Le Capitaine Arena:, vol 1 | Page 6

Alexandre Dumas, père
demander au premier venu l'histoire de ma?tre T��rence: Dieu merci! elle est connue, et on vous la racontera.
--Vous croyez?
--Oh! j'en suis s?r.
Je pris mon album, et j'��crivis dessus en grosses lettres:
_?Ne pas oublier de me faire raconter l'histoire de ma?tre T��rence de Catanzaro, qui a fait_ gratis _une paire de culottes au diable, �� la condition que le diable emporterait sa femme.?_
Et je revins �� Agnolo.
La toile ��tait lev��e, et, sur une musique plus ��trange encore que la ritournelle dont la bizarrerie m'avait d��j�� frapp��, Agnolo venait de commencer une danse de sa composition: car non-seulement Agnolo ��tait ex��cutant, mais encore compositeur; danse dont rien ne peut donner une id��e, et qui aurait eu un miraculeux succ��s dans l'op��ra de la Tentation, si on avait pu y transporter tout ensemble les musiciens, la musique et le danseur. Malheureusement, ne connaissant que le titre du ballet, et n'en ayant point encore entendu le programme, je ne pouvais comprendre que fort superficiellement l'action, qui me paraissait des plus int��ressantes et des plus compliqu��es. Je voyais bien de temps en temps Agnolo faire le geste d'un homme qui tire son fil, qui passe ses culottes, et qui avale un verre de vin; mais ces diff��rents gestes ne me paraissaient constituer, si je puis le dire, que les ��pisodes du drame, dont le fond me demeurait toujours obscur. Quant �� Agnolo, sa pantomime devenait de plus en plus vive et anim��e, et sa danse bouffonne et fantastique �� la fois ��tait pleine d'un caract��re d'entra?nement presque magique. On voyait les efforts qu'il faisait pour r��sister, mais la musique l'emportait. Pour le fl?teur et le guitariste, le premier soufflait �� perdre haleine, tandis que le second grattait �� se d��mancher les bras. Les assistants tr��pignaient, Agnolo bondissait, Jadin et moi nous nous laissions aller comme les autres �� ce spectacle diabolique, quand tout �� coup je vis Nunzio qui, per?ant la foule, venait dire tout bas quelques paroles au capitaine. Aussit?t le capitaine ��tendit la main, et me touchant l'��paule:
--Excellence? dit-il.
--Eh bien! qu'y a-t-il? demandai-je.
--Excellence, c'est le vieux qui assure qu'il se passe quelque chose de singulier dans l'air, et qu'au lieu de regarder danser des danses qui r��voltent le bon Dieu, nous ferions bien mieux de nous mettre en pri��res.
--Mais que diable Nunzio veut-il qu'il se passe dans l'air?
--J��sus! cria le capitaine, on dirait que tout tremble.
Cette judicieuse remarque fur imm��diatement suivie d'un cri g��n��ral de terreur. Le batiment vacilla comme s'il ��tait encore en pleine mer. Un des deux ��tais qui le soutenaient glissa le long de sa car��ne, et le speronare, versant comme une voiture �� laquelle deux roues manqueraient �� la fois du m��me c?t��, nous envoya tous, danseurs, musiciens et assistants, rouler p��le-m��le sur le sable!
Il y eut un instant d'effroi et de confusion impossible �� d��crire; chacun se releva et se mit �� fuir de son c?t��, sans savoir o��. Quant �� moi, n'ayant plus aucune id��e, grace �� la culbute que je venais de faire, de la topographie du terrain, je m'en allais droit dans la mer, quand une main me saisit et m'arr��ta. Je me retournai, c'��tait le pilote.
--O�� allez-vous, excellence? me dit-il.
--Ma foi! pilote, je n'en sais rien. Allez-vous quelque part? Je vais avec vous, ?a m'est ��gal.
--Nous n'avons nulle part �� aller, excellence; et ce que nous pouvons foire de mieux, c'est d'attendre.
--Eh bien! dit Jadin en arrivant �� son tour tout en crachant le sable qu'il avait dans la bouche, en voil�� une de cabriole!
--Vous n'avez rien? lui demandai-je.
--Moi, rien du tout; je suis tomb�� sur Milord que j'ai manqu�� ��touffer, voil�� tout. Ce pauvre Milord, continua Jadin en adressant la parole �� son chien de son fausset le plus agr��able, il a donc sauv�� la vie �� son ma?tre. Milord se ramassa sur lui-m��me et agita vivement sa queue en t��moignage du plaisir qu'il ��prouvait d'avoir accompli sans s'en douter une si belle action.
--Mais enfin, demandai-je, qu'y a-t-il? qu'est-il arriv��?
--Il est arriv��, dit Jadin en haussant les ��paules, que ces imb��ciles-l�� ont mal assur�� les pieux, et qu'un des supports ayant manqu��, le speronare �� fait comme quand Milord secoue ses puces.
--C'est-��-dire, reprit le pilote, que c'est la terre qui a secou�� les siennes.
--Comment?
--��coutez ce qu'ils crient tous en se sauvant.
Je me retournai vers le village, et je vis nos convives qui couraient comme des fous en criant: _Terre moto, terre moto!_
--Qu'est-ce que cela veut dire? Est-ce que c'est un tremblement de terre? demandai-je.
--Ni plus ni moins, dit le pilote.
--Parole d'honneur? fit Jadin.
--Parole d'honneur, reprit Nunzio.
--Eh bien! pilote, touchez-l��, dit Jadin, je suis enchant��.
--De quoi? demanda gravement Nunzio.
--D'avoir joui d'un tremblement de terre. Tiens! est-ce que vous croyez que ?a se rencontre tous les dimanches, vous? Ce pauvre Milord, il aura donc vu des temp��tes, il aura donc vu des volcans, il aura
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