Lami Fritz | Page 6

Erckmann-Chatrian
Kobus, de la fen��tre, le regarda quelques instants remonter la rue bourbeuse, sautant par-dessus les ruisseaux comme un chat. La vieille servante attendait toujours.
?��coute, Katel, lui dit Fritz en se retournant, tu vas aller au march�� tout de suite. Tu choisiras ce que tu trouveras de plus beau en fait de poisson et de gibier. S'il y a des primeurs, tu les ach��teras, �� n'importe quel prix: l'essentiel est que tout soit bon! Je me charge de dresser la table et de monter les bouteilles, ainsi ne t'occupe que de ta cuisine. Mais d��p��che-toi, car je suis s?r que le professeur Speck et tous les autres gourmands de la ville sont d��j�� sur place, �� marchander les morceaux les plus d��licats.

III
Apr��s le d��part de Katel, Fritz entra dans la cuisine allumer une chandelle, car il voulait passer l'inspection de sa cave, et choisir quelques vieilles bouteilles de vin, pour c��l��brer la f��te du printemps.
Sa grosse figure exprimait le contentement int��rieur; il revoyait d��j�� les beaux jours se suivre �� la file jusqu'en automne: la f��te des asperges, les parties de quilles au Panier-Fleuri, hors de Hunebourg; les parties de p��che avec Christel, son fermier de Meisenthal, la descente du Losser en bateau, sous les ombres tremblotantes des grands ormes en demi-vo?te de la rive; et puis Christel, l'��pervier sur l'��paule, lui disant: ?Halte!? pr��s de la source aux truites, et tout �� coup d��ployant son filet en rond, comme une immense toile d'araign��e, sur l'eau dormante, et le retirant tout fr��tillant de poissons dor��s. Il revoyait cela d'avance, et bien d'autres choses: le d��part pour la chasse au bois de h��tres, pr��s de Katzenbach; le char-��-bancs tout plein de joyeux comp��res, les hautes gu��tres de cuir bien boucl��es aux jambes, la gibeci��re au dos sur la blouse grise, la gourde et le sac �� poudre sur la hanche, les fusils doubles entre les genoux dans la paille: tout cela p��le-m��le. Les chiens, attach��s derri��re, jappant, hurlant, se d��menant; et lui, pr��s du timon, conduisant la voiture jusqu'�� la maison du garde Roedig, et les laissant partir, pour veiller �� la cuisine, faire frire les petits oignons et rafra?chir le vin dans les cuveaux. Puis le retour des chasseurs �� la nuit, les uns la gibeci��re vide, les autres soufflant dans la trompe. Tous ces beaux jours lui passaient devant les yeux en allumant la chandelle: les moissons, la cueillette du houblon, les vendanges, et il poussait de petits ��clats de rire: ?H��! h��! h��! ?a va bien... ?a va bien!?
Enfin il descendit, la main devant sa lumi��re, le trousseau de clefs dans sa poche, un panier au bras.
En bas, sous l'escalier, il ouvrit la cave, une vieille cave bien s��che, les murs couverts de salp��tre brillant comme le cristal, la cave des Kobus depuis cent cinquante ans, o�� le grand grand-p��re Nicolas avait fait venir pour la premi��re fois du markobrunner, en 1715, et qui depuis, grace �� Dieu, s'��tait augment��e d'ann��e en ann��e, par la sage pr��voyance des autres Kobus.
Il l'ouvrit, les yeux ��carquill��s de plaisir, et se vit en face des deux lucarnes bleues qui donnent sur la place des Acacias. Il passa lentement pr��s des petits f?ts cercl��s de fer, rang��s sur de grosses poutres le long des murs; et, les contemplant, il se disait:
?Ce gleiszeller est de huit ans, c'est moi-m��me qui l'ai achet�� �� la c?te; maintenant il doit avoir assez d��pos��, il est temps de le mettre en bouteilles. Dans huit jours, je pr��viendrai le tonnelier Schweyer, et nous commencerons ensemble. Et ce steinberg-l�� est de onze ans; il a fait une maladie, il a fil��, mais ce doit ��tre pass��... nous verrons ?a bient?t. Ah! voici mon forstheimer de l'ann��e derni��re, que j'ai coll�� au blanc d'oeuf; il faudra pourtant que je l'examine; mais aujourd'hui je ne veux pas me gater la bouche; demain, apr��s-demain, il sera temps.?
Et, songeant �� ces choses, Kobus avan?ait toujours r��veur et grave.
Au premier tournant, et comme il allait entrer dans la seconde cave, sa vraie cave, la cave des bouteilles, il s'arr��ta pour moucher la chandelle, ce qu'il fit avec les doigts, ayant oubli�� les mouchettes; et, apr��s avoir pos�� le pied sur le lumignon, il s'avan?a le dos courb��, sous une petite vo?te taill��e dans le roc, et, tout au bout de ce boyau, il ouvrit une seconde porte, ferm��e d'un ��norme cadenas; l'ayant pouss��e, il se redressa tout joyeux, en s'��criant:
?Ah! ah! nous y sommes!?
Et sa voix retentit sous la haute vo?te grise.
En m��me temps, un chat noir grimpait au mur et se retournait dans la lucarne, les yeux verts brillants, avant de se sauver vers la rue du Coin-Br?l��.
Cette cave, la plus saine de Hunebourg, ��tait en partie creus��e dans le roc, et, pour le surplus, construite d'��normes pierres de taille; elle n'��tait pas
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