n'euss��-je trouv�� dans vos ouvrages que la religion du souvenir et la loi dans un avenir meilleur, cela aurait suffi pour me les faire aimer. Il y a, en outre, des raisons que je ne puis vous dire.
Nous nous trouvions en ce moment pr��s de deux ou trois paysans qui venaient �� notre rencontre sur la route. Nous gardames le silence jusqu'�� ce qu'ils nous eussent crois��s. Alors le vieillard me demanda:
--Vous ne ferez que traverser Bodeghem, pour aller ce soir loger �� Benkelhout? Ce n'est donc pas un dessein particulier qui vous am��ne dans notre petit village?
--Si fait. J'avais l'intention de prendre, en passant, quelques renseignements sur une chose qui m'a ��t�� racont��e; mais, puisque vous ��tes si bon et si serviable, pourquoi ne vous demanderais-je pas ce que je d��sire savoir? Il y a dans le cimeti��re de Bodeghem une tombe de fer, n'est-ce pas?
--Il y a, en effet, une tombe que les villageois na?fs appellent la tombe de fer, parce qu'elle est entour��e d'un grillage; mais cette tombe n'offre rien de remarquable.
La voix du vieillard me parut avoir tout �� fait chang�� de ton; elle ��tait retenue et s��che comme s'il avait voulu ��loigner ou abr��ger la conversation.
--Il pousse toujours des fleurs nouvelles sur cette tombe? demandai-je.
--Il y pousse toujours des fleurs, r��p��ta-t-il.
--Il y a un banc de bois pr��s de la tombe, et ce banc est us��, parce qu'un esprit, la dame blanche, vient s'y asseoir toutes les nuits depuis des ann��es?
--Un conte d'enfant, dit le vieillard avec un sourire sur les l��vres.
--Je sais bien, monsieur, que ce ne peut ��tre qu'un conte; mais, du moins, il y a quelqu'un qui soigne les fleurs sur la tombe; car c'est sans doute aussi une fable que ces fleurs sortant d'elles-m��mes de terre?
Comme mon compagnon ne r��pondait pas imm��diatement �� ma question, je lui dis:
--Il y a quelques jours, une paysanne de ces environs vint me demander conseil pour obtenir la grace de son fils, qui avait ��t�� condamn�� �� une forte amende pour un d��lit de chasse. Je la fis causer.--C'est ainsi que j'ai surpris toutes les particularit��s de la vie simple des paysans.--Elle m'a parl�� de la tombe de fer, des fleurs qui se renouvellent toujours, de la dame blanche, et d'un ermite qui reste �� prier des journ��es enti��res pr��s de la tombe. Soyez assez bon pour me dire ce qu'il y a de vrai dans le r��cit de la paysanne.
--La chose est toute simple, r��pondit mon compagnon. L'homme que l'on appelle l'ermite, parce qu'il vit solitaire, soigne et orne la tombe d'une personne qui lui fut plus ch��re que la lumi��re de ses yeux. En vivant ainsi, depuis la s��paration fatale, pr��s d'un tombeau, et en concentrant toute son affection sur ce tombeau, il triomphe de la mort m��me; car qui peut dire que l'��pouse que la tombe croyait lui ravir l'ait quitt�� r��ellement, quand il la voit �� chaque instant, quand elle rena?t cent fois par jour dans sa pens��e?
Je regardai le vieillard avec ��tonnement: ses yeux brillaient d'un ��clat ��trange et soc visage rayonnait d'enthousiasme.
Il remarqua l'impression que ses paroles avaient faite sur moi et surmonta son ��motion. Il montra du doigt le chemin et me dit d'un ton plus calme:
--Voil�� notre petite ��glise. Si nous avions suivi la traverse, nous pourrions d��j�� apercevoir de loin la tombe de fer.
Je ne fis presque pas attention �� ce qu'il me montrait, et je demandai d'un air r��veur:
--Une ��pouse, dites-vous, monsieur? C'est donc une femme mari��e qui repose sous la tombe de fer?
--Une vierge pure comme les lis avant de se faner, murmura-t-il.
--Mais mari��e?
--Vierge et ��pouse, en effet.
Je ne savais que penser du ton solennel avec lequel le vieillard avait prononc�� ces derniers mots. Je commen?ais �� ��tre en proie �� une singuli��re ��motion. Je m'imaginais que la tombe de fer devait cacher une histoire touchante, et ma curiosit�� ��tait piqu��e au plus haut point.
Assur��ment, le vieillard devina que j'allais insister pour obtenir une explication plus pr��cise, il me prit le bloc d'albatre avant que je pusse soup?onner son intention; et, comme je m'effor?ais de continuer �� porter le fardeau, il m'assura que, du moins dans le village, il devait refuser mon aide, et ��chappa, �� mon grand d��pit, aux questions qui se pressaient d��j�� sur mes l��vres. Il marcha vers l'entr��e du cimeti��re en disant:
--Venez, je vous montrerai la tombe de fer. Voyez l��-bas, pr��s du mur de l'��glise, ces fleurs derri��re ce grillage, c'est la tombe de fer.
Je, m'approchai de l'endroit d��sign�� et je regardai avec ��tonnement dans le petit enclos. Je cherchai vainement une pierre ou un signe quelconque qui m'appr?t le nom de cette morte tant regrett��e. Rien que des fleurs, mais des fleurs si belles, si rares, et assorties avec un sentiment si profond de la forme et de
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