La reine Margot - Tome I | Page 8

Alexandre Dumas
un des barreaux descell��s d��avance, et laissa pendre, par cette ouverture, un lacet de soie.
-- Est-ce vous, Gillonne? demanda le duc �� voix basse.
-- Oui, Monseigneur, r��pondit une voix de femme d��un accent plus bas encore.
-- Et Marguerite?
-- Elle vous attend.
-- Bien. �� ces mots le duc fit signe �� son page, qui, ouvrant son manteau, d��roula une petite ��chelle de corde. Le prince attacha l��une des extr��mit��s de l����chelle au lacet qui pendait. Gillonne tira l����chelle �� elle, l��assujettit solidement; et le prince, apr��s avoir boucl�� son ��p��e �� son ceinturon, commen?a l��escalade, qu��il acheva sans accident. Derri��re lui, le barreau reprit sa place, la fen��tre se referma, et le page, apr��s avoir vu entrer paisiblement son seigneur dans le Louvre, aux fen��tres duquel il l��avait accompagn�� vingt fois de la m��me fa?on, s��alla coucher, envelopp�� dans son manteau, sur l��herbe du foss�� et �� l��ombre de la muraille. Il faisait une nuit sombre, et quelques gouttes d��eau tombaient ti��des et larges des nuages charg��s de soufre et d����lectricit��.
Le duc de Guise suivit sa conductrice, qui n����tait rien moins que la fille de Jacques de Matignon, mar��chal de France; c����tait la confidente toute particuli��re de Marguerite, qui n��avait aucun secret pour elle, et l��on pr��tendait qu��au nombre des myst��res qu��enfermait son incorruptible fid��lit��, il y en avait de si terribles que c����taient ceux-l�� qui la for?aient de garder les autres.
Aucune lumi��re n����tait demeur��e ni dans les chambres basses ni dans les corridors; de temps en temps seulement un ��clair livide illuminait les appartements sombres d��un reflet bleuatre qui disparaissait aussit?t.
Le duc, toujours guid�� par sa conductrice qui le tenait par la main, atteignit enfin un escalier en spirale pratiqu�� dans l����paisseur d��un mur et qui s��ouvrait par une porte secr��te et invisible dans l��antichambre de l��appartement de Marguerite.
L��antichambre, comme les autres salles du bas, ��tait dans la plus profonde obscurit��.
Arriv��s dans cette antichambre, Gillonne s��arr��ta.
-- Avez-vous apport�� ce que d��sire la reine? demanda-t-elle �� voix basse.
-- Oui, r��pondit le duc de Guise; mais je ne le remettrai qu���� Sa Majest�� elle-m��me.
-- Venez donc et sans perdre un instant! dit alors au milieu de l��obscurit�� une voix qui fit tressaillir le duc, car il la reconnut pour celle de Marguerite.
Et en m��me temps une porti��re de velours violet fleurdelis�� d��or se soulevant, le duc distingua dans l��ombre la reine elle-m��me, qui, impatiente, ��tait venue au-devant de lui.
-- Me voici, madame, dit alors le duc. Et il passa rapidement de l��autre c?t�� de la porti��re qui retomba derri��re lui. Alors ce fut, �� son tour, �� Marguerite de Valois de servir de guide au prince dans cet appartement d��ailleurs bien connu de lui, tandis que Gillonne, rest��e �� la porte, avait, en portant le doigt �� sa bouche, rassur�� sa royale ma?tresse. Comme si elle e?t compris les jalouses inqui��tudes du duc, Marguerite le conduisit jusque dans sa chambre �� coucher; l�� elle s��arr��ta.
-- Eh bien, lui dit-elle, ��tes-vous content, duc?
-- Content, madame, demanda celui-ci, et de quoi, je vous prie?
-- De cette preuve que je vous donne, reprit Marguerite avec un l��ger accent de d��pit, que j��appartiens �� un homme qui, le soir de son mariage, la nuit m��me de ses noces, fait assez peu de cas de moi pour n����tre pas m��me venu me remercier de l��honneur que je lui ai fait non pas en le choisissant, mais en l��acceptant pour ��poux.
-- Oh! madame, dit tristement le duc, rassurez-vous, il viendra, surtout si vous le d��sirez.
-- Et c��est vous qui dites cela, Henri, s����cria Marguerite, vous qui, entre tous, savez le contraire de ce que vous dites! Si j��avais le d��sir que vous me supposez, vous euss��-je donc pri�� de venir au Louvre?
-- Vous m��avez pri�� de venir au Louvre, Marguerite, parce que vous avez le d��sir d����teindre tout vestige de notre pass��, et que ce pass�� vivait non seulement dans mon coeur, mais dans ce coffre d��argent que je vous rapporte.
-- Henri, voulez-vous que je vous dise une chose? reprit Marguerite en regardant fixement le duc, c��est que vous ne me faites plus l��effet d��un prince, mais d��un ��colier! Moi nier que je vous ai aim��! moi vouloir ��teindre une flamme qui mourra peut- ��tre, mais dont le reflet ne mourra pas! Car les amours des personnes de mon rang illuminent et souvent d��vorent toute l����poque qui leur est contemporaine. Non, non, mon duc! Vous pouvez garder les lettres de votre Marguerite et le coffre qu��elle vous a donn��. De ces lettres que contient le coffre elle ne vous en demande qu��une seule, et encore parce que cette lettre est aussi dangereuse pour vous que pour elle.
-- Tout est �� vous, dit le duc; choisissez donc l��-dedans celle que vous voudrez an��antir.
Marguerite fouilla vivement dans le coffre ouvert, et d��une main fr��missante prit l��une apr��s l��autre une douzaine
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