Le Capitaine Arena:, vol 2 | Page 3

Alexandre Dumas, père
rire, prit une clef des mains du gardien, et ouvrit la porte.
Cette porte donnait dans une chambre matelass��e de tous c?t��s, et dans laquelle il n'y avait pas de vitraux, de peur sans doute que celui qui l'habitait ne se blessat en brisant les carreaux. Cette absence de cl?ture n'��tait, au reste, qu'un tr��s-m��diocre inconv��nient; l'exposition de la chambre ��tant au midi, et le climat de la Sicile ��tant constamment temp��r��.
Dans un coin de cette chambre il y avait un lit, et sur ce lit un homme v��tu d'une camisole de force qui lui serrait les bras autour du corps et lui fixait les reins �� la couchette. Un quart d'heure auparavant il avait eu un acc��s terrible, et les gardiens avaient ��t�� oblig��s de recourir �� cette mesure r��pressive, fort rare, au reste, dans cet ��tablissement. Cet homme pouvait avoir de trente �� trente-cinq ans, avait d? ��tre extr��mement beau, de cette beaut�� italienne qui consiste dans des yeux ardents, dans un n��e recourb��, et dans une barbe et des cheveux noirs, et ��tait bati comme un Hercule.
Lorsqu'il entendit ouvrir la porte, ses rugissements redoubl��rent; mais �� peine en soulevant la t��te ses regards eurent-ils rencontr�� ceux du baron, que ses cris de rage se chang��rent en cris de douleur, qui bient?t eux-m��mes d��g��n��r��rent en plaintes. Le baron s'approcha de lui, et lui demanda ce qu'il avait fait pour qu'on l'attachat ainsi. Il r��pondit qu'on lui avait enlev�� Ang��lique, et qu'alors il avait voulu assommer M��dor. Le pauvre diable se figurait qu'il ��tait Roland, et malheureusement, comme son patron, sa folie ��tait une folie furieuse.
Le baron le tranquillisa tout doucement, lui assurant qu'Ang��lique avait ��t�� enlev��e malgr�� elle, mais qu'�� la premi��re occasion elle s'��chapperait des mains de ses ravisseurs pour venir le rejoindre. Peu �� peu cette promesse, renouvel��e d'une voix pleine de persuasion, calma l'amant d��sol��, qui demanda alors au baron de le d��tacher. Le baron lui fit donner sa parole d'honneur qu'il ne chercherait pas �� profiter de sa libert�� pour courir apr��s Ang��lique; le fou la lui donna de la meilleure foi du monde. Alors le baron d��lia les boucles qui l'attachaient, et lui enleva la camisole de force, tout en le plaignant sur le malheur qui venait de lui arriver. Cette sympathie �� ses malheurs imaginaires eut son effet; quoique libre, il n'essaya pas m��me de se lever, mais seulement s'assit sur son lit. Bient?t ses plaintes d��g��n��r��rent en g��missements, et ses g��missements en sanglots; mais, malgr�� ces sanglots, pas une larme ne sortait de ses yeux. Depuis un an qu'il ��tait dans l'��tablissement, le baron avait fait tout ce qu'il avait pu pour le faire pleurer, mais il n'avait jamais pu y r��ussir. Il comptait un jour lui annoncer la mort d'Ang��lique, et le faire assister �� l'enterrement d'un mannequin; il esp��rait que cette derni��re crise lui briserait le coeur, et qu'il finirait enfin par pleurer. S'il pleurait, M. Pisani ne doutait plus de sa gu��rison.
Dans la chambre en face ��tait un autre fou furieux, que deux gardiens balan?aient dans un hamac o�� il ��tait attach��. A travers les barreaux de sa fen��tre, Il avait vu ses camarades se promener dans le jardin, et il voulait aller se promener avec eux; mais comme �� sa derni��re sortie il avait failli assommer un fou m��lancolique, qui ne fait de mal �� personne et se prom��ne ordinairement en ramassant les feuilles s��ches qu'il trouve dans son chemin et qu'il rapporte pr��cieusement dans sa cellule pour en composer un herbier, on s'��tait oppos�� �� son d��sir. Ce qui l'avait mis dans une telle col��re qu'on avait ��t�� oblig�� de le lier dans son hamac, ce qui est la seconde mesure de r��pression; la premi��re ��tant l'emprisonnement; la troisi��me, le gilet de force. Au reste, il ��tait fr��n��tique, faisait tout ce qu'il pouvait pour mordre ses gardiens, et poussait des cris de poss��d��.
--Eh bien! lui demanda le baron en entrant, qu'y a-t-il? Nous sommes donc bien m��chant aujourd'hui!
Le fou regarda le baron, et passa de ses hurlements �� de petits cris pareils �� ceux d'un enfant qui pleure.
--On ne veut pas me laisser aller jouer, dit-il; on ne veut pas me laisser aller jouer.
--Et pourquoi veux-tu aller jouer?
--Je m'ennuie ici, je m'ennuie; et il se remit �� vagir comme un poupard.
--Au fait, dit le baron Pisani, tu ne dois pas t'amuser, attach�� comme cela; attends, attends. Et il le d��tacha.
--Ah! fit le fou en sautant �� terre et en ��tendant ses bras et jambes; ah! maintenant je veux aller jouer.
--C'est impossible, dit le baron; parce que la derni��re fois qu'on te l'a permis, tu as ��t�� m��chant.
--Alors, que vais-je donc faire? demanda le fou.
--��coute, reprit le baron, pour te distraire un instant, veux-tu danser la tarentelle?
--Ah! oui, la tarentelle, s'��cria le fou avec un accent joyeux dans
Continue reading on your phone by scaning this QR Code

 / 65
Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.