La réforme postale en France | Page 8

M. Barrillon
des lettres, depuis
l'établissement des postes dans ce pays jusqu'à l'année 1839, se classent
en deux catégories bien distinctes. Les tarifs de 1710 et 1765
appartiennent au système des taxes modérées. Les tarifs de 1805 et
1827 appartiennent au système des taxes exagérées.
Le tableau suivant représente l'influence exercée sur les recettes par
l'application successive de ces divers tarifs.
------------------------------------------------------------------------ | TARIFS
|RECETTES SUCCESSIVES.| DURÉE |ACCROISSEMENT
PROPORTIONNEL. | | | | DE LA | | | de |années.| sommes. |PÉRIODE.|
dans la | moyen par | | | | | | période. | année. |
|------------------------------------------------------------------------| | 1re
CATÉGORIE: TARIFS MODÉRÉS. |
|------------------------------------------------------------------------| | | | f. | | | |
1710 | 1710 | 2,786,000 } 53 ans | 110, » % | 2,07 % | | | 1763 |
5,975,000 } | | | | | |------------ | | | | 1765 | 1768 | 7,435,900 } 36 ans | 344,
» % | 9,55 % | | | 1804 | 33,000,000 } | | |
|------------------------------------------------------------------------| | 2e
CATÉGORIE: TARIFS EXAGÉRÉS. |
|------------------------------------------------------------------------| | 1805 |
1806 | 37,547,000 } 20 ans | 45, » % | 2,25 % | | | 1826 | 54,100,000 } | |
| | | |------------ | | | | 1827 | 1828 | 51,575,900 } 11 ans | 7,50 % | 0,68 % |
| | 1839 | 55,322,000 } | | |

------------------------------------------------------------------------
Ce tableau fait ressortir d'une manière saisissante combien le
ralentissement de la progression des recettes concorde avec
l'application des tarifs exagérés.
Les taxes établies par le tarif de 1710 sont modérées; les recettes
produites par ces taxes prennent un développement donnant, en
moyenne, une augmentation de 2,07 % par année.
En 1765, les taxes éprouvent une modification favorable: le maximum
reste ce qu'il était précédemment, mais le minimum est sensiblement
abaissé. Ce changement réagit énergiquement sur les recettes. Dans la
période précédente, la progression des recettes avait été de 2,07 % par
année; dans cette période, cette progression est en moyenne, par année,
de 9,55 %.
Appréciant mal la véritable cause de cet accroissement rapide, excitée
probablement aussi par l'espérance de favoriser l'augmentation de ses
recettes par l'élévation de ses taxes, l'administration des postes fait
adopter, en 1805, un nouveau tarif entrant avec résolution dans le
système des taxes exagérées. Les effets de ce fâcheux changement ne
tardent pas à se manifester; le mouvement progressif des recettes se
ralentit brusquement. Le chiffre annuel représentant la moyenne de
cette progression avait été de 9,55 % pendant la dernière période; il
descend, pendant cette période, à 2,25 % par année.
Malgré cet avertissement péremptoire sur les conséquences
dommageables des augmentations de taxes, l'administration anglaise
ajoute encore en 1827 une nouvelle augmentation à son tarif. Cette
mesure inopportune fortifie l'énergie compressive d'un tarif déjà trop
élevé. La progression des recettes continue encore, mais elle semble
être le dernier effet d'une impulsion déjà éloignée. Cette progression
était de 9,55 % sous le tarif de 1765; elle était encore de 2,25 % sous le
tarif de 1805; elle n'est plus que de 0,68 % sous le tarif de 1827.
Ces résultats sont significatifs; ils le deviennent plus encore lorsque l'on
considère au milieu de quelles circonstances ils se sont produits.

L'époque contemporaine des tarifs modérés était arriérée sous tous les
rapports. Un petit nombre d'années s'était écoulé depuis que l'institution
des postes avait été organisée en un service régulier et mise à la
disposition incessante du public, la population était moins nombreuse,
les habitudes de correspondance épistolaire n'étaient pas encore prises,
l'instruction était rare et insuffisante, on voyageait peu, enfin, les
industries et le commerce commençaient à peine à se développer. Ces
circonstances comprimèrent puissamment l'augmentation du produit
des postes; la marche progressive de cette augmentation a donc été plus
considérable encore, en réalité, que ne la représentent les chiffres
proportionnels inscrits dans ce tableau.
Si les tarifs modérés se sont trouvés en présence de complications
défavorables, qui ont considérablement affaibli l'action de leur bonne
influence, les tarifs exagérés ont été appliqués, au contraire, dans les
circonstances les plus capables de contrebalancer et de dissimuler leurs
pernicieux effets.
La surélévation des taxes a commencé à être pratiquée, en Angleterre,
seulement au commencement de ce siècle. Or, depuis cette époque
jusqu'à nos jours, tout a concouru, dans ce pays, à favoriser le
développement de la correspondance épistolaire. Grace aux admirables
machines dont elles ont été dotées par Arkwright et Watt, les industries
anglaises ont pris un merveilleux essor; le commerce a décuplé, la
population a doublé, l'instruction a pénétré jusque dans les plus petits
villages, enfin le goût des voyages s'est généralisé. Ces causes tendaient
toutes à surexciter le mouvement des lettres. On a vu que cette
impulsion a été neutralisée en partie par l'exagération des tarifs.
C'est peut-être l'exemple de la France qui
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