart. Et, tenez, la voil�� qui se renverse en arri��re, sa crise lui prend; jamais elle ne pourra entendre la musique, jamais elle ne pourra voir danser sans retomber dans sa folie.--C'est bien, c'est bien, laissez-la tranquille, cria le baron �� la femme qui en avait soin et qui voulait la forcer de rester �� la contredanse. Costanza, Costanza, viens, mon enfant, viens. Et il fit quelques pas vers elle, tandis que la jeune fille, profitant de sa libert��, accourait l��g��re comme une gazelle effarouch��e, et, tout en regardant derri��re elle pour voir si elle n'��tait pas poursuivie, venait se jeter toute sanglotante dans ses bras.
--Eh bien, mon enfant, dit le baron, voyons, qu'y a-t-il encore?
--O mon p��re, mon p��re! ils ne veulent pas ?ter leurs masques, ils ne veulent dire leur noms qu'�� lui, ils l'emm��nent dans la chambre �� c?t��. Oh! ne le laissez pas aller avec eux, au nom du ciel; ils le tueront, Albano, Albano, ah!... ah! mon Dieu, mon Dieu, c'est fini..., il est trop tard! Et la jeune fille se renversa presque ��vanouie dans les bras du baron, qui, quelque habitu�� qu'il fut �� ce spectacle, ne put s'emp��cher de tirer un mouchoir de sa poche et d'essuyer une larme qui roulait le long de sa joue.
Pendant ce temps-l�� les autres dansaient toujours, sans s'occuper le moins du monde de la douleur de la jeune fille; et, quoique sa crise e?t commenc�� au milieu de tous, aucun n'avait paru s'en apercevoir, pas m��me Lucca, qui jouait du violon avec une esp��ce de fr��n��sie, frappant du pied et criant des figures que personne ne suivait. Je sentis que le vertige me gagnait, c'��tait une de ces sc��nes comme en raconte Hoffmann, ou comme on en voit en r��ve. Je demandai au baron la permission de lire les r��glements de sa maison, dont on m'avait parl�� comme d'un mod��le de philanthropie; il tira de sa poche une petite brochure imprim��e, et je me retirai dans un cabinet d'��tude que le baron s'��tait r��serv�� et dont il me fit ouvrir la porte.
Je citerai deux ou trois articles de ce r��glement.
CHAPITRE V.
Art. 45.
?On a d��j�� aboli dans la maison des fous l'usage cruel et abominable des cha?nes et des coups de baton, qui, au lieu de rendre plus calmes et plus dociles les malheureux ali��n��s, ne font que redoubler leur fureur et, leur inspirer des sentiments de vengeance. N��anmoins, si, malgr�� la douceur qu'on emploie avec eux, ils s'abandonnent �� la violence, on aura recours aux moyens de restriction,
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