Lassassinat du pont-rouge | Page 5

Charles Barbara
autrement que sur parole! Il l'a dit lui-m?ame: ??Celui qui sentira pleinement ma musique sera ?? tout jamais d??livr?? des mis?��res que les autres tra??nent apr?��s eux.??
Au moment o?1 Mme Thillard et Destroy achevaient la sonate, le vieux Fr??d??ric se trouvait l?? et se disposait ?? sortir. C'??tait un petit homme maigre, enti?��rement chauve, toujours frais ras??, plein de verdeur encore, sur le visage duquel brillait ce que l'on peut appeler la passion du sacrifice. Max l'avait toujours vu en cravate blanche, avec la m?ame redingote bleu ?? petit collet et le m?ame pantalon gris-souris. Il ne s'en alla pas qu'il n'e??t donn?? un coup d'oeil ?? toutes choses et n'e??t pris humblement cong?? de la m?��re et de la fille. Destroy, que br??lait l'envie de le questionner, le suivit de pr?��s et le joignit bient?��t, comme par hasard.
Le bonhomme avait pour Max une pr??dilection marqu??e; il fut visiblement enchant?? de la circonstance. Promenant sa manche sur une tabati?��re ronde en buis qu'il tira de sa poche, il respira une forte pinc??e de tabac, apr?��s en avoir offert ?? Destroy. Celui-ci, pour le faire jaser, usa d'ambages au moins inutiles. Fr??d??ric, tout discret qu'il ??tait, ne pouvait songer ?? taire les points essentiels d'une histoire que les journaux avaient colport??e dans toute la France. D'un air navr??, en termes amers, il en indiqua ?? grands traits les phases notables. Depuis nombre d'ann??es d??j?? il ??tait au service de M. Ducornet, quand Thillard, encore imberbe, y ??tait entr?? au titre le plus humble. Des dehors s??duisants, de l'application, une pr??coce intelligence des affaires, et notamment une souplesse d'esprit peu commune, lui avaient rapidement concili?? les bonnes gr?��ces du patron; et, tout entier ?? l'ambition d'exploiter cette bienveillance, il avait fait un chemin qui, vu le point de d??part, dut le surprendre lui-m?ame. En moins de dix ann??es, apr?��s en avoir employ?? la moiti?? au plus ?? conqu??rir la place de premier commis, il ??tait devenu, sans poss??der un sou vaillant, l'associ?? de M. Ducornet, puis son gendre, finalement son successeur. Jusque-l??, il est vrai, rien n'??tait plus l??gitime. Mais comment devait-il en user et acquitter sa dette envers une famille qui, eu ??gard seulement au chiffre de sa fortune, pouvait exiger dans un gendre bien autre chose que du m??rite.
Son beau-p?��re mourut. A observer l'effet de cette mort sur Thillard, on e??t dit d'un homme qu'on d??barrasse de cha??nes pesantes, ?? la suite d'une longue et dure r??clusion. Toute la vertu de son pass?? n'??tait qu'une imperturbable hypocrisie. Actuellement, aux plus mauvais instincts, ?? un ??go?��sme incommensurable, il fallait joindre une vanit?? sans contre-poids de parvenu et le vertige dont le frappait l'??clat d'une fortune inesp??r??e. Sa femme et sa belle-m?��re, engou??es de lui ?? en perdre toute clairvoyance, ne discontinu?��rent pas d'?atre ses dupes et ses victimes. Elles furent les derni?��res ?? conna??tre ses d??sordres, et, hormis un luxe ruineux, elles crurent jusqu'?? la fin n'avoir point de reproche ?? lui faire. Cependant, bien qu'il se montr?��t vis-??-vis d'elles toujours aussi empress??, toujours aussi jaloux de leur plaire, sa pens??e s'??loignait de plus en plus de sa femme et de son int??rieur. Entra??n?? par gloriole au milieu de ces rentiers parasites autour de qui r?��dent des industriels de toutes sortes, comme font les requins autour d'un navire, il achetait le triste honneur de cette compagnie par un m??pris de l'argent analogue ?? celui d'un homme qui n'est pas le fils de ses oeuvres ou qui l'est devenu trop vite. En proie au jeu, ?? d'insatiables courtisanes, ?? une dissipation effr??n??e, bient?��t ?? l'usure, quand, apr?��s quatre ann??es de ces exc?��s, l'embarras de ses affaires exigeait des mesures urgentes, ??nergiques, radicales, il achevait de compromettre irr??parablement sa position en se jetant pieds et poings li??s dans des sp??culations hasardeuses. Enfin, aux d??fiances dont il ??tait l'objet, ?? son cr??dit ??branl??, il n'??tait plus possible de pr??voir comment, ?? moins d'un miracle, il parviendrait ?? conjurer sa ruine.
??Je vous laisse ?? penser dans quelles anxi??t??s je vivais, continua Fr??d??ric qui, en cet endroit, plongea de nouveau les doigts dans sa tabati?��re. Notez que je me consolais un peu en songeant que madame Ducornet et sa fille, quoi qu'il arriv?��t, auraient toujours les ressources de leur avoir personnel. Qu'est-ce que je devins donc quand je m'aper?��us que M. Thillard, qui probablement combinait d??j?? sa fuite, fondait des esp??rances sur sa femme et sur sa belle-m?��re, et ne pr??m??ditait rien moins que de les d??pouiller toutes deux? Ah! je fus pire qu'un diable. Trente ann??es pass??es dans la maison me donnaient bien d'ailleurs quelque droit. Hors de moi, je jurai ?? madame Ducornet et ?? sa fille que M. Thillard avait creus?? un abime que des millions ne combleraient pas, et les suppliai, ?? mains jointes, de prendre piti?? d'elles-m?ames. Mais, ouiche! qu'est-ce que
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