Cheriffe le Roy seul est souverain icy,
Luy seul peut tout donner.
LE ROY.
Et tu peux tout promettre
Ton merite est au point qu'on luy doit tout
permettre
Dispose librement de mon authorité.
Et croy que je fais
moins que tu n'as merité.
CHERIFFE.
Je ne souhaitte pas cette faveur extréme
Tous les biens que je veux
grand Cid sont en toy-mesme,
C'est à ce seul objet que tendent mes
desirs,
Et c'est le seul espoir qui fait tous mes plaisirs,
LE CID.
Je ne sçay pas, Madame, avec quelle apparence
Vostre esprit a
conceu cette belle esperance:
Mais Rodrigue jamais ne vous en a
parlé.
CHYMENE.
Ah! Dieux qu'il est adroit!
L'INFANTE.
Qu'il est dissimulé.
CHERIFFE.
Quoy, Monsieur, avez-vous oublié vos promesses?
Est-ce là cét
amour? sont-ce là les caresses
Qu'apres mon action je devois
recevoir?
LE CID.
Et qui vous a donné cét inutile espoir?
CHERIFFE.
Vous.
LE CID.
Moy? j'en doute.
CHERIFFE.
O Dieux, cognois-tu cette lettre.
LE CID.
Ouy.
CHERIFFE.
Tien: ly donc ingrat; elle fera paroistre
Par combien de raisons cét
espoir m'est permis.
LE CID.
Je sçay ce que je dois, & ce que j'ay promis
Je ne suis pas ingrat, vous
le verrez, Madame.
CHERIFFE.
Ah! grand Cid excusez les transports de mon ame,
Vous les avez
causez avecque ces mespris
Dont la feinte d'abord a troublé mes
esprits
Mais apres cette peur maintenant je respire,
Puisque vous
promettez d'alleger mon martyre.
LE CID.
Madame, ce desir excede mon pouvoir:
Mais attendez de moy tout ce
que le devoir
Et que la courtoisie aux nobles naturelle
M'ordonneront pour vous.
CHERIFFE.
Quoy doncq Cid infidele
Tu retournes encor à ton premier propos?
O lettre, ô trahison fatale à mon repos,
Descouvre tes secrets &
montre à cét infame
Son infidelité.
LE CID.
Je le veux bien, Madame.
Qu'on lise cet escrit, je ne m'en deffends
point
Et je veux desormais l'observer de tout point.
LE ROY.
Cette condition me semble raisonnable,
Et Rodrigue en cela paroist
tres-equitable,
Voyons en cet escrit quel est vostre interest.
LE CID.
Grand Prince je consens qu'il nous serve d'arrest.
CHERIFFE.
Je le veux bien aussi.
LE ROY.
Je vous rendray justice.
CHYMENE.
Dieux on va prononcer l'arrest de mon supplice,
Et je resiste encore à
ce cruel effort.
L'INFANTE.
J'attends de cette lettre ou ma vie ou ma mort.
LETTRE DE RODRIGUE A CHERIFFE.
Cheriffe si la tyrannie
D'un frere plein de cruauté,
Au lieu de
respecter son sang & ta beauté
Se plaist à te donner une peine infinie:
Porte tes genereux esprits
Aux sentimens que tu m'escris
Sors de ce
rigoureux empire.
Mais avant ton depart qu'il sente ton courroux,
Et vien alleger ton martyre
Dans le camp d'un vainqueur qui te sera
plus doux.
CHERIFFE continuë.
Hé! bien traistre entends-tu le sens de ces paroles?
Ces termes
rendent-ils tes promesse frivolles?
Ne suis-je pas Cheriffe? & n'es-tu
pas vainqueur?
Ne t'ay-je pas ouvert & Cordoue & mon coeur
Toutefois desloyal tu me veux mescognoistre
Et m'oster un espoir
que ta main a faict naistre?
Est-ce là ce destin si charmant & si doux
Que tu me preparois?
LE CID.
Dequoy vous plaignez-vous?
Est-il quelque insolent qui vous ayt faict
outrage,
N'estes vous pas, Madame, à couvert de l'orage,
Que ce
frere inhumain vous avoit preparé:
Outre ce traitement qu'aviez-vous
esperé,
Pensiez-vous que je deusse estre vostre conqueste?
Cheriffe
il n'est plus temps, un autre object m'arreste
Et mes fers sont si beaux
que sans aveuglement
Je ne sçaurois changer un object si charmant.
CHERIFFE.
Hé! bien ne changes point, mais finis ma misere,
Efface avec mon
sang ce traistre caractere,
Et comme de ton crime il est desja noircy
Pour me punir du mien fay-le rougir aussi
Barbare qu'attens-tu? rends
ta hayne assouvie,
Adjoute à mes malheurs la perte de ma vie,
Et
pour mieux contenter l'excez de ta rigueur
Arrache de mon sein, &
ma flame & mon coeur.
CELIMANT.
Ah! que je suis content! & que cette vangeance
Faict gouster à mes
sens une douce allegeance,
Que mes yeux sont ravis de te voir en ce
point,
Où ton plus grand espoir est de n'en avoir point
Triomphe
maintenant perfide, fay la brave
Pour n'avoir point de fers tu n'es pas
moins esclave.
CHERIFFE.
Quoy! barbare.
LE ROY.
Tout beau moderez ce transport,
Je vous promets à tous un favorable
sort
Je suis Prince, & je veux vous obliger à croire
Que je sçay
prudemment user d'une victoire,
Vous gardes ayez soin qu'en leurs
appartemens
Ils ne reçoivent point de mauvais traitemens,
En
quelque estat qu'ils soient je veux qu'on les revere,
[Parlant au Cid.]
Toy va-te delasser dans les bras de ton pere,
Qui brusle des
long-temps du desir de te voir.
LE CID.
Je vay puis qu'il vous plaist luy rendre ce devoir.
[Tout rentre horsmis Chymene, l'Infante & le Cid.]
SCENE QUATRIESME.
LE CID, L'INFANTE, CHYMENE.
LE CID parlant à l'Infante.
Mais, Madame, souffrez que je rende à Chimene
L'honneur que je luy
dois.
CHYMENE.
N'en prenez pas la peine.
Vous ne me devez rien, & Cheriffe en
courroux
N'a que trop de sujet de se plaindre de vous
Sans que vous
commettiez encore cette offence.
[Elle fait une humble reverence & sort.]
SCENE CINQUIESME.
LE CID, L'INFANTE.
LE CID.
Quelle
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