jeune fille les regardait venir sans bouger. Sa silhouette, purement
dessinée sur le fond clair du ciel, avait une étrange majesté, quelque
chose d'imposant et d'enivrant à la fois par l'attraction bizarre de sa
physionomie; les yeux, très-allongés, d'une douceur africaine,
semblaient lancer de lumineux rayons à travers la soie des cils épais; la
rougeur vivante des lèvres, charnues et bien coupées, contrastait avec le
ton de la peau, pâle malgré la couleur dorée que lui avait donnée le
soleil. Le vent, soufflant avec une certaine violence, faisait voltiger
quelques mèches de ses cheveux et accentuait la courbe onduleuse de
sa hanche gauche, avec une ligne serpentine de la cuisse à l'épaule.
Paul la regardait avec une curiosité émue, se sentant invinciblement
attiré par cette étrange et superbe créature: il lui semblait retrouver
quelque création de son cerveau, un rêve tout à coup évoqué par une
puissance supérieure.
«Quel pouvoir dans ces yeux, se disait-il, quel enivrement dans les
voluptueux contours de ce corps! Pourquoi Pagano n'aurait-il pas raison?
C'est une sirène!
--Une pareille figure, s'écria Julien avec admiration, serait un succès
pour le peintre qui pourrait la rendre. Quel magnifique modèle!»
Les jeunes gens s'étaient arrêtés à quelques pas, n'osant approcher
davantage de peur de la faire fuir. Avançant un peu la tête par un
mouvement gracieux et naturel, la jeune fille les regarda attentivement;
puis, s'adressant particulièrement à Paul Maresmes, elle découvrit dans
un charmant sourire l'émail de ses dents, et, appuyant les deux mains
sur ses lèvres, lui envoya un baiser.
Moitié charmé, moitié étonné, Paul resta cloué à sa place, tandis que le
peintre riait aux éclats. Elle en profita pour s'élancer comme une folle
dans le sentier horriblement escarpé qui conduisait à la mer et
disparaître en quelques secondes.
«La malheureuse va se tuer! cria Paul voulant la suivre.
--Elle t'a ensorcelé avec son baiser! dit Julien, en retenant fortement son
ami qui allait perdre l'équilibre et rouler dans le précipice.
--Ne craignez rien! ajouta Pagano qui s'était rapproché, la Giovanna ne
se tuera pas.» Il montra du doigt la jeune fille déjà parvenue au bord de
la mer et se perdant derrière les rochers.
«La singulière fille! reprit le poëte qui cherchait vainement à
l'apercevoir encore.
--Prends garde à la Sirène, Paul, elle te veut du bien.
--Ne crains rien, je saurai résister à son charme.
--Défends ton coeur contre son amour et ne sois pas aussi sensible à ses
baisers.
--Bah! tu veux rire, Julien; je n'y pense même plus.
--Alors, en route; nous avons encore du chemin à faire avant d'arriver à
la Petite Marine.»
De la tour du Phare on suivait la côte baignée par le golfe de Salerne.
Après avoir gravi la petite colline du Tuoro piccolo, ils se trouvèrent
dans une sorte de vallée se dirigeant au sud vers la mer et conduisant à
la caverne que l'on appelle la grotte de Mithra. C'est dans les ruines
éparses en cet endroit que fut trouvé le bas-relief mithriaque exposé
maintenant au musée de Naples: la table de marbre, de quatre pieds de
long sur trois de large, représente Mithra, le génie du soleil, en habits
persans, accomplissant le sacrifice mystique du taureau. Mais ils ne
s'arrêtèrent que peu de temps en cet endroit, à près de cinq cents pieds
au-dessus d'une petite baie semée d'écueils et de rochers.
De la vallée, Pagano leur fit gagner une seconde colline, dominée par le
télégraphe et formant l'opposé du Tuoro piccolo, c'est le Tuoro grande.
De cette hauteur on voyait l'ancien petit port de Tragara, la pointe de
Tragara, l'écueil du Moine et trois rochers en pleine mer: la vue était
superbe. Sur la colline même on remarquait quelques restes antiques,
des traces d'aqueduc et de route: peut-être s'y élevait autrefois une des
villas de Tibère. Paul partageait également l'avis de ceux qui pensent
que la petite île du Moine, sorte d'écueil de trois cents pas de périmètre,
est la fameuse ville des Oisifs ({~GREEK CAPITAL LETTER
ALPHA~}{~GREEK SMALL LETTER PI~}{~GREEK SMALL
LETTER RHO~}{~GREEK SMALL LETTER ALPHA~}{~GREEK
SMALL LETTER GAMMA~}{~GREEK SMALL LETTER
OMICRON WITH OXIA~}{~GREEK SMALL LETTER
PI~}{~GREEK SMALL LETTER OMICRON~}{~GREEK SMALL
LETTER LAMDA~}{~GREEK SMALL LETTER IOTA~}{~GREEK
SMALL LETTER FINAL SIGMA~}) d'Auguste, et que les ruines
éparses ça et là sont celles du tombeau de son favori Masgabas, mort
pendant sa tournée à Caprée.
Un sentier rocailleux les conduisit, non sans peine ni sans difficultés, à
cinq cents mètres au-dessus de la mer, à la pointe de Tragara. Ils
dominaient tout le golfe de Salerne et cette partie de la Méditerranée
qui baigne la Sicile et va se perdre sur les côtes d'Afrique. Dans le bleu
de la mer se détachaient trois blocs noirs, trois écueils. Pagano les
désigna aux jeunes gens.
«Les Sirènes! dit-il à voix basse, par crainte de voir ses paroles
emportées vers
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