amas de richesses.
Ez��chiel, assis �� son comptoir, leur vendait de l'eau-de-vie et les entretenait avec soin dans cette opinion qui achalandait son cabaret. Il ��tait ��loquent, cet Ez��chiel, et racontait volontiers que la nuit, au clair de la lune, il avait vu, de ses yeux, des poissons qui se disputaient des lambeaux de chair humaine �� la surface de l'eau.
Bien plus, il ajoutait qu'ayant noy�� ses lignes de fond, amorc��es de fromage de Gruy��re et de sang de boeuf, en aval de l'��gout, il avait pris une de ces anguilles courtes, repl��tes et marqu��es de taches de feu qu'on rencontre en Loire entre Paimboeuf et Nantes, mais qui sont rares en Seine, autant que le merle blanc dans nos vergers: une lamproie, ce poisson cannibale, que les patriciens de Rome nourrissaient avec de la chair d'esclave.
D'o�� venait l'abondante et myst��rieuse pature qui attirait tant d'h?tes voraces pr��cis��ment en ce lieu?
Cette question ��tait pos��e mille fois tous les jours, les r��ponses ne manquaient point. Il y en avait de toutes couleurs; seulement, aucune n'��tait vraisemblable ni bonne.
Cependant, le cabaret de la _P��che miraculeuse_ et son ma?tre Ez��chiel prosp��raient. L'enseigne faisait fortune comme presque toutes les choses �� double entente. Elle flattait �� la fois, en effet, les p��cheurs s��rieux, les p��cheurs de poissons, et cette autre cat��gorie plus nombreuse, les p��cheurs de chim��res, po��tes, peintres, com��diens, trouveurs, industriels, bourreaux de femmes en disponibilit�� et le notaire.
Chacun de ceux-l�� esp��rait �� tout instant qu'un solitaire de mille louis allait s'accrocher �� son hame?on.
Et vis-��-vis de la rang��e des p��cheurs, il y avait, de l'autre c?t�� de la rivi��re, une rang��e de badauds qui regardaient de tous leurs yeux. Les cancans allaient et venaient, les commentaires se croisaient: on fabriquait l�� assez de bourdes pour d��salt��rer tout Paris, incessamment alt��r�� de choses vraies qui n'ont pas le sens commun.
Je dis choses vraies, parce que, soyez bien persuad��s de cela, sous toute rumeur populaire, si absurde qu'elle puisse para?tre, un fait r��el se cache toujours.
L'opinion la plus accr��dit��e, sinon la plus vraisemblable, se r��sumait en un mot qui sollicitait ��nergiquement les imaginations et valait �� lui seul deux ou trois des plus t��n��breux livres de Mme Anne Radcliffe. Ce mot ��tait plus sombre que le titre fameux _le Confessionnal des p��nitents noirs_. Ce mot ��tait plus myst��rieux que les _Myst��res du chateau des Pyr��n��es_, que les _Myst��res d'Udolphe_ et que les _Myst��res de la caverne des Apennins_; il sonnait le glas, il flairait la tombe.
Ce mot, sinc��rement app��tissant pour les esprits inquiets, curieux, avides, pour les femmes, pour les jeunes gens, pour tous les curieux de terreur et d'horreur, c'��tait la VAMPIRE.
Notre ��ducation au sujet de ces fun��bres pages du merveilleux en deuil a peu march�� depuis lors. On a bien ��crit quelques-uns de ces livres qui dissertent sans expliquer, qui compilent sans condenser et qui relient en de gros volumes le pale ennui de leurs pages didactiques, mais il semblerait que les savants eux-m��mes, ces braves de la pens��e, abordent avec un esprit troubl�� les redoutables questions de d��monologie. Parmi eux, les croyants ont un peu physionomie de maniaques, et les incr��dules restent mouill��s de cette sueur froide, le doute, qui communique �� coup s?r l'ennui contagieux.
Je cherche, et je ne trouve pas dans mes souvenirs d'enfant le titre du prodigieux bouquin qui pronon?a pour la premi��re fois �� mes yeux le mot Vampire. Ce n'��tait pas un d��courageant article de revue, ce n'��tait pas une tranche de ce pain banal qu'on ��miette dans les dictionnaires: c'��tait un pauvre conte allemand, plein de s��ve et de fougue sous sa toilette de na?vet�� empes��e. Il racontait bonnement, presque timidement, des histoires si sauvages, que j'en ai encore le coeur serr��.
Je me souviens qu'il ��tait en trois petits volumes, et qu'il y avait une gravure en taille-douce �� la t��te de chaque tome.
Elles ne valaient pas un prix fou, mais, Seigneur Dieu, comme elles faisaient fr��mir!
La premi��re gravure en taille-douce, calme et paisible comme le prologue de tout grand po��me, repr��sentait... j'allais dire Faust et Marguerite �� leur premi��re rencontre.
Il n'y avait rien l�� qu'un jeune homme regardant une jeune fille, et cela vous mettait du froid dans les veines, tant Marguerite subissait manifestement le magn��tisme fatal qui jaillissait en gerbes invisibles de la prunelle de Faust!
Pourquoi ne garderions-nous pas ces noms: Faust et Marguerite? Qu'est le chef d'oeuvre de Goethe, sinon la splendide mise en sc��ne de l'��ternel fait de vampirisme qui, depuis le commencement du monde, a dess��ch�� et vid�� le coeur de tant de familles?
Donc Faust regardait Marguerite.--Et c'��tait une noce, figurez-vous, une noce de campagne o�� Marguerite ��tait la Fianc��e et Faust un invit�� de hasard. On dansait sur l'herbe parmi des buissons de roses.
Les parents imprudents et le mari�� aussi, car il avait le bouquet au c?t��, le pauvre jeune
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