en style de coulisses, _soigner son entr��e._ Aussi Agnolo, plus heureux sur ce point que beaucoup d'acteurs en r��putation, eut-il le bonheur de ne pas manquer son effet.
Alors commen?a entre Pietro et le nouveau venu une v��ritable lutte chor��graphique. Nous croyions conna?tre Pietro depuis le temps que nous le pratiquions, mais nous, f?mes forc��s d'avouer que c'��tait la premi��re fois que le vrai Pietro nous apparaissait dans toute sa splendeur. Les gigottements, les flic-flacs, les triples tours auxquels il se livra, ��taient quelque chose de fantastique; mais tout ce que faisait Pietro ��tait �� l'instant m��me r��p��t�� par Agnolo comme par son ombre, et cela, il fallait l'avouer, avec une m��thode sup��rieure. Pietro ��tait le danseur de la nature, Agnolo ��tait celui de la civilisation; Pietro accomplissait ses pas avec une certaine fatigue de corps et d'esprit: on voyait qu'il les combinait d'abord dans sa t��te, puis que les jambes ob��issaient �� l'ordre donn��; chez Agnolo, point: tout ��tait instantan��, l'art ��tait arriv�� �� ressembler �� de l'inspiration, ce qui, comme chacun le sait, est le plus haut degr�� auquel l'art puisse atteindre. Il en r��sulta que Pietro, haletant, essouffl��, au bout de sa force et de son haleine, apr��s avoir ��puis�� tout son r��pertoire, tomba les jambes crois��es sous lui en jetant son cri de d��faite habituel, sans cons��quence lorsque la chose se passait devant nous, c'est-��-dire en famille, mais qui acqu��rait une bien autre gravit�� en face d'un rival comme Agnolo. Quant �� Agnolo, comme la f��te commen?ait �� peine pour lui, il laissa quelques minutes �� Pietro pour se remettre; puis, voyant que son antagoniste avait sans doute besoin d'une tr��ve plus longue, puisqu'il ne se relevait pas, il redemanda une autre tarentelle et continua ses exercices.
Cette fois Agnolo, qui n'avait pas de concurrence �� soutenir, fut lui-m��me, c'est-��-dire v��ritablement un beau danseur, non pas comme on l'entend dans un salon de France, mais comme on le demande en Espagne, en Sicile et en Calabre. Toutes les figures de la tarentelle furent pass��es en revue, toutes les passes accomplies; sa ceinture, son chapeau, son bouquet, devinrent l'un apr��s l'autre les accessoires de ce petit drame chor��graphique, qui exprima tour �� tour tous les degr��s de la passion, et qui, apr��s avoir commenc�� par la rencontre presque indiff��rente du danseur et de sa danseuse, avoir pass�� par les diff��rentes phases d'un amour combattu puis partag��, finit par toute l'exaltation d'un bonheur mutuel. Nous nous ��tions approch��s comme les autres pour voir cette repr��sentation vraiment th��atrale, et, au risque de blesser l'amour-propre de notre pauvre Pietro, nous m��lions nos applaudissements �� ceux de la foule, lorsque les cris de _La danse du Tailleur, La danse du Tailleur!_ retentirent, prof��r��s d'abord par deux ou trois personnes, puis ensuite r��p��t��s fr��n��tiquement non-seulement par les invit��s qui se trouvaient �� bord, mais encore par les spectateurs qui garnissaient le rivage. Agnolo se retourna vers nous, comme pour dire que puisqu'il ��tait notre h?te il ne ferait rien qu'avec notre consentement, nous joign?mes alors nos instances �� celles qui le sollicitaient d��j��. Alors Agnolo, saluant gracieusement la foule, fit signe qu'il allait se rendre au d��sir qu'on lui exprimait. Cette condescendance fut �� l'instant m��me accueillie par des applaudissements unanimes, et la musique commen?a une ritournelle bizarre, qui eut le privil��ge d'exciter �� l'instant m��me l'hilarit�� parmi tous les assistants.
Comme j'ai le malheur d'avoir l�� compr��hension tr��s-difficile �� l'endroit des ballets, je m'approchai du capitaine, et lui demandai ce que c'��tait que la danse du Tailleur.
--Ah! me dit-il, c'est une de leurs histoires diaboliques, comme ils en ont par centaines dans leurs montagnes. Que voulez-vous! ce n'est pas ��tonnant, ce sont tous des sorciers et des sorci��res en Calabre.
--Mais enfin, �� quelle circonstance cette danse a-t-elle rapport?
--C'est un brigand de tailleur de Catanzaro, ma?tre T��rence, qui a fait gratis une paire de culottes au diable; �� la condition que le diable emporterait sa femme. Pauvre femme! Le diable l'a emport��e tout de m��me.
--Bah!
--Oh! parole d'honneur:
--Comment cela?
--En jouant du violon. Oh n'en a plus entendu parler jamais, jamais.
--Vraiment?
--Oh! mon Dieu, oui, il vit encore. Si vous passez �� Catanzaro, vous pourrez le voir.
--Qui? le diable?
--Non, ce gueux de T��rence. C'est arriv�� il n'y a pas plus de dix ans, au su et au vu de tout le monde. D'ailleurs c'est bien connu, ce sont tous des sorciers et des sorci��res en Calabre.
--Oh! capitaine, vous me raconterez l'histoire, n'est-ce pas?
--Oh! moi, je ne la sais pas bien, dit le capitaine; et puis d'ailleurs je n'aime pas beaucoup �� parler de toutes ces histoires-l�� o�� le diable joue un r?le, attendu que, comme vous le savez, il y a d��j�� eu dans ma famille une histoire de sorci��re. Mais vous allez traverser la Calabre, Dieu veuille qu'il ne vous y arrive aucun accident, et vous pourrez
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