Largent des autres | Page 6

Emile Gaboriau
saviez la v��rit��! Mais la saurez-vous jamais! Nous ne nous reverrons plus...
D��sesp��r��ment, sa femme s'attachait �� lui.
--Ne parle pas ainsi, disait-elle. O�� que tu trouves un asile, j'irai te rejoindre. La mort seule doit nous s��parer. Eh! que m'importe ce que tu as fait et ce que dira le monde? Je suis ta femme. Nos enfants viendront avec moi. Nous passerons en Am��rique, s'il le faut; nous changerons de nom, nous travaillerons...
On entendait �� la porte ext��rieure des coups de plus en plus rudes, et la voix de M. Desormeaux essayant de gagner encore quelques instants.
--Il n'y a pas �� h��siter, dit Maxence.
Et triomphant des derni��res r��sistances de son p��re, il lui attacha autour des reins l'extr��mit�� des draps.
--Je vais vous laisser glisser, p��re, lui disait-il, et, d��s que vous aurez touch�� le sol, vous d��ferez le noeud... Prenez garde aux fen��tres du premier... D��fiez-vous du concierge, et, une fois dans la rue, surtout, ne marchez pas trop vite... Gagnez le boulevard, o�� vous serez plus vite perdu dans la foule.
Les coups �� la porte redoublaient. On allait l'enfoncer ��videmment, si M. Desormeaux ne se d��cidait pas �� ouvrir.
La lumi��re fut ��teinte. Aid�� de sa fille, M. Favoral se hissa sur l'appui de la fen��tre, pendant que Maxence retenait les draps �� deux mains.
--Je t'en conjure, Vincent, insista encore Mme Favoral, ��cris-nous. Mon Dieu! je ne vivrai pas, tant que je ne te saurai pas en s?ret��...
Maxence, doucement, lachait les draps; en deux secondes, M. Favoral eut atteint le pav�� de la cour.
--J'y suis!... fit-il.
Le jeune homme se hata de remonter les draps qu'il jeta sous le lit. Mais Mlle Gilberte ��tait rest��e �� la fen��tre assez pour reconna?tre la voix de son p��re demandant le cordon et pour entendre se refermer la lourde porte de la maison voisine.
--Sauv��! dit-elle.
Il ��tait temps. M. Desormeaux venait d'��tre contraint de c��der, le commissaire de police entrait...

III
Ce ne sont pas, d'ordinaire, les premiers venus, les commissaires de police de Paris, et si Polichinelle les rosse, c'est qu'il leur a plu d'��tre ross��s.
Sous leur titre modeste se dissimulent la plus grave peut-��tre des magistratures, presque la seule que connaisse le peuple, un pouvoir ��norme et une influence si d��cisive que l'homme d'��tat le plus sens�� du r��gne du tyran Louis-Philippe, osait dire un jour �� la tribune: ?Donnez-moi �� Paris vingt bons commissaires de police, et je vous supprime tout gouvernement; b��n��fice net, cent millions.?
Parisien par excellence, le commissaire a eu le temps d'��tudier le pav�� de sa ville, lorsqu'il n'��tait encore qu'officier de paix. L'envers sombre des plus brillantes existences n'a plus de myst��res pour lui. Les confidences les plus ��tranges, il les a re?ues. Il a ��cout�� les aveux les plus inou?s. Il sait jusqu'o�� l'humanit�� peut descendre, et ce qu'il y a d'aberrations au fond des cerveaux en apparence les plus sains. L'ouvri��re que son mari bat et la grande dame que son mari vole se sont adress��es �� lui. C'est lui qu'ont ��t�� chercher le boutiquier que sa femme trompe et le millionnaire victime d'un chantage. A son bureau, confessionnal la?que, toutes les passions fatalement aboutissent. C'est chez lui que se lave en famille le linge sale de deux millions d'habitants.
Un commissaire de police de Paris qui, apr��s dix ans d'exercice, garderait une illusion, croirait �� quelque chose au monde ou s'��tonnerait de quoi que ce soit, ne serait qu'un imb��cile.
S'il peut encore ��tre ��mu, c'est un brave homme.
Celui qui se pr��sentait chez M. Favoral ��tait d'un certain age d��j��, plus froid que glace, et n��anmoins bienveillant, de cette bienveillance banale qui effraie, comme la politesse des bourreaux au moment de la toilette.
Il ne lui fallut qu'un regard de ses petits yeux clairs pour d��chiffrer la physionomie de tous ces bourgeois, debout autour de la table boulevers��e.
Et clouant d'un geste, sur le seuil, les agents qui l'accompagnaient:
--Monsieur Vincent Favoral? demanda-t-il.
Les h?tes du caissier, M. Desormeaux except��, ��taient frapp��s d'h��b��tement. A chacun d'eux il semblait qu'il rejaillissait quelque chose sur lui de la honte de cette invasion polici��re. Les dupes qu'on surprend dans les tripots clandestins ont de ces attitudes humili��es.
Enfin, non sans effort:
--M. Favoral n'est plus ici, r��pondit M. Chapelain, l'ancien avou��.
Le commissaire de police tressaillit.
Tandis qu'on parlementait avec lui �� travers la porte, il avait bien compris qu'on ne cherchait qu'�� gagner du temps, et s'il n'avait pas fait sauter la serrure d'un coup d'��paule, c'est qu'il ��tait retenu par le nom de M. Desormeaux qu'il connaissait, et encore plus par le titre de M. Desormeaux, chef de bureau au minist��re de la justice.
Mais ses soup?ons n'allaient pas au del�� de la destruction de quelques papiers compromettants. Et en r��alit��:
--Vous avez fait ��vader M. Favoral, messieurs? dit-il.
Personne ne r��pondit.
--C'est un aveu, fit-il. Tr��s-bien. Par o�� s'est-il enfui?
Toujours pas de r��ponse. M. Desclavettes eut ajout�� quelque chose de plus aux
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