Largent des autres | Page 4

Emile Gaboriau
disait-elle, �� la fin de d��cembre, qu'�� nous deux, ce mois-ci, nous avons gagn�� plus de six cents francs!
Le dimanche, seulement, apr��s une semaine dont pas une minute n'avait ��t�� perdue, ils se permettaient quelques distractions.
Si le temps n'��tait pas trop mauvais, ils sortaient ensemble, d?naient dans quelque modeste restaurant, et terminaient leur journ��e au th��atre, �� l'Op��ra-Comique, le plus souvent, car Mlle Lucienne avait gard�� une v��ritable passion pour la musique, de ce temps o��, aux Batignolles, elle avait pour voisin un vieux compositeur.
Ayant ainsi une existence commune, jeunes tous deux, libres, n'ayant leurs chambres s��par��es que par la largeur du palier, il ��tait difficile que l'on cr?t �� l'innocence de leurs relations.
Les propri��taires de l'H?tel des Folies y croyaient moins que personne.
Mais comme le jour o�� la Fortin s'��tait avis��e de dire son avis �� ce sujet, Maxence furieux l'avait menac��e de donner cong��, elle n'en soufflait plus mot devant lui, et se contentait de rire aux larmes avec ses autres locataires, de ce qui leur paraissait la plus inutile et la plus ridicule des hypocrisies.
Ils n'��taient pas seuls de leur avis.
Mlle Lucienne ayant continu�� de se montrer au bois les jours o�� l'apr��s-midi ��tait belle, le nombre n'avait fait que cro?tre des imb��ciles qui l'obs��daient, qui la suivaient ou qui la faisaient suivre.
Parmi les plus obstin��s se distinguait M. Costeclar, lequel se plaisait �� d��clarer, sur sa parole d'honneur, avoir perdu le sommeil et le go?t des affaires depuis le jour o��, en compagnie de M. Saint-Pavin, il avait aper?u Mlle Lucienne.
Les d��marches de son valet de chambre et les lettres qu'il avait ��crites ��tant demeur��es st��riles, M. Costeclar avait fini par prendre le parti d'agir de sa personne, et galamment il ��tait venu se poster de faction devant l'H?tel des Folies.
Sa stupeur fut grande lorsqu'il en vit sortir Mlle Lucienne donnant le bras �� Maxence, et son d��pit fut plus grand encore.
--Cette fille est stupide, pensa-t-il, de me pr��f��rer un gar?on qui n'a pas dix louis par mois �� d��penser. Mais rira bien qui rira le dernier....
Et comme il ��tait homme d'exp��dients, il s'en alla, d��s le lendemain, flaner aux environs du Comptoir du cr��dit mutuel, et ayant rencontr��, par hasard, M. Favoral, il lui raconta que son fils, Maxence, se ruinait pour une demoiselle dont les toilettes faisaient scandale, lui insinuant d��licatement qu'il ��tait de son devoir, �� lui, p��re de famille, de mettre ordre �� cela.
C'��tait l'��poque, pr��cis��ment, o�� Maxence songeait �� se faire admettre dans les bureaux du Comptoir de cr��dit mutuel.
Il est vrai que l'id��e n'��tait pas de lui, et que m��me, il l'avait tr��s-vivement repouss��e, quand, pour la premi��re fois, Mlle Lucienne la lui avait offerte.
--��tre employ�� dans la m��me administration que mon p��re! s'��tait-il ��cri��. Retrouver �� mon bureau le despotisme intol��rable de la maison paternelle! J'aimerais mieux casser des pierres sur les chemins.
Mais la jeune fille n'��tait pas d'une trempe �� renoncer ais��ment �� un projet con?u par elle, et longuement m��dit��.
Elle revint �� la charge, avec cet art infini des femmes, qui s'entendent si merveilleusement �� tourner la volont�� qui, de front, leur r��siste.
De quelque c?t�� que se rejetat Maxence, il se trouva comme cern�� par cette id��e, qui sembla, d��s lors, se d��gager spontan��ment, et plus pressante chaque fois, des moindres incidents de l'existence quotidienne.
Qu'il lui ��chappat une plainte de la situation actuelle, ou qu'il s'oubliat �� batir dans l'avenir quelque chateau en Espagne, la r��ponse de Mlle Lucienne ��tait la m��me:
--Nous aurions tort de nous plaindre, car malgr�� l'exigu?t�� de nos ressources, notre position s'est am��lior��e... mais nous aurions tort ��galement de nous bercer d'esp��rances riantes, car nos gains sont si modestes, qu'il nous faudra des ann��es avant d'amasser le capital indispensable �� la plus humble entreprise.
Conclusion: il faudrait chercher autre chose que cet emploi de chemin de fer qui ne rapporte que deux cents francs par mois....
Si domin�� que f?t Maxence, les continuelles attaques de la jeune fille ne pouvaient lui ��chapper.
--Ah ?a! pensait-il, pourquoi, diable! tient-elle si fort �� me voir, avec mon p��re, dans les bureaux de M. de Thaller?
Ce qui n'emp��che, que peu �� peu, il finit par se persuader que ce parti ��tait le seul raisonnable, le seul pratique, le seul qui lui offr?t quelques chances de fortune. Et un soir, surmontant ses derni��res r��pugnances:
--Je vais en parler �� mon p��re, dit-il �� Mlle Lucienne.
Mais soit que v��ritablement il e?t ��t�� influenc�� par la courageuse r��v��lation de M. Costeclar, soit pour tout autre motif, M. Favoral rejeta bien loin la requ��te de son fils, disant qu'il ��tait impossible de confier un emploi �� un gar?on qui ��tait en train de gater son avenir pour une cr��ature perdue.
Maxence ��tait devenu cramoisi de col��re, en entendant traiter ainsi une femme qu'il aimait ��perd?ment, et qui bien loin de le perdre, le sauvait. Il
Continue reading on your phone by scaning this QR Code

 / 90
Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.