sang la campagne couverte
Leur mit devant les
yeux un tableau de leur perte
Apres ce grand combat dont je vous
advertis
Je ralliay mes gens, & passay le Bethis
A rondes je reçeus
le renfort de vos armes
Et je mis tous le monde en d'estranges alarmes
Tariffe & Gibralfar revinrent soubs vos loix
Je repris Algesire, &
tous ces petits Roys
Qui s'estoient revoltez contre vostre puissance
Esprouverent les maux qui suivent l'insolence
De cet heureux succez
Je ne fus pas content
Le Prince de Jahen en ressentit autant
Et par
son arrogance attira cet orage
Pour avoir refusé de me donner passage
Enfin ceux dont Seville a craint les trahisons
Sont dedans les enfers,
ou bien dans vos prisons,
De là voulant plus loing porter ma
renommée
J'advançay vers Cordouë avecque mon armée,
Et je
l'eusse d'abord emportée aisement
Sans le secours qu'elle eut assez
heureusement:
Ce Prince genereux la voyant assiegée
Voulut par
quelque effort la rendre soulagée,
Mais jugeant que par là son espoir
estoit vain
Comme il estoit prudent il changea de dessein;
Enfin,
apres avoir consulté sa vaillance
Son coeur en conçeut un, digne de sa
naissance,
Par un de ses Herauts il m'envoye un cartel
Mon courage
aussi-tost consent à ce duel
Et d'un mot de ma main je luy marque la
place
Qui devoit achever ma vie ou son audace,
Il s'y rend, j'y
parois, nous en venons aux mains
Le Ciel en voit partir mille coups
inhumains,
Et je croy que son front pallit en cet orage
Mais enfin le
bon-heur me donna l'advantage.
SPHERANTE.
La modestie icy trahit vostre valeur
La force me vainquit & non pas
le mal-heur
Vantez vous librement d'un affront que j'aduoüe,
LE CID.
Sire ce fut ce coup qui fit tomber Cordoüe,
Je veis par cet effort son
orgueil abatu
[Montrant Cheriffe.]
Ce Guerrier par sa cheute
opprima sa vertu,
Et cet objet divin par son intelligence
Me la fit
emporter presque sans resistance,
CELIMANT.
Oüy grand Prince il est vray, par un noir attentat
Ce monstre de
nature a trahy mon Estat,
Vous possedez mes biens mon Sceptre &
ma personne,
Mais regardez un peu celle qui vous les donne,
Voyez
de quelle main vous prenez ces presens
Et quelle main m'a mis en des
fers si pesans,
[Montrant Cheriffe.]
Grand Roy vous cognoistrez
aux traits de ce visage
Que c'est ma propre soeur qui m'a faict cet
outrage:
Ma soeur! il ne se peut, c'est plutost un demon
Qui pour
mieux me trahir s'est servy de ce nom.
CHERIFFE.
Cruel ne me fay pas un reproche si lasche
Ce nom est de mes jours la
plus honteuse tache,
Et je trouve mon sort rigoureux en ce point
Que m'ostant de tes fers, il ne me l'oste point
Mais toy qui faits icy le
vaillant & le brave:
M'as-tu traittée en soeur! non: j'estois ton esclave,
Au moins n'ay-je pas eu de meilleur traictement,
Et cette qualité
m'a manqué seulement.
Sire ne croyez pas qu'une jeune imprudence
Ayt porté mon esprit à cette intelligence,
Ou que ce que j'ay fait
soit une trahison
Vous livrant ce cruel je rompois ma prison
Je me
tirois des fers où sa rage excessive
Tenoit honteusement ma liberté
captive
Où malgré tout respect sa lasche intention
Me destinoit
l'object de mon aversion
Et je voyois desja le moment de ma perte
Lors que l'occasion a mes voeux s'est offerte,
Qui repoussant les
traicts & leur injuste effort
[Montrant le prince de Tolede.]
A fait en
mesme temps leur naufrage & mon port
Ouy, Sire, quand je veis que
ce superbe Prince
Estoit pour m'enlever sorty de sa province
Et
qu'avec cet amas d'armes & de guerriers
Il songeoit à ce rapt plustost
qu'à des lauriers
Je creus que je pouvois mesme avecque justice
A
cette violence opposer l'artifice,
Trahir ses partizans, & qu'il m'estoit
permis
De chercher un azile entre leurs ennemis
Je formai ce
dessein mais ce coup d'importance
M'arresta quelque temps, & me
tint en balance,
Jusqu'à ce que ce rare & glorieux objet
M'eust
obligée en fin d'achever ce projet.
CHYMENE.
Il n'en faut plus douter, le perfide l'adore,
Quoy je voy ma rivale, & je
respire encore?
Puis-je bien sans mourir endurer cét affront?
LE ROY.
Quand l'esprit est ardent & le courage prompt
Un dessein n'a jamais
de malheureuse suitte,
Mais l'affaire qui traine est à demy destruite.
CHERIFFE.
Sire, pour negliger cette execution,
J'avois trop de courage & trop de
passion,
Mon ame en peu de temps, cessa d'estre incertaine
Et
l'amour acheva le complot de la hayne:
Ce Cid dont le renom est par
tout si fameux
D'ennemy qu'il estoit fut l'object de mes voeux,
Sa
vertu me vainquit, mon coeur fut sa conqueste,
Et ma felicité nacquit
par ma deffaite:
Car cedant aux efforts d'un coup si glorieux
J'acquis en me perdant un butin precieux
Cét honneur des Guerriers,
ce Cid incomparable.
L'INFANTE.
He bien qu'espere-tu Princesse miserable,
Peus-tu douter encor qu'il
ne soit engagé.
LE CID.
Madame je vous suis doublement obligé
Puis qu'à l'heureux effect de
vostre intelligence
Vostre ame en ma faveur, joint tant de
bienveillance.
Et rien si puissamment ne me sçauroit ravir
Comme
l'occasion de vous pouvoir servir
Mais que puis-je pour vous,
commandez moy Madame.
CHYMENE.
Qu'a-t-elle à desirer, ingrat, elle a ton ame.
CHERIFFE.
Ah! grand Cid tu peux tout & je veux tout aussi.
LE CID.
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