La veille darmes - Piece en cinq actes | Page 7

Claude et Lucien Nepoty Farrere
interessais, moi, a ces amis ... a ces bons
amis, honnetes gens ... sinceres ... l'histoire est vraiment finie?
Brambourg, vous etes bien de service, ce soir?
BRAMBOURG. Mais oui, Commandant, je suis de garde.
CORLAIX. En ce cas, faites-moi donc le plaisir d'aller donner un coup
d'oeil personnel ... verifier qu'un homme est reellement eveille dans
chaque armement ... faire une ronde dans tout le batiment ... de l'avant a
l'arriere comme c'est votre devoir et ne revenez qu'apres avoir bien
verifie que tout est a poste et en ordre.
BRAMBOURG. Tres bien, Commandant!
[Il sort, Corlaix hausse les epaules et jette sa cigarette. Un temps.]

SCENE V
CORLAIX, JEANNE, D'ARTELLES, DAGORNE, puis VERTILLAC,
RABEUF, BIRODART, FERGASSOU.
JEANNE. Fred, un T.S.F.
DAGORNE [sur le seuil de la porte]. La telegraphie sans fil vient de

recevoir ca, Commandant.
CORLAIX. Merci, Dagorne.
[Dagorne salue et sort.]
JEANNE. Lisez vite. C'est peut-etre une bonne nouvelle ... Pourquoi
me regardez-vous ainsi, Fred?
CORLAIX. Parce que vos yeux me font du bien. Ah! ils ne sont pas
chiffres, eux! Pas besoin de dictionnaire. Seulement que de choses ils
n'ont pas encore vues ces yeux-la!... Toutes ces vilaines betes
sournoises qui trainent autour de nous. Comme ils regardent franc et
clair! Jeanne, gardez-moi toujours ces yeux-la! ce sont mes meilleurs
amis. Au travail! [Aussitot entre d'Artelles est alle derriere le rideau
porter la nouvelle de la depeche. Vertillac entre suivi des autres
officiers. L'un d'eux ouvrira completement le rideau.]
FERGASSOU. Une depeche, Commandant?
RABEUF. Une depeche! diable!
CORLAIX. Vertillac, le D.C.C. s'il vous plait. [Il s'installe devant son
bureau et commence le dechiffrage. Fergassou lit par-dessus son epaule.
Les autres officiers groupes a l'ecart attendent le resultat. Jeanne cause
avec d'Artelles a l'autre bout de la scene.]
FERGASSOU. Ah! de cette guerre tout de meme!
JEANNE. Est-ce un long dechiffrage?
D'ARTELLES. Non, Madame, le commandant est tres habile.
JEANNE. Eh bien, Fred, ou en etes-vous?
FERGASSOU. Oh! c'est tres interessant. [Il lit pardessus l'epaule de
Corlaix.] Marine Paris a vice-amiral Austerlitz pour contre-amiral
Fontenoy et capitaine de vaisseau Alma.
JEANNE. Apres?
FERGASSOU. C'est tout pour l'instant. Le reste est encore dans l'oeuf.
JEANNE. C'est interminable!
FERGASSOU. He! he! il faut le temps.
JEANNE. Au moins, vous, Monsieur d'Artelles, vous etes gentil, vous
ne croyez pas a la guerre.
D'ARTELLES. Dites, pour etre plus exacte que je n'ose pas l'esperer.
JEANNE. Ne parlez pas ainsi.
D'ARTELLES. Si je parlais autrement, vous me mepriseriez. Alors,
j'aime mieux dire la verite. C'est que vous etes une Francaise, Madame,
et vous verrez que les Francaises seront plus heroiques encore que ces

Lacedemoniennes si vantees, qui faisaient des mots historiques au
depart des guerriers ... vous verrez ... vous verrez ... Elles embrasseront
tout simplement leur mari, leurs freres ... et elles se tairont ... Ce sera
beaucoup plus beau.
[Pendant ce colloque, sur un signe de Fergassou, tous les officiers se
sont groupes derriere Corlaix pour suivre le dechiffrage avec anxiete.
Maintenant le dechiffrage est fini. Sensation. Les visages des jeunes
rayonnent. Les vieux sont plus graves. Corlaix fait signe de se taire en
montrant Jeanne.]
JEANNE. C'est fini!... Eh bien, Fred?
CORLAIX. Oh! depeche banale ... [Il lit.] Marine ... Paris.., etc ...
Dispositions prevues par precedents telegrammes numeros 457 et 462
desormais sans objet aucun navire ne devant se rendre a Bizerte jusqu'a
nouvel ordre; faites immediatement eteindre ses feux au croiseur Alma
et rentrez dans le service normal. Transmettez. Accusez reception.
JEANNE. Mais c'est le contre-ordre expres, cela?... Vous ne partez plus.
L'Alma reste a Toulon. Alors, c'est la paix? Evidemment, puisque vous
ne partez plus. Eh bien, Fred, vous ne dites rien?
CORLAIX. C'est le contre-ordre, en effet.
JEANNE. Donc, la paix?
CORLAIX [breve hesitation]. Heu ... vous l'avez dit.
JEANNE. La paix!... [Courant dans une grande joie, vers le fond.]
Alice! Alice!... ou est-elle encore?... Elle est insupportable! Alice, c'est
la paix. [Elle sort en coup de vent dans la coulisse.] C'est la paix!...
[Tous suivent sa sortie des yeux. D'Artelles ferme la porte derriere elle,
attend qu'elle se soit eloignee, puis se retourne brusquement.]
D'ARTELLES. Messieurs, tous ensemble ... hip! hip! hip!
TOUS. Hurrah!

SCENE VI
Les Memes, moins JEANNE.
[Grande joie. On se donne des grandes tapes sur les epaules. On se
serre les mains. On rit sans motif.]
CORLAIX. Doucement, Messieurs, ce n'est encore qu'une esperance.
FERGASSOU. Basee sur un fait.
CORLAIX. Je le reconnais.
BIRODART. Si on nous garde a Toulon ...

VERTILLAC. C'est qu'on a besoin de nous.
D'ARTELLES. On veut que la division des croiseurs rapides soit au
complet.
VERTILLAC. Ce que mes canons seraient contents s'ils savaient ca!
CORLAIX [a Vertillac]. J'y pense, ca ne doit pas vous aller plus qu'il
ne faut, a vous?
VERTILLAC. Pourquoi donc?
CORLAIX. Parce que Madame Vertillac vient d'accoucher ... parce que
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