Largent des autres | Page 7

Emile Gaboriau
se hater, car elle achevait d'agrafer sa robe, dont la simplicit�� semblait une coquetterie, tant merveilleusement elle accusait la souplesse de sa taille, les splendeurs de son corsage et les rares perfections de ses ��paules et de son col....
Un vif m��contentement se lisait sur son beau visage; mais d��s qu'elle eut aper?u Maxence, sa physionomie changea.
Et il ne fallait, en effet, que voir le morne affaissement de l'infortun��, le d��sordre de ses v��tements, sa paleur livide et l'��clat sinistre de ses yeux pour comprendre qu'un grand malheur le frappait.
D'une voix dont le trouble trahissait quelque chose de plus que l'inqui��tude et la compassion d'une amie:
--Qu'avez-vous? Que vous arrive-t-il? interrogea la jeune fille.
--Ah! je suis bien malheureux!... r��pondit-il.
Mais il h��sitait. Il eut voulu pouvoir dire tout d'un coup. Et il ne savait comment commencer.
--Je vous ai dit, reprit-il, que ma famille ��tait tr��s riche....
--Oui....
--Eh bien: nous ne poss��dons plus rien... plus rien exactement.
Elle parut respirer plus librement, et d'un accent o�� per?ait une amicale ironie:
--Et c'est la perte de votre fortune, fit-elle, qui vous d��sesp��re ainsi?...
P��niblement il se dressa sur ses jambes, et tout bas, d'une voix sourde:
--C'est que l'honneur aussi est perdu! pronon?a-t-il.
--L'honneur?
--Oui. Mon p��re a vol��, mon p��re a fait des faux!...
Elle ��tait devenue plus blanche que sa collerette.
--Votre p��re!... balbutia-t-elle.
--Depuis des ann��es, il puisait �� la caisse qui lui ��tait confi��e, �� pleines mains, sans mesure, follement, tel qu'un homme pris de vertige.... Il y a puis�� douze millions....
--Mon Dieu!
--Et malgr�� l'��normit�� de cette somme, il ��tait en ces derniers mois r��duit aux plus mis��rables exp��dients, il s'en allait, de porte en porte, dans notre quartier, demander qu'on lui confiat des fonds �� faire valoir, il en ��tait venu �� escroquer bassement cinq cents francs �� une pauvre marchande de journaux....
--Mais c'est insens��!...
--Oui, c'est �� douter si on veille ou si on r��ve....
--Et comment avez-vous su?...
--Hier soir, on est venu pour l'arr��ter.... Par bonheur, nous ��tions pr��venus, et j'ai pu le faire fuir par une fen��tre de la chambre de ma soeur, qui donne sur la cour d'une maison voisine....
--Et o�� est-il, maintenant?
--Qui le sait!
--Avait-il de l'argent?
--Tout le monde est persuad�� qu'il emporte des millions... je ne le crois pas. Il n'a m��me pas voulu prendre les quelques mille francs que M. de Thaller lui avait apport��s pour faciliter sa fuite.
La jeune fille tressaillit.
--Vous avez vu M. de Thaller? interrogea-t-elle.
--Il est venu �� la maison quelques moments avant l'arriv��e du commissaire de police, et il y a eu, entre mon p��re et lui, une sc��ne terrible.
--Que disait-il?
--Que mon p��re le ruinait.
--Et votre p��re?
--Il balbutiait des phrases incoh��rentes. Il ��tait comme un homme qui vient de recevoir un coup de massue....
La contraction des traits de Mlle Lucienne trahissait l'effort de sa pens��e.
--Et ces sommes ��normes, reprit-elle, o�� ont-elles pass��?
Maxence hocha la t��te.
--Nous ne pouvons que le soup?onner, r��pondit-il. Mais nous avons d��couvert des choses inou?es. Mon p��re, si s��v��re �� la maison, et si parcimonieux, menait ailleurs joyeuse vie, et d��pensait sans compter. C'est pour une femme, qu'il pillait sa caisse....
--Et... cette femme, savez-vous qui elle est?
--Non, mais je le saurai.... Dans ce journal, que voici, et qui rend compte de notre d��sastre, un r��dacteur dit qu'il la conna?t.... Lisez plut?t....
Mlle Lucienne prit le journal que lui tendait Maxence, mais c'est �� peine si elle daigna y jeter un coup d'oeil.
--En fin de compte, reprit-elle, et pour nous r��sumer, avez-vous une id��e?
--Oui.
--Laquelle?...
--Je ne crois pas que mon p��re soit innocent, mais je crois qu'il est des gens plus coupables que lui, des gredins habiles et prudents dont il n'a ��t�� que l'homme de paille, des mis��rables qui dig��reront tranquillement leur part des millions, la plus grosse, n��cessairement, tandis qu'il ira au bagne....
Une fugitive rougeur colora les joues de Mlle Lucienne.
--Cela ��tant, interrompit-elle, que comptez-vous faire?...
--Venger mon p��re, s'il se peut, et livrer ses complices s'il en a....
La jeune fille lui tendit la main.
--Bien, cela! fit-elle. Mais comment vous y prendrez-vous?...
--C'est ce que je ne sais pas encore. Je vais toujours courir aux bureaux de ce journal demander l'adresse de la femme.
Mais Mlle Lucienne l'arr��ta.
--Non, pronon?a-t-elle, ce n'est pas l�� qu'il faut aller.
--Cependant....
--Il faut venir avec moi, chez mon ami le commissaire de police.
C'est par un mouvement de stupeur, presque d'effroi, que Maxence accueillit la proposition de la jeune fille.
--Songez-vous bien �� ce que vous me dites? s'��cria-t-il.
--Parfaitement!
--Quoi! mon p��re s'est soustrait au mandat d'amener lanc�� contre lui, il est poursuivi, recherch��, traqu��, si on le prend, c'est le bagne, peut-��tre, et vous voulez que j'aille, moi, choisir pour confident de mes d��marches et de mes esp��rances, un commissaire de police, un homme dont le devoir serait de courir l'arr��ter s'il apprenait o�� il se cache!...
Mais il s'interrompit et demeura un moment la bouche b��ante et les yeux ��carquill��s, comme si tout �� coup la v��rit�� lui f?t apparue, ��blouissante
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