La petite Jeanne | Page 3

Zulma Carraud
Puisque je l'ai trouvé, c'est bien à nous.
--Non, ma fille; ce qu'on trouve ne nous appartient pas; il y a toujours quelqu'un qui l'a perdu.
--Mais, maman, si personne ne l'a perdu?
--Ce n'est pas possible, mon enfant: les bijoux ne poussent pas comme l'herbe dans les champs.
--Et si personne ne le redemande?
--?a ne doit pas nous empêcher de chercher à qui ce bracelet peut appartenir; nous nous en informerons dans tout le pays.
--Et s'il n'est à personne?
--Eh bien, nous le garderons soigneusement, et l'on finira par venir le réclamer.?
Jeanne ne paraissant pas très-contente, sa mère lui dit: ?écoute-moi, ma Jeanne: si tu avais perdu ton bissac en chemin, ne serais-tu pas contente qu'on te le rend?t?
--Oui, maman, car il m'est bien utile pour mettre le pain qu'on me donne.
--Eh bien! la dame qui a perdu ce joyau en est en peine; elle le regrette comme tu regretterais ton bissac. Dès que nous saurons où elle demeure, nous le lui reporterons.?
Quand elles furent rentrées chez la mère Nannette, elles lui montrèrent ce qu'elles avaient trouvé et lui demandèrent si elle savait qui pouvait avoir perdu un si beau bijou.
?Ce ne peut être que Mme Dumont; il n'y a qu'elle dans le pays qui porte des choses pareilles. Elle demeure dans le voisinage, derrière les beaux arbres que l'on voit d'ici. Il faut aller le lui reporter tout de suite, si vous n'êtes point trop lasses; suis s?re qu'elle en est fort inquiète.
--Je suis trop fatiguée pour marcher encore; mais demain matin j'irai chez cette dame avec Jeanne, et je lui rendrai ce qui est à elle. Comme on nous a beaucoup donné aujourd'hui et que je suis très-lasse, je me reposerai demain toute la journée, pour avoir la force d'aller samedi dans notre village, prier ma?tre Guillaume de m'apporter mon lit.?
Catherine et sa fille rapportent le bracelet.
Le lendemain matin, Catherine peigna les grands cheveux noirs de sa petite fille avec encore plus de soin qu'à l'ordinaire; elle lui lava le visage et les mains, l'habilla le plus proprement qu'elle le put, et elles partirent pour aller chez Mme Dumont.
Elles arrivèrent devant une grille qui servait de porte à un beau jardin; mais, comme il n'y avait personne, Catherine suivit le mur et vit une grande porte qui donnait dans la cour et qui était ouverte. Une servante, qui l'aper?ut, lui apporta un morceau de pain et deux sous.
?Merci, mademoiselle, dit Catherine; mais je voudrais parler à votre dame.
--Ma pauvre femme, on ne peut guère la voir à cette heure-ci.
--Eh bien! voulez-vous lui demander si c'est elle qui a perdu ce que j'ai trouvé hier sur la grande route??
Et elle montra le bijou, qu'elle avait enveloppé d'un chiffon bien blanc.
?Justement! c'est le bracelet que madame a perdu hier en se promenant avec les enfants! Elle va être bien contente de le retrouver; car nous l'avons cherché jusqu'à la nuit. Je vais le lui porter: en attendant, ma brave femme, asseyez-vous sur le banc. Petite, viens avec moi, tu rendras toi-même le bracelet à madame.?
La petite Jeanne regarda sa mère, qui lui dit:
?Va, ma fille, et sois bien honnête.?
Madame Dumont.
La servante prit Jeanne par la main et la fit entrer dans la maison. Elles montèrent un grand escalier et traversèrent une chambre pleine de beaux meubles. Jeanne ouvrait de grands yeux, car elle n'avait jamais rien vu de semblable. Elles entrèrent dans une autre chambre où il y avait deux lits tout blancs. Mme Dumont était occupée à peigner les cheveux blonds d'une petite demoiselle qui était de l'age de Jeanne, et qui se mit à dire:
?Ah! maman, la jolie petite fille; voyez donc!?
Mme Dumont leva les yeux, et sa servante lui dit:
?Cette enfant a trouvé le bracelet de madame et vient le lui rapporter. Allons, petite, avance donc; madame est bien bonne; n'aie pas peur!?
Jeanne se laissa mener par la servante en tenant la tête baissée et sans oser seulement lever les yeux.
La dame lui dit:
?Tu ne sais pas tout le plaisir que tu me fais, mon enfant, en me rapportant ce bracelet. Qui es-tu donc??
Comme Jeanne ne disait rien, la servante répondit pour elle:
?Madame, sa mère est en bas à la porte; c'est une pauvre femme qui demande son pain.
--Je descendrai la voir aussit?t que j'aurai relevé les cheveux d'Isaure.
--Madeleine, s'écria la petite demoiselle blonde, j'espère que tu ne diras plus que le vendredi est un jour de malheur: tu vois bien que l'on peut être heureux ce jour-là tout comme un autre.
--Et je ne veux pas qu'il n'y ait de bonheur que pour moi aujourd'hui, ajouta Mme Dumont; cette pauvre femme sera bien récompensée.?
Mme Dumont descendit alors, suivie d'Isaure et de la servante, qui tenait toujours Jeanne par la main. Quand elle fut arrivée au bas de l'escalier, elle appela Catherine, et, la voyant si pale, elle la fit asseoir.
?Où avez-vous
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