Lassassinat du pont-rouge | Page 4

Charles Barbara
en outre, parfaitement av??r?? qu'il n'a jamais recouru au travail qu'?? l'heure o?1 les dupes lui manquaient? Et ce n'est pas tout! Crevant d'??go?��sme, de vanit??, d'envie, de haine, incapable de rendre un r??el service, n'ayant jamais eu d'amis que pour les exploiter, il ne suffit pas que sa vie n'ait ??t?? qu'une perp??tuelle d??bauche des sens et de l'esprit, il faut encore que, d??pourvu absolument d'indulgence, except?? pour ses vices, il se soit incessamment montr?? le plus impitoyable critique des travers d'autrui. Apr?��s cela, qu'on d??plore sa d??pravation et qu'on l'en plaigne, passe encore; mais qu'on s'extasie, en quelque sorte, ?? ses m??rites, cela m'exasp?��re!
--Vous ne tenez pas non plus assez compte des passions.
--Les passions!... Mais nous en avons pour les combattre, et non pour nous y abandonner ?? l'instar des animaux.
--En d??finitive, reprit Max, qu'a-t-il fait, sinon ce que font, sur une moins vaste ??chelle, bien d'autres jeunes gens de notre g??n??ration? Combien ont en eux le germe des vices qui sont en fleur chez lui, et n'atteignent point ?? l'??normit?? de ses fautes, uniquement parce qu'il leur manque sa force, son temp??rament, son audace!
--Mais je suis de votre avis, dit brusquement de Villiers. Votre Cl??ment n'est pas le seul que j'aie en vue. Il est pour moi un type d'une actualit?? saisissante. Sans chercher plus loin, on pourrait dire qu'en lui sont vraiment concentr??s et r??sum??s les vices, les pr??jug??s, le scepticisme, l'ignorance et l'esprit de ces boh?��mes dont l'histoire superficielle semble suffire ?? l'ambition de votre ami Rodolphe....??

III.
Sur la mort d'un agent de change.
Le lendemain, dans l'apr?��s-midi, Destroy descendit chez ses voisines, avec quelques autres pr??occupations que celles d'y faire simplement de la musique. En traversant l'antichambre, il aper?��ut, par la porte entre-b?��ill??e d'une petite cuisine, le vieux Fr??d??ric qui attisait les charbons d'un fourneau. La m?��re et la fille accueillirent Max comme elles faisaient toujours, avec un empressement affectueux.
Il est ?? remarquer que celui-ci, dans sa conversation avec Rodolphe, avait singuli?��rement att??nu?? la beaut?? surprenante de Mme Thillard: peut-?atre avait-il craint que la vivacit?? de son enthousiasme n'inspir?��t quelque ??pigramme ?? son ami. Outre qu'elle ??tait grande, pas trop cependant, et svelte, elle avait des ??paules incomparables, que le deuil faisait plus belles encore. Son visage ovale, d'une chaude p?��leur, n'offrait, quoique d'une r??gularit?? parfaite, aucun de ces contours arr?at??s, d??licats, qui donnent aux figures anglaises quelque chose de si froid; le model?? en ??tait gras, doux, harmonieux; on n'y e??t pas d??couvert l'ombre d'un pli. Un regard de ses yeux noirs produisait l'effet d'un ??clair; quand elle souriait, l'ivoire l??g?��rement dor?? de ses dents ne faisait point mal sur le rouge des l?��vres un peu fortes. Il semblait qu'elle rougit de ses charmes, par exemple, de sa chevelure brune, dont elle essayait, mais en vain, de dissimuler l'exub??rance splendide; de ses mains blanches coquettement enfouies sous des nuages de dentelles; des courbes gracieuses de son pied que gardaient en jaloux les ombres de sa robe. Par-dessus cela, tout, dans ses mouvements, ??tait souplesse et gr?��ce, et du bout de son pied ?? l'extr??mit?? de ses cheveux, les s??ductions ruisselaient vraiment de sa personne. Si, ?? la voir, le moins qu'on p??t faire ??tait de l'aimer, aux sons de sa voix musicale et sympathique, c'??tait miracle que cet amour n'all?��t pas jusqu'?? l'adoration.
L'autre femme, avec sa grave et belle figure, encadr??e de boucles blanches, comparables ?? des flocons de soie, avec ses yeux d'o?1 la bont?? coulait comme d'une source, ??tait bien la digne m?��re de Mme Thillard. D'un mot, Destroy faisait de Mme Ducornet un ??loge auquel on ne peut rien ajouter: ??C'??tait, disait-il, une de ces rares femmes qui savent vieillir, une de celles qu'on voudrait pour m?��re, quand on n'a plus la sienne.??
Mme Thillard s'assit au piano et Max accorda son violon; ils jou?��rent une des grandes sonates de Beethoven pour ces deux instruments. Destroy avait une mani?��re large et une vigueur qui naturellement nuisaient beaucoup au fini de son ex??cution. Mais il avait un m??rite rare: celui de sentir et de s'identifier ?? ce point avec son violon, qu'il semblait que l'instrument f??t partie int??grante de lui-m?ame. Bien que la fa?��on tout exceptionnelle dont il interpr??ta l'andante manqu?��t de ces tatillonnages pr??m??dit??s qui mettent l'instrumentiste au niveau d'un bateleur de haut go??t, il n'en fit pas moins sur Mme Thillard la plus vive impression.
??Quelle magnifique chose!?? s'??cria-t-elle avec enthousiasme.
L'?��me de Max d??bordait de r?averies.
??Oui, fit-il ?? mi-voix, cet homme est le vrai po?��te de notre ??poque, On jurerait qu'il a pr??vu nos d??chirements et compos?? en vue de nos mis?��res. J'imagine que, dans le principe, ?? c?��t?? du calme et profond Haydn, il devait para??tre singuli?��rement turbulent et t??n??breux. Ses oeuvres sont aujourd'hui une source in??puisable de consolations ?? la hauteur des calamit??s qui p?��sent sur nous. Heureux qui les admirent
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