bord de l'eau; la meunière alla les chercher et en donna deux à Jeanne en lui disant:
?Tiens, ma petite, voilà deux canetons que je te donne, parce que tu as sauvé la vie à ma cane. Si tu les soignes bien, ils deviendront beaux, et tu pourras les vendre pour avoir un fichu et un tablier. Je vais aller te chercher deux oeufs pour ton souper.?
La petite Jeanne mit les oeufs et les canetons dans son tablier, et rentra tout de suite. Elle commen?a par montrer à sa mère les deux petits canards, et elle raconta comment la meunière les lui avait donnés. Elle posa les oeufs sur la table, et tira de sa poche la pièce de cinquante centimes et le morceau de tarte aux prunes, qu'on avait enveloppé dans une feuille de papier. Elle répéta aussi tout ce qu'on lui avait dit chez Mme Dumont.
?Je vais acheter du beurre et du sel pour notre semaine avec ces cinquante centimes-là, dit Catherine.
--Pas encore, répondit la mère de Nannette; vous travaillez aujourd'hui pour moi, il est bien juste que je trempe votre soupe en même temps que la mienne; et j'ai là un fromage mou qui va bien régaler la petite Jeanne.
--Pourtant, mère Nannette, puisque vous me logez pour rien, je vous dois mes services.
--Si je ne vous récompensais pas quand vous travaillez pour moi, Catherine, ce serait comme si je vous faisais payer votre loyer. Je n'entends pas ?a.?
Isaure va voir la petite Jeanne.
Quelques jours après, Isaure dit:
?Maman, si nous allions voir la petite Jeanne et cette bonne mère Nannette?
--Je le veux bien,? dit Mme Dumont.
Et elle se mit en route avec ses deux filles et son fils. En entrant chez la mère Nannette, elles trouvèrent la veuve Catherine occupée à battre le beurre. Mme Dumont lui demanda où était sa petite fille.
?Elle est au lit, madame.
--Est-ce qu'elle est malade? dit vivement Isaure en se tournant du c?té du lit, où l'on voyait la jolie tête de Jeanne sur le traversin.
--Dieu merci, non, ma chère demoiselle; mais j'ai nettoyé ses habits ce matin, et, comme elle n'a que ceux-là, il faut bien qu'elle reste au lit pendant qu'ils sèchent.
--Où est donc la mère Nannette?
--Elle garde ses bêtes, mais elle ne tardera pas à rentrer. Madame, si vous voulez vous asseoir en l'attendant, vous vous reposerez. Nous n'avons que trois chaises, mais le jeune monsieur se mettra bien sur un coffre.?
En entrant, Mme Dumont avait vu du premier coup d'oeil que la maison et les meubles étaient de la plus grande propreté; elle s'assit donc sans crainte.
Isaure cause avec la petite Jeanne.
Pendant que sa mère parlait, Isaure était montée sur une chaise auprès du lit de Jeanne, et causait avec elle.
?Tu t'ennuies bien au lit, n'est-ce pas, petite Jeanne?
--Oui, mademoiselle, j'aimerais mieux être levée et garder les oisons de la mère Nannette; mais il faut bien que maman nettoie mes habits; elle dit que c'est bien assez d'être pauvre, et qu'il ne faut pas causer de répugnance aux gens qui nous soulagent.
--Tu vas donc tous les jours chercher ton pain?
--Oh! non, mademoiselle: quand on nous en donne beaucoup, nous restons à la maison aussi longtemps qu'il y en a; c'est si pénible d'aller aux portes!
--Te donne-t-on toujours, quand tu demandes?
--Mademoiselle, je ne demande rien; je reste à la porte jusqu'à ce qu'on me donne. Quelquefois il n'y a personne dans les maisons, pendant la moisson, ou bien en temps de fenaison. Ces jours-là, je ne trouve pas grand'chose.
--Et quand on ne te donne rien?
--Nous nous couchons sans souper; ?a nous est arrivé plus d'une fois avant d'être chez la mère Nannette; mais elle ne veut pas que nous souffrions la faim, et, quand nous n'avons point de pain, elle nous en prête.
--Vas-tu t'amuser quelquefois sur la place de l'église avec les petites du bourg?
--Oh! mademoiselle, elles ne voudraient pas de moi!
--Tiens! pourquoi?
--C'est que je cherche ma vie.
--Sais-tu que c'est bien mal cela!?
La mère Nannette rentra, et Mme Dumont la loua beaucoup de sa charité envers la pauvre veuve et son enfant.
Isaure veut donner une de ses robes à la petite Jeanne.
?Mon Dieu, maman, dit Isaure en retournant au chateau, j'ai tant de robes qui ne me servent plus! ne pourrais-tu pas en donner une à la petite Jeanne? J'avais le coeur gros en la voyant au lit faute de vêtements.
--Ma fille, tes robes seraient d'un mauvais usage pour cette enfant; elles resteraient accrochées aux épines des buissons auprès desquels il faut qu'elle passe, et la boue des mauvais chemins où elle est obligée de marcher emporterait le morceau quand elle voudrait les décrotter.
--Comment faire alors, chère maman, pour lui donner une robe?
--N'as-tu donc plus rien dans ta bourse, mon enfant?
--Oh si! oh si! dit vivement la petite fille; je vais lui en acheter une; de quelle étoffe, maman?
--Il faut prendre
Continue reading on your phone by scaning this QR Code
Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the
Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.