La piraterie dans lantiquité | Page 8

Jules-M. Sestier
pays, ou des toisons, dont on se servait pour amasser l'or que les rivi?¨res charriaient avec le sable. Les incidents du voyage sont bien ceux de hardis aventuriers. A Lemnos, les femmes avaient massacr?? tous les hommes ?? l'exception du roi Thoas; les g??nies de la f??condit?? avaient fui l'??le maudite; les Argonautes les y ramen?¨rent. Dans l'Hellespont, ils rencontrent d'autres pirates et leur livrent un grand combat. Dans l'??le de Cyzique, ils tuent, ?? la suite d'une m??prise funeste, il est vrai, le roi Cyzicos qui leur avait donn?? l'hospitalit??. En Mysie, les h??ros s'??gayent dans un banquet; un des leurs, Hylas, est enlev?? par les nymphes de la fontaine, ??pisode qui a donn?? lieu ?? la charmante idylle de Th??ocrite. Ils se divertissent ?? la chasse; Idmon p??rit en poursuivant un sanglier. Arriv??s en Colchide, ils enl?¨vent la toison d'or et la c??l?¨bre M??d??e qui, pour retarder la poursuite de son p?¨re A??t?¨s, s?¨me sur la route les membres de son propre fr?¨re, Absyrtos. Ce sont bien l?? des exploits de pirates. Je n'insisterai pas sur le retour des Argonautes qui a si fort intrigu?? les g??ographes; ?? mesure que la connaissance du monde s'agrandissait, il ??tait imagin?? un nouvel itin??raire suivi par ces antiques navigateurs. C'est ainsi que le po?¨me orphique fait passer les Argonautes du Phase dans le fleuve Oc??an ou mer Cronienne, au del?? des pays Hyperbor??ens, revenir par les colonnes d'Hercule, source de l'Oc??an, et aborder enfin ?? Iolcos, apr?¨s avoir c?′toy?? la contr??e des T??n?¨bres (Espagne), doubl?? au nord les ??les Sacr??es (Sardaigne et Corse), travers?? Charybde et Scylla, et remont?? la c?′te orientale de la Gr?¨ce. La l??gende accr??dit??e par H??siode et Pindare fait naviguer les Argonautes du Phase dans l'Oc??an, et de l??, ?? travers la Libye, dans le lac Tritonis et le Nil. C'est la route du sud. Mais quand on se fut assur?? que le Phase ne d??bouchait point dans l'Oc??an, Apollonius de Rhodes inventa un troisi?¨me itin??raire; le navire Argo revint par l'Ister et l'?‰ridan, qui ??taient cens??s communiquer dans l'Adriatique. Enfin, une derni?¨re opinion n'emprunte rien ?? l'imagination et ram?¨ne prosa?ˉquement les aventuriers par la m?ame route qu'ils avaient suivie pour se rendre en Colchide, c'est-??-dire par le Bosphore et la Propontide.
Outre les oeuvres des ??crivains cit??s, les monuments nous offrent des repr??sentations qui ressemblent fort ?? des sc?¨nes de pirateries dont les Argonautes sont les acteurs. Un ouvrage c??l?¨bre, le ciste de Ficoroni, nous montre Pollux attachant le g??ant Amycos ?? un tronc d'arbre pendant que ses compagnons se livrent ?? de copieuses libations. Le combat des Argonautes contre Talos forme le sujet d'une des peintures de vase les plus remarquables que l'antiquit?? nous ait l??gu??es[2].
[1] Movers, Die Phonizier.
[2] Arch. Zeit., 1846, p. XLIV; 1848, p. XXIV;--Denkm-und Forsch., 1860, pl. CXXXIX, CXL.

III
LES H?‰ROS D'HOM??RE.
Le sage, le prudent Ulysse lui-m?ame d??peint dans un de ses r??cits le type parfait d'un de ces chefs de pirates qui remplissaient de leurs exploits les parages de la mer ?‰g??e. Ouvrons Hom?¨re[1]: le h??ros est chez Eum??e; il ne se fait pas encore reconna??tre. Son h?′te lui demande: Qui es-tu parmi les hommes? Ulysse lui trace alors un portrait qui n'est pas le sien puisqu'il d??sire rester inconnu, mais dans lequel il est difficile de ne pas saisir un air de famille.
??Je n'aimais point les travaux paisibles, ni les soins int??rieurs qui forment une belle famille; les vaisseaux, les rames, les combats, les javelots aigus et les fl?¨ches, sujet de tristesse, qui glacent le reste des humains, ??taient seuls ma joie; un dieu me les avait mis dans l'esprit. C'est ainsi que les mortels sont entra??n??s par des go??ts divers. Avant le d??part des fils de la Gr?¨ce pour Ilion, d??j?? neuf fois j'avais conduit contre les peuples ??trangers des guerriers et des vaisseaux rapides, et toutes choses m'??taient ??chues en abondance. Je choisissais une juste part du butin, le sort disposait du reste et me donnait encore beaucoup; ma maison s'accroissait rapidement, je devenais chez les Cr??tois redoutable et digne de respect... En cinq jours nous parvenons au beau fleuve ?‰gyptos. J'arr?ate mes navires dans ses ondes et j'ordonne ?? mes compagnons de ne point s'??carter et de garder la flotte; j'envoie seulement des ??claireurs ?? la d??couverte. Mais, emport??s par leur audace, confiants dans leurs forces, ils ravagent les champs magnifiques des ?‰gyptiens, entra??nent les femmes, les tendres enfants et massacrent les guerriers, etc...??
[1] Odyss??e, XIV, traduction de Giguet.
Voil?? bien de la piraterie, si je ne me trompe. Les Normands n'agissaient pas autrement. Et cependant Ulysse invoque ces actes comme de brillants exploits dignes de l'admiration de son h?′te. Cela ne doit pas nous surprendre. A cette ??poque, la piraterie ??tait une profession avou??e. Elle ??tait fort r??pandue dans l'antiquit??; souvent, dans Hom?¨re, on questionne les navigateurs inconnus dans
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