Largent des autres | Page 6

Emile Gaboriau
et le plus d��vou�� des amis? Je me suis tue quand l'homme en qui j'avais toute confiance me priait de me taire, mais il savait que si vous m'interrogiez, je parlerais, il ��tait pr��venu. M'avez-vous interrog��e?... Et maintenant que vous faut-il de plus? Que je me justifie d'une accusation absurde, que je m'abaisse jusqu'�� calmer les soup?ons de votre esprit malade? C'est ce que je ne ferai pas....
Elle n'avait peut-��tre pas absolument raison. Mais Maxence avait tort, il le reconnut, il pleura, il implora un pardon qui lui fut accord��, et cette explication ne fit que resserrer les liens d��j�� si forts qui l'attachaient.
Il est vrai qu'�� dater de ce jour, usant de la permission qui lui avait ��t�� donn��e, il s'informa sans cesse des d��marches et des esp��rances de Mlle Lucienne.
Elle lui apprit que son ami le commissaire s'��tait livr��, �� Louveciennes, aux plus minutieuses investigations.
Elle lui apprit que d��sormais le valet de pied qui l'accompagnait au bois n'��tait pas un valet de pied de chez Brion, mais bien un agent de la s?ret��.
Et enfin un jour:
--Mon ami le commissaire, dit-elle, pr��tend qu'il tient enfin la bonne piste.

II
Telle ��tait exactement la situation de Maxence et de Mlle Lucienne, ce samedi soir du mois d'avril 1872, o�� la police se pr��senta rue Saint-Gilles pour arr��ter M. Vincent Favoral, accus�� de d��tournements et de faux.
Si terrible fut le coup, si soudain et si impr��vu, que Maxence, tout d'abord, en perdit jusqu'�� la facult�� de r��fl��chir.
Mais lorsqu'il eut assur�� l'��vasion de son p��re, apr��s que le commissaire de police eut achev�� ses perquisitions, d��s que se furent retir��s les anciens amis du caissier du Cr��dit mutuel, M. Chapelain, M. et Mme Desclavettes et le papa D��sormeaux, c'est vers Mlle Lucienne que s'��lanc��rent toutes les pens��es de Maxence.
Elle avait pris sur lui un si complet empire, il s'��tait si invinciblement accoutum�� �� se reposer sur elle, �� la consulter en tout, �� n'agir que d'apr��s ses inspirations, que s��par�� d'elle, au moment d'une crise affreuse, il ��tait comme un corps sans ame.
Il br?lait de courir jusqu'�� l'H?tel des Folies, raconter �� Mlle Lucienne ce qui se passait, en lui demandant des consolations, du courage et des conseils.
Sur les instances de Mme Favoral et de Mlle Gilberte, il resta rue Saint-Gilles.
Et c'��tait un cruel sacrifice, car il songeait que Mlle Lucienne l'attendait. Ils devaient, ce soir-l��, aller ensemble au th��atre, et ils avaient projet�� de passer �� la campagne la journ��e du lendemain. Et il se disait:
--Que va-t-elle imaginer, en ne me voyant pas rentrer?...
Aussi, le lendemain, lorsqu'il vit sa m��re s'appr��ter pour sortir et se rendre, avec M. Chapelain, chez le Directeur du _Comptoir de Cr��dit mutuel_, il n'y tint plus.
Et, sans se pr��occuper des inconv��nients qu'il pouvait y avoir �� laisser sa soeur seule �� la maison, il partit comme un fou.
Il ��tait d��sesp��r��, d��chir�� d'angoisses, mais au-dessus de tout, se dressait le souvenir de Mlle Lucienne.
C'est �� elle qu'il pensait, lorsque arrivaient jusqu'�� lui, comme des ��claboussures, les r��flexions injurieuses des gens qui le regardaient passer.
C'est d'elle qu'il s'inqui��tait, en lisant dans un journal qu'il venait d'acheter au coin de la rue Charlot, les d��tails scandaleux du crime de son p��re....
Et lorsqu'il fut arriv�� �� l'H?tel des Folies, c'est avec d'atroces palpitations de coeur qu'il montait l'escalier, lorsqu'il reconnut la voix de la jeune fille.
--Elle chante! murmura-t-il. Elle ne sait rien, la Fortin ne lui a rien dit.
Elle ��tait, en tout cas, fort irrit��e, il le reconnut �� son accent, quand, ayant frapp�� �� la porte de sa chambre, elle lui cria qu'elle achevait de s'habiller, qu'il n'avait qu'�� rentrer chez lui, qu'elle ne tarderait pas �� l'y rejoindre.
Il gagna donc sa chambre, et c'est en proie au plus sombre d��couragement qu'il se laissa tomber dans son fauteuil, meuble ami, o�� tant de fois il s'��tait oubli�� en ces vagues r��veries d'avenir qui consolent des mis��res pr��sentes....
Mlle Lucienne avait repris sa chanson, dont les paroles lui arrivaient comme une am��re raillerie:
Elle disait de sa voix claire:
Espoir, mot doux et trompeur, Trop fausse monnaie, Bien fou qui de toi se paie, Et fait cr��dit au bonheur.... Au-dessus de sa boutique, Chacun t'accroche et fait bien, O vieille enseigne ironique: ?On rase demain pour rien!...? C'est joli de courrir, Mais mieux vaut encor tenir!...
--Que va-t-elle dire, songeait Maxence, quand elle apprendra l'horrible d��sastre!
Et il sentait comme une sueur glac��e lui perler aux tempes, en se rappelant l'orgueil de Mlle Lucienne, et que l'honneur ��tait sa seule croyance et la planche de salut o�� d��sesp��r��ment elle s'��tait cramponn��e, au plus fort des orages de sa vie. Si elle allait s'��loigner de lui, maintenant que le nom qu'il portait ��tait d��shonor��!
Mais un pas rapide et l��ger, sur le palier, le tira de ses sombres r��flexions.
Sa porte s'ouvrit presque aussit?t, et Mlle Lucienne entra....
Elle avait d?
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