La petite Jeanne | Page 4

Zulma Carraud
donc trouvé mon bracelet?
--Madame, c'est Jeanne, ma petite fille, qui l'a vu reluire au soleil et qui l'a ramassé au bord du fossé sur la route.
--Je vous remercie de me l'avoir rapporté, et voici quinze francs pour vous récompenser de votre probité.
--Oh! merci, madame: je n'ai fait que mon devoir en vous rendant ce qui vous appartient; je ne dois pas en être récompensée.
--Eh bien! comme vous m'avez fait un grand plaisir, je veux vous en faire un aussi: prenez donc cet argent.
--Que Dieu vous bénisse, madame, pour le bien que vous me faites!
--Mais, dites-moi: il me semble que je ne vous ai jamais vue dans ce pays-ci? Pourquoi mendiez-vous donc, étant encore dans la force de l'age?
--C'est que, madame, j'y suis forcée par ma grande misère.?
Alors elle raconta son malheur et la charité de la mère Nannette.
?Catherine, vous enverrez votre petite fille ici tous les vendredis, et je lui donnerai une pièce du cinquante centimes.
--Que Dieu vous récompense, madame!?
Et Catherine, ayant pris sa fille par la main, sortit pour retourner chez la mère Nannette.
En entrant, elle lui présenta les trois pièces de cinq francs qu'on lui avait données:
?Prenez-les, mère Nannette; ?a vous dédommagera un peu; car il n'est pas juste que vous me logiez pour rien si je puis vous donner quelque chose.
--Vous savez bien, Catherine, que je ne veux rien accepter pour cela; ce n'est pas une grande gêne pour moi de vous avoir dans ma maison, qui peut nous loger toutes les deux; mon feu peut faire bouillir votre pot en même temps que le mien. Mais donnez-moi votre argent; je vous le garderai pour acheter ce qui vous sera nécessaire.?
Catherine va dans son village.
Après s'être reposée tout le reste de la journée, Catherine se coucha de bonne heure. Le lendemain elle éveilla Jeanne de bon matin; elle l'habilla et lui lava les mains et le visage; puis, après lui avoir fait faire sa prière, elle lui dit:
?Ma fille, il faut que j'aille à notre village pour prier ma?tre Guillaume de m'amener ici notre pauvre mobilier. Je ne peux pas t'emmener, tu es trop petite pour faire tant de chemin; tu ne marcherais pas pendant trois lieues de suite. Si la mère Nannette, qui est une brave femme, veut bien te garder avec elle pendant ce temps-là, j'irai trouver ma?tre Guillaume, et tu m'attendras ici; je coucherai dans sa grange, et demain de bonne heure je serai de retour.?
La petite Jeanne pleura un peu; mais, quand elle eut considéré la bonne figure de la mère Nannette, elle dit qu'elle voulait bien rester; Catherine partit, et Jeanne, s'approchant tout doucement de la mère Nannette, lui dit:
?Voulez-vous m'emmener aux champs avec vous? je garderai bien les oisons.
--Oui, ma Jeanne, je ne demande pas mieux.?
Après l'avoir fait déjeuner avec elle, la mère Nannette amena les oisons sous le noyer, et Jeanne les garda pendant que la vieille femme détachait sa vache et sa chèvre. Cette petite s'entendait si bien à conduire les oies et à les empêcher de faire du dommage, que la mère Nannette en était tout étonnée.
Vers les dix heures, comme il commen?ait à faire chaud, elles firent rentrer les bêtes, qui ne voulaient plus manger dehors, parce qu'elles étaient tourmentées par les mouches. Jeanne voulut ensuite aller à l'herbe; elle en ramassa un bon petit paquet qu'elle lia dans son tablier, et elle le posa sur sa tête en le maintenant avec ses deux petites mains, pour le rapporter à la maison. La mère Nannette lui donna des prunes pour son go?ter; et, quand la chaleur fut tombée, elles firent sortir encore les bestiaux, et ne les ramenèrent qu'à la brune, en passant par l'abreuvoir. On leur donna pour la nuit une grande partie de l'herbe qui avait été ramassée. La mère Nannette fit une bonne soupe aux pommes de terre, et Jeanne, qui n'était pas habituée à en avoir de pareille, en mangea une grande assiettée; puis elle se coucha. L'enfant était bien un peu lasse, mais très-contente d'avoir aidé la mère Nannette.
La mère Nannette mène Jeanne à la messe.
Le lendemain, en s'éveillant, la petite Jeanne appela sa mère; puis, se souvenant qu'elle n'était pas là, elle se leva, s'habilla et pria la mère Nannette de la laver et de la peigner, comme faisait Catherine; ensuite, elle se mit à genoux et fit sa prière.
?Quelles prières sais-tu? lui demanda la mère Nannette.
--Je sais Notre Père et Je vous salue, Marie.
--Dis-les donc tout haut.?
Jeanne les récita sans en manquer un mot. Quand elle eut fini, comme elle restait encore à genoux, la mère Nannette lui demanda:
?Que dis-tu donc encore?
--Je demande au bon Dieu d'avoir pitié de nous et de bénir tous ceux qui nous assistent; je dis votre nom le premier et celui de Mme Dumont après. Maman me l'a fait dire comme cela hier.?
La messe sonna,
Continue reading on your phone by scaning this QR Code

 / 67
Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.