entraîna l'Angleterre dans le
système des taxes exagérées. La France, en effet, a eu le triste avantage
de s'avancer toujours la première dans cette voie onéreuse et
irrationnelle. Seulement, les conséquences nuisibles de l'exagération
des taxes ont été plus promptes et plus tranchées en Angleterre qu'en
France. Les causes de cette différence sont faciles à découvrir, pour peu
qu'on les recherche. L'Angleterre a commencé en 1784 à perfectionner
le service de son administration des postes. L'Angleterre possède
depuis longtemps des routes nombreuses bien tracées, soigneusement
entretenues. La France est restée arriérée pour la réalisation de ces
améliorations utiles, c'est tout récemment seulement qu'elle en a été
dotée. Enfin, depuis près de deux siècles, l'Angleterre a concentré toute
son énergie, toute sa politique, toutes ses forces vitales au
développement de ses industries et de son commerce, tandis que la
France était à peu près exclusivement occupée de politique. Les motifs
qui excitent la multiplication et l'activité de circulation des lettres ont
donc agi plus tôt, mais leur énergie a cessé plus tôt aussi en Angleterre
qu'en France. Dès l'année 1826, les produits bruts des postes sont restés
à peu près stationnaires en Angleterre, tandis que ces mêmes produits,
en France, s'accroissaient un peu encore de 1838 à 1846. Mais bientôt
sans doute, si elles étaient maintenues, les taxes excessives causeraient
en France les mêmes effets qu'elles ont causé en Angleterre; les
produits des postes ne s'augmenteraient plus, peut-être même de
nouveaux perfectionnements seraient-ils impuissants à empêcher ces
produits de décroître.
L'Angleterre, toujours attentive et intelligente pour sauvegarder ses
intérêts, ne tarda pas à reconnaître qu'elle était dans une fausse voie. Sa
résolution fut prompte et énergique: vers l'année 1839, elle substitua, au
tarif énorme et compliqué de 1827, un tarif unique et très modéré
représenté dans le tableau suivant:
TARIF DE 1839.
--------------------------------------------------- |DISTANCES. | LETTRE
SIMPLE. | |-------------------------|-------------------------| | | f. c. | | Tout le
Royaume-uni. | », 10 | ---------------------------------------------------
Toutefois cette importante réforme ne fut pas effectuée sans avoir dû
surmonter de puissants obstacles. Quelques esprits systématiques,
certaines susceptibilités vaniteuses firent une opposition acharnée
contre l'adoption du nouveau système. Heureusement cette grave
question eut pour défenseur principal M. Rowland Hill, homme aussi
courageux que distingué, dont la persistance réussit enfin, après une
longue lutte, à emporter le succès.
M. Rowland Hill, avait été le premier à éveiller l'attention de
l'Angleterre, sur la nécessité d'abaisser les taxes perçues dans ce pays
par l'administration des postes. Il eut la gloire et le bonheur de faire
adopter la taxe unique qu'il avait proposé de substituer au tarif multiple
et démesuré dont il avait démontré les funestes effets.
Pour complément des avantages importants offerts au public par son
nouveau tarif, la proposition de M. Rowland Hill comportait et eut pour
effet d'autres remarquables améliorations.
Le poids maximum d'une lettre simple avait été jusqu'alors fixé à la
parité approximative de 7 grammes et demi, comme en France; ce
poids fut élevé à 15 grammes.
Une autre innovation non moins utile fut introduite en même temps
dans le service. L'administration vendit au public des enveloppes
timbrées, et des timbres volants, par l'emploi desquels toute lettre put
être affranchie sans que l'envoyeur fut obligé de se transporter dans les
bureaux du post-office. Le public adopta avec empressement ce
nouveau système. Les timbres volants, qui furent et sont encore
généralement préférés aux enveloppes timbrées, consistent en un petit
carré de papier, représentant une effigie de la reine. Ces timbres sont
enduits, au verso, d'une couche de gomme. Pour s'en servir, on humecte
cette gomme et on colle le timbre sur l'extérieur de la lettre, qui se
trouve ainsi affranchie de l'obligation de payer le port au moment de
l'arrivée. L'administration des postes annule les timbres ainsi employés
en couvrant la moitié de leur surface par un contre timbre spécial.
L'utilité et la certitude d'emploi de ces timbres volants furent tellement
appréciées en Angleterre, qu'on en fit une sorte de papier monnaie
admis partout comme espèces.
Ces perfectionnements heureux produisirent d'excellents résultats. En
même temps que le public fut servi à bien plus bas prix, il fut aussi
servi plus vite. Le travail de la taxation des lettres fut considérablement
abrégé par la simplification de la taxe. Il ne s'agissait plus en effet, pour
l'employé, que d'apprécier le poids de la lettre, pour en fixer le port.
Pesait-elle 15 ou 30 ou 45 ou 60 grammes, et, selon l'un ou l'autre de
ces poids, la taxe devait-elle être doublée ou triplée ou quadruplée ou
quintuplée? à cela se bornait l'examen. Le service de distribution devint
aussi beaucoup plus commode et beaucoup plus prompt. La majeure
partie des lettres étant affranchie, le facteur n'avait plus qu'à frapper à la
porte du destinataire pour avertir qu'il déposait une lettre dans la boîte
affectée à cet usage. Il ne devait plus annoncer
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