La vraye suitte du Cid | Page 4

Nicolas-Marc Desfontaines
sans contrainte une
commission
Qui trahit ton honneur & ta condition.
DOM SANCHE.
Lorsque je sers mon Roy je ne crains point de blâme,
Mais brisons ce
discours, je vous laisse Madame.
Le temps vous fera mieux digerer
mes advis,
Cependant je me tais, & je vous obeïs.
[Il sort.]
SCENE QUATRIESME.
CHIMENE seule.
Enfin que dois-je faire, & que dois-je resoudre
Si de tous les costez
j'entens gronder la foudre
Et si pour m'affliger mon mal-heur a permis

Qu'on m'ait mesme logée entre mes ennemis.
Ah grand & brave
Cid si tu sçavois la peyne
Qu'à ton occasion endure ta Chimene,
Et
combien de combats elle rend chaque jour
Pour ta fidelité comme
pour son amour,
Quand tu serois encor au milieu des alarmes
Je
sçay bien que mon sort t'arracheroit des larmes
Et qu'il t'obligeroit de
venir secourir
Celle qu'un peu d'espoir empesche de mourir
Mais tu
ne le sçay pas, & ma seule constance
Est l'unique secours qui s'offre à
ma deffence,
Ne croy pas toutesfois que je perde le coeur
Il
n'appartient qu'à toy d'en estre le vainqueur
Toute autre vainement en
espere la gloire
Je deffendray pour toy les fruits de ta victoire,
Si
bien qu'esgalement nous aurons combattu
Si tu vaincs par ta force &
moy par ma vertu.

SCENE CINQUIESME.
LE ROY, DOM DIEGUE & quelques Gardes.
LE ROY.
Dom Diegue ne croy pas si je donne à Chimene
Avecque mon amour
la qualité de Reyne
Que je veuille usurper par mon authorité
Un
tresor que ton fils a si bien merité,
Il me souvient trop bien de ses
rares services
Pour luy rendre aujourd'huy de si mauvais offices,
Au
contraire je veux augmenter son bon-heur
Et luy donner un prix esgal
à sa valeur,
Je destine à ses voeux une plus noble Amante,
Chimene
sans rougir peut ceder à l'Infante,
Et ton fils ne sçauroit se plaindre
justement
De mon affection ny de ce changement.
DOM DIEGUE.
Mais nous n'avons jamais merité cet honneur
Et mon fils n'oseroit
pretendre à ce bon-heur,
La Princesse, Seigneur, doit estre plus
heureuse
Aussi pour s'abaisser elle est trop genereuse
Et Rodrigue
n'est pas un assez digne Amant
Pour celle qu'on reserve à des Roys
seulement.
DOM FERNAND.
Apres les grands effets qu'à produit son courage
Je sçay que je luy
dois encore d'avantage,
Et que pour bien payer ses belles actions
Un
Sceptre est au dessous de ses pretentions,
Aussi veux-je à ce point
eslever sa fortune
Et rendre à ses desirs ma puissance commune,

Ma soeur est disposée à recevoir ses voeux
Ainsi l'amour pourra nous
contenter tous deux
Si l'espoir glorieux d'estre un jour souveraine

Peut vaincre en ma faveur la rigueur de Chymene,
Dom Sanche de
ma part l'est allé visiter
Il cognoist cet esprit il le pourra dompter,
Et
comme il est adroit, j'ay beaucoup d'esperance
Du bienheureux
succez qu'aura son eloquence:
Mais quels si longs discours peuvent

l'entretenir,
Et quel sujet le rend si lent à revenir?
Puis qu'il est
confident des secrets de mon ame,
Ne cognoist-il pas bien que je suis
dans la flame
Où je brusle sans cesse, où je languis tousjours,
Et
que par sa paresse il attente à mes jours?
DOM DIEGUE.
Que vostre Majesté, Sire, sorte de peyne
Le voila de retour.
SCENE SIXIESME.
DOM FERNAND, DOM DIEGUE, DOM SANCHE.
DOM FERNAND.
He bien qu'a dit Chymene
DOM SANCHE.
Tout ce que la rigueur, tout ce que le mespris
Inspirent d'ordinaire
aux superbes esprits
Cette fiere beauté l'a permis à sa langue
Pour
respondre aux douceurs de mon humble harangue,
En vain je l'ay
flattée avecque mes discours
Sire, j'aurois plustost apprivoisé des
Ours
Tant l'amour de son Cid la rend inexorable,
Et je n'espere pas
qu'elle soit plus traitable,
Car Sceptre, ny Couronne, Empires ny
Grandeurs
Ne font rien qu'irriter l'excez de ses rigueurs.
LE ROY.
Quoy Chymene avec moy faict aussi l'inhumaine
Ah! je rabattray
bien de cette humeur hautaine,
Et je luy feray voir par mon
ressentiment
Qu'on doit avec son Prince agir tout autrement,
De
mon affection elle faict peu de conte:
Mais dans peu ses mespris
tourneront à sa honte
Et mesme ce grand Cid qu'elle croid des-ja sien

Trompera son espoir comme elle a faict le mien
Oüy, j'y sçauray si
bien disposer son courage
Qu'un semblable mespris vangera cet

outrage
En donnant un objet plus digne à son amour:
Mais d'où
vient qu'Arias est icy de retour.
SCENE SEPTIESME.
LE ROY, DOM DIEGUE, DOM ARIAS.
DOM ARIAS.
Grand Prince je vous viens apporter les nouvelles
Et du bon-heur du
Cid & du sort des rebelles,
Il est proche d'icy, sain & victorieux.
LE ROY.
Le Ciel rende bien-tost sa presence à mes yeux.
DOM ARIAS.
Sire dans peu de temps vous le verrez paroistre,
Cependant de sa part
je vous rends cette lettre
Qui vous confirmera ce que je vous ay dit,
LE ROY.
En ce ravissement je demeure interdit,
Et mon ame des-ja brusle
d'impatience
Apres ce cher object dont j'attens la presence
Va, dy
luy que je meurs du desir de le voir,
Dom Diegue qu'on donne ordre à
le bien recevoir.
ACTE II.
SCENE PREMIERE.
LE ROY, L'INFANTE, CHYMENE.
LE ROY.
He bien Chymene: enfin ce coeur inexorable
Ne se resoult-il point de
m'estre favorable,
Apres tant de rigueurs & de mespris souffers
Un

Roy doit-il mourir accablé
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