ainsi, et dans un de ces moments o�� la conversation sur les affaires du jour s'��puise, que la physionomie du vieux rebbe prenait un caract��re r��veur, puis s'animait tout �� coup d'un reflet ��trange, et qu'il s'��criait:
?Kobus, connais-tu la jeune veuve du conseiller Roemer? Sais-tu que c'est une jolie femme, oui, une jolie femme! Elle a de beaux yeux, cette jeune veuve, elle est aussi tr��s aimable. Sais-tu qu'avant-hier, comme je passais devant sa maison, dans la rue de l'Arsenal, voil�� qu'elle se penche �� la fen��tre et me dit: "H��! c'est monsieur le rabbin Sichel; que j'ai de plaisir �� vous voir, mon cher monsieur Sichel!" Alors, Kobus, moi tout surpris, je m'arr��te et je lui r��ponds en souriant: "Comment un vieux bonhomme tel que David Sichel peut-il charmer d'aussi beaux yeux, madame Roemer? Non, non, cela n'est pas possible, je vois que c'est par bont�� d'ame que vous dites ces choses!" Et vraiment, Kobus, elle est bonne et gracieuse, et puis elle a de l'esprit; elle est, selon les paroles du Cantique des cantiques, comme la rose de Sarron et le muguet des vall��es?, disait le vieux rabbin en s'animant de plus en plus.
Mais, voyant Fritz sourire, il s'interrompait en balan?ant la t��te, et s'��criait:
?Tu ris... il faut toujours que tu ries! Est-ce une mani��re de converser, cela? Voyons, n'est-elle pas ce que je dis... ai-je raison?
--Elle est encore mille fois plus belle, r��pondait Kobus; seulement raconte-moi le reste, elle t'a fait entrer chez elle, n'est-ce pas... elle veut se remarier?
--Oui.
--Ah! bon, ?a fait la vingt-troisi��me....
--La vingt-troisi��me que tu refuses de ma propre main, Kobus?
--C'est vrai, David, avec chagrin, avec grand chagrin; je voudrais me marier pour te faire plaisir, mais tu sais....? Alors le vieux rebbe se fachait.
?Oui, disait-il, je sais que tu es un gros ��go?ste, un homme qui ne pense qu'�� boire et �� manger, et qui se fait des id��es extraordinaires de sa grandeur. Eh bien! tu as tort, Fritz Kobus; oui, tu as tort de refuser des personnes honn��tes, les meilleurs partis de Hunebourg, car tu deviens vieux; encore trois ou quatre ans, et tu auras des cheveux gris. Alors tu m'appelleras, tu diras: "David, cherche-moi une femme, cours, n'en vois-tu pas une qui me convienne." Mais il ne sera plus temps, maudit schaude, qui ris de tout! Cette veuve est encore bien bonne de vouloir de toi!?
Plus le vieux rabbin se fachait, plus Fritz riait.
?C'est cette mani��re de rire, criait David en se levant et balan?ant ses deux mains pr��s de ses oreilles, c'est cette mani��re de rire que je ne peux pas voir: voil�� ce qui me fache! ne faut-il pas ��tre fou pour rire de cette fa?on??
Et s'arr��tant:
?Kobus, disait-il en faisant une grimace de d��pit, avec ta fa?on de rire, tu me feras sauver de ta maison. Tu ne peux donc pas ��tre grave une fois, une seule fois dans ta vie?
--Allons, posch��-isroel, disait Fritz �� son tour, assieds-toi, vidons encore un petit verre de ce vieux kirsch.
--Que ce kirschenwasser me soit poison, disait le vieux rebbe fort d��pit��, si je reviens encore une fois chez toi! ta fa?on de rire est tellement b��te, tellement b��te, que ?a me tourne sur le coeur.?
Et la t��te roide, il descendait l'escalier en criant: ?C'est la derni��re fois, Kobus, la derni��re fois!
--Bah! disait Fritz, pench�� sur la rampe et les joues ��panouies de plaisir, tu reviendras demain.
--Jamais!...
--Demain, David; tu sais, la bouteille est encore �� moiti�� pleine.?
Le vieux rabbin remontait la rue �� grands pas, marmottant dans sa barbe grise, et Fritz, heureux comme un roi, renfermait la bouteille dans l'armoire et se disait:
??a fait la vingt-troisi��me! Ah! vieux posch��-isroel, m'as-tu fait du bon sang!?
Le lendemain ou le surlendemain, David revenait �� l'appel de Kobus; ils se rasseyaient �� la m��me table, et de ce qui s'��tait pass�� la veille, il n'en ��tait plus question.
II
Un jour, vers la fin du mois d'avril, Fritz Kobus s'��tait lev�� de grand matin, pour ouvrir ses fen��tres sur la place des Acacias, puis il s'��tait recouch�� dans son lit bien chaud, la couverture autour des ��paules, le duvet sur les jambes, et regardait la lumi��re rouge �� travers ses paupi��res, en baillant avec une v��ritable satisfaction. Il songeait �� diff��rentes choses, et, de temps en temps, entrouvrait les yeux pour voir s'il ��tait bien ��veill��.
Dehors il faisait un de ces temps clairs de la fonte des neiges, o�� les nuages s'en vont, o�� le toit en face, les petites lucarnes miroitantes, la pointe des arbres, enfin tout vous para?t brillant; o�� l'on se croit redevenu plus jeune, parce qu'une s��ve nouvelle court dans vos membres, et que vous revoyez des choses cach��es depuis cinq mois: le pot de fleurs de la voisine, le chat qui se remet en route sur les goutti��res, les moineaux criards qui recommencent
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