La vampire | Page 3

Paul H. C. Féval
invente parfois de bien dr?les de causes pour les plus vulgaires effets.
D'ailleurs, nous n'avons pas tout dit. Ce n'��tait pas exclusivement pour p��cher du poisson que tant de lignes suspendaient l'amorce le long du quai de B��thune. Parmi les p��cheurs de profession ou d'habitude qui venaient l�� chaque jour, il y avait nombre de profanes, gens d'aventures et d'imagination, qui visaient �� une tout autre proie.
Le P��rou ��tait pass�� de mode et l'on n'avait pas encore invent�� la Californie. Les pauvres diables qui courent apr��s la fortune ne savaient trop o�� donner de la t��te et cherchaient leur vie au hasard.
L'Europe ingrate ne sait pas le service que lui rendent ces f��eriques v��sicatoires qui se nomment sur la carte du monde San-Francisco, Monterey, Sydney ou Melbourne.
Il y avait bien la guerre, en ce temps-l��, mais �� la guerre on gagne plus de horions que d'��cus, et les aventuriers mod��les, les ?vrais chercheurs d'or? font rarement les bons soldats de la bataille rang��e.
Il y avait l��, sous le quai de B��thune, des po��tes d��class��s, des inventeurs vaincus, d'anciens don Juan, banqueroutiers de l'industrie d'amour qui s'��taient cass�� bras et jambes en voulant grimper �� l'��chelle des femme, des hommes politiques dont l'ambition avait pris racine dans le ruisseau, des artistes soufflet��s par la renomm��e,--cette cruelle!--des com��diens honnis, des philanthropes maladroits, des g��nies pers��cut��s, et ce notaire qui est partout, m��me au bagne, pour avoir accompli son sacerdoce avec trop de ferveur.
Nous le r��p��tons, d�� nos jours, tous ces braves eussent ��t�� dans la Sonore ou en Australie, qui sont de bien utiles pays. En l'ann��e 1804, s'ils grelottaient les pieds dans l'eau, sondant avec m��lancolie le cours troubl�� de la Seine, c'est que la l��gende pla?ait au fond de la Seine un fantastique Eldorado.
Au coin de la rue de Bretonvilliers et du quai, il y avait un petit cabaret de fondation nouvelle qui portait pour enseigne un tableau, bross�� na?vement par un peintre ��tranger �� l'Acad��mie des beaux-arts.
Ce tableau repr��sentait deux sujets fraternellement juxtapos��s dans le m��me cadre.
Premier sujet: Ez��chiel en costume de ravageur, faisant tourner d'une main sa s��bile, au fond de laquelle on voyait briller des pi��ces d'or, et relevant de l'autre une ligne, dont la gaule, pli��e en deux, supportait un monstre marin copi�� sur nature dans le r��cit de Th��ram��ne.
Ez��chiel ��tait le nom du ma?tre du cabaret.
Second sujet: Ez��chiel en costume de maison, ��ventrant, dans le silence du cabinet, le monstre dont il est question ci-dessus et retirant de son ventre une bague chevali��re orn��e d'un brillant qui reluisait comme le soleil.
Il est juste d'ajouter que la bague ��tait pass��e �� un doigt et que le doigt appartenait �� une main. Le tout avait ��t�� aval�� par le monstre du r��cit de Th��ram��ne, sans mastication pr��alable et avec une ��vidente volupt�� dont t��moignait encore:
Sa croupe recourb��e en replis tortueux.
Les deux sujets jumeaux n'avaient qu'une seule l��gende qui disait en lettre mal form��es:
_A la p��che miraculeuse_.
Le lecteur commence peut-��tre �� comprendre la connexit�� existant entre le fameux banc de poisson de l'?le Saint-Louis et cette rumeur fun��bre qui courait vaguement dans Paris.
Nous ne lui marchanderons point, du reste, le chapitre des explications.
Mais, pour le moment, il nous faut dire que tout Paris connaissait l'aventure d'Ez��chiel repr��sent��e par le tableau, aventure authentique, accept��e, populaire, et dont personne ne se serait avis�� de mettre en doute l'exactitude av��r��e.
En effet, avec le produit de la vente de ce bijou trouv�� dans l'estomac du monstre, Ez��chiel avait mont��, au vu et au su de tout le monde, son ��tablissement de cabaretier.
Et comme il avait d��couvert le premier ce P��rou en miniature, ce gisement de richesses subaquatiques, il ��tait permis �� l'imagination des badauds d'enfiler �� son sujet tout un chapelet d'hypoth��ses dor��es. Son nom indiquait une origine isra��lite, et l'on sait la bonne r��putation accord��e �� l'ancien peuple de Dieu par la classe ouvri��re. On parlait d��j�� d'un caveau o�� Ez��chiel amoncelait des tr��sors.
Les autres ��taient venus quand la veine aurif��re ��tait d��j�� ��cr��m��e; les autres, p��cheurs na?fs ou p��cheurs d'aventures: les po��tes, les inventeurs, les don Juan battus, les industriels tomb��s, les artistes manqu��s, les com��diens fourbus, les philanthropes us��s jusqu'�� la corde, les g��nies piqu��s aux vers--et le notaire n'avaient eu pour tout potage que les restes de cet heureux Ez��chiel.
Ils ��taient l��, non point pour le poisson qui foisonnait r��ellement d'une fa?on extraordinaire, mais pour la bague chevali��re dont le chaton en brillants reluisait comme le soleil.
Ils eussent volontiers plong�� t��te premi��re pour explorer le fond de l'eau, si la Seine, jaune, haute, rapide et entra?nant dans sa course des tourbillons ��cumeux, n'e?t pas d��fendu les prouesses de ce genre.
Ils apportaient des s��biles pour ravager le bas de la berge d��s que l'eau abaisserait son niveau.
Ils attendaient, consultant l'��tiage d'un oeil fi��vreux, et voyant au fond de l'eau des
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