leurs batailles.
De petits coups de vent ti��de soulevaient les rideaux de Fritz et les laissaient retomber; puis, aussit?t apr��s, le souffle de la montagne, refroidi par les glaces qui s'��coulent lentement �� l'ombre des ravines, remplissait de nouveau la chambre.
On entendait au loin, dans la rue, les comm��res rire entre elles, en chassant �� grands coups de balai la neige fondante le long des rigoles, les chiens aboyer d'une voix plus claire, et les poules caqueter dans la cour.
Enfin, c'��tait le printemps.
Kobus, �� force de r��ver, avait fini par se rendormir, quand le son d'un violon, p��n��trant et doux comme la voix d'un ami que vous entendez vous dire apr��s une longue absence: ?Me voil��, c'est moi!? le tira de son sommeil, et lui fit venir les larmes aux yeux. Il respirait �� peine pour mieux entendre.
C'��tait le violon du boh��mien I?sef, qui chantait, accompagn�� d'un autre violon et d'une contrebasse; il chantait dans sa chambre derri��re ses rideaux bleus, et disait:
?C'est moi, Kobus, c'est moi, ton vieil ami! Je te reviens avec le printemps, avec le beau soleil...--��coute, Kobus, les abeilles bourdonnent autour des premi��res fleurs, les premi��res feuilles murmurent, la premi��re alouette gazouille dans le ciel bleu, la premi��re caille court dans les sillons.--Et je reviens t'embrasser!--Maintenant, Kobus, les mis��res de l'hiver sont oubli��es.--Maintenant, je vais encore courir de village en village joyeusement, dans la poussi��re des chemins, ou sous la pluie chaude des orages.--Mais je n'ai pas voulu passer sans te voir, Kobus, je viens te chanter mon chant d'amour, mon premier salut au printemps.?
Tout cela le violon de I?sef le disait, et bien d'autres choses encore, plus profondes: de ces choses qui vous rappellent les vieux souvenirs de la jeunesse, et qui sont pour nous... pour nous seuls. Aussi le joyeux Kobus en pleurait d'attendrissement.
Enfin, tout doucement, il ��carta les rideaux de son lit, pendant que la musique allait toujours, plus grave et plus touchante, et il vit les trois boh��miens sur le seuil de la chambre, et la vieille Katel derri��re, sous la porte. Il vit I?sef, grand, maigre, jaune, d��guenill�� comme toujours, le menton allong�� sur le violon avec sentiment, l'archet fr��missant sur les cordes avec amour, les paupi��res baiss��es, ses grands cheveux noirs, laineux--recouverts du large feutre en loques--, tombant sur ses ��paules comme la toison d'un m��rinos, et ses narines aplaties sur sa grosse l��vre bleuatre retrouss��e.
Il le vit ainsi, l'ame perdue dans sa musique; et, pr��s de lui, Kopel le bossu, noir comme un corbeau, ses longs doigts osseux, couleur de bronze, ��carquill��s sur les cordes de la basse, le genou rapi��c�� en avant et le soulier en lambeaux sur le plancher; et, plus loin, le jeune Andr��s, ses grands yeux noirs entour��s de blanc, lev��s au plafond d'un air d'extase.
Fritz vit ces choses avec une ��motion inexprimable.
Et maintenant, il faut que je vous dise pourquoi I?sef venait lui faire de la musique au printemps, et pourquoi cela l'attendrissait.
Bien longtemps avant, un soir de No?l, Kobus se trouvait �� la brasserie du Grand-Cerf. Il y avait trois pieds de neige dehors. Dans la grande salle, pleine de fum��e grise, autour du grand fourneau de fonte, les fumeurs se tenaient debout; tant?t l'un, tant?t l'autre s'��cartait un peu vers la table, pour vider sa chope, puis revenait se chauffer en silence.
On ne songeait �� rien, quand un boh��mien entra, les pieds nus dans des souliers trou��s; il grelottait, et se mit �� jouer d'un air m��lancolique. Fritz trouva sa musique tr��s belle: c'��tait comme un rayon de soleil �� travers les nuages gris de l'hiver.
Mais derri��re le boh��mien, pr��s de la porte, se tenait dans l'ombre le wachtman Foux, avec sa t��te de loup �� l'aff?t, les oreilles droites, le museau pointu, les yeux luisants, Kobus comprit que les papiers du boh��mien n'��taient pas en r��gle, et que Foux l'attendait �� la sortie pour le conduire au violon.
C'est pourquoi, se sentant indign��, il s'avan?a vers le boh��mien, lui mit un thaler dans la main, et, le prenant bras dessus bras dessous, lui dit:
?Je te retiens pour cette nuit de No?l; arrive!?
Ils sortirent donc au milieu de l'��tonnement universel, et plus d'un pensa: ?Ce Kobus est fou d'aller bras dessus bras dessous avec un boh��mien; c'est un grand original.?
Foux, lui, les suivait en fr?lant les murs. Le boh��mien avait peur d'��tre arr��t��, mais Fritz lui dit:
?Ne crains rien, il n'osera pas te prendre.?
Il le conduisit dans sa propre maison, o�� la table ��tait dress��e pour la f��te du Christ-Kind: l'arbre de No?l au milieu, sur la nappe blanche; et, tout autour, le pat��, les k��chlen saupoudr��s de sucre blanc, le kougelhof aux raisins de caisse, rang��s dans un ordre convenable. Trois bouteilles de vieux bordeaux chauffaient dans des serviettes, sur le fourneau de porcelaine �� plaque de marbre.
?Katel, va chercher un autre couvert,
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