ne veut pas que nous
souffrions la faim, et, quand nous n'avons point de pain, elle nous en
prête.
--Vas-tu t'amuser quelquefois sur la place de l'église avec les petites du
bourg?
--Oh! mademoiselle, elles ne voudraient pas de moi!
--Tiens! pourquoi?
--C'est que je cherche ma vie.
--Sais-tu que c'est bien mal cela!»
La mère Nannette rentra, et Mme Dumont la loua beaucoup de sa
charité envers la pauvre veuve et son enfant.
Isaure veut donner une de ses robes à la petite Jeanne.
«Mon Dieu, maman, dit Isaure en retournant au château, j'ai tant de
robes qui ne me servent plus! ne pourrais-tu pas en donner une à la
petite Jeanne? J'avais le coeur gros en la voyant au lit faute de
vêtements.
--Ma fille, tes robes seraient d'un mauvais usage pour cette enfant; elles
resteraient accrochées aux épines des buissons auprès desquels il faut
qu'elle passe, et la boue des mauvais chemins où elle est obligée de
marcher emporterait le morceau quand elle voudrait les décrotter.
--Comment faire alors, chère maman, pour lui donner une robe?
--N'as-tu donc plus rien dans ta bourse, mon enfant?
--Oh si! oh si! dit vivement la petite fille; je vais lui en acheter une; de
quelle étoffe, maman?
--Il faut prendre le jupon en droguet bleu; c'est fort solide, et le corsage
en bonne cotonnade doublée.
--Moi, dit Sophie, la soeur d'Isaure, qui avait quatorze ans, je donnerai
une jupe de dessous en flanelle rayée blanc et noir, et un corset de
nankin.
--Et moi, que donnerai-je donc? dit Auguste.
--Mon frère, tu as une cravate noire qui est tranchée au milieu, dont les
bouts sont tout neufs; ma bonne en fera un bonnet à Jeanne, et tu
achèteras de la dentelle noire pour le garnir.
--Il ne me reste plus à donner que la chemise, le fichu et le tablier,» dit
en souriant Mme Dumont.
Quand ils furent arrivés à la maison, les enfants racontèrent à leur père
ce qu'ils voulaient faire pour Jeanne.
«Tout cela est très-bien, dit M. Dumont; mais je vois que personne n'a
pensé aux souliers. Vous habillez complètement cette petite, et vous la
laissez nu-pieds!
--C'est pourtant vrai! dirent les enfants. Papa, il faut que vous donniez
les souliers, pour que rien ne lui manque.»
On s'occupa le jour même d'acheter et de couper les vêtements de la
petite Jeanne, afin de pouvoir les lui donner le vendredi suivant; il n'y
avait plus que quatre jours, il ne fallait pas perdre de temps. Isaure fit
les ourlets, pendant que sa mère, sa soeur et la bonne faisaient les
coutures. Quand tout fut fini, la bonne dit:
«Mesdemoiselles, vous croyez avoir pensé à tout; il me restera pourtant
quelque chose à donner aussi, et, quoique je ne sois pas riche, je veux
prendre part à la bonne action que vous faites. Vous avez oublié le
mouchoir et le serre-tête! j'en donnerai des miens.»
Isaure habille la petite Jeanne.
Le vendredi, Isaure s'éveilla plus tôt qu'à l'ordinaire; le coeur lui battait
bien fort en pensant au plaisir qu'elle allait faire à la petite Jeanne.
Longtemps avant le déjeuner, elle était à la grille, que son frère lui avait
ouverte, et à chaque instant elle allait sur le chemin pour voir si Jeanne
arrivait. Enfin, elle parut au bout de l'avenue: Isaure alla au-devant
d'elle et la prit par la main; elle l'amena toujours courant dans le jardin,
puis dans la maison, puis dans sa chambre. Quand elles y furent entrées,
Sophie et la bonne déshabillèrent l'enfant et lui mirent sa chemise
neuve et le reste de ses habits. On la coiffa; mais, quand il fallut lui
mettre ses souliers, on s'aperçut qu'il manquait des bas.
«C'est un petit malheur, dit la bonne; mesdemoiselles, il faudra lui en
tricoter; comme il fait grand chaud, elle s'en passera bien d'ici à ce que
vous lui en ayez fait. D'ailleurs, je crois bien que la pauvre petite n'en
porte pas souvent.
--Oui! oui! dit Isaure, je vais commencer dès demain à lui en faire une
paire; le voulez-vous, dites, maman? ajouta-t-elle en s'adressant à Mme
Dumont, qui venait d'entrer dans la chambre.
--Certainement, mon enfant; si tu emploies bien ton temps, tu les auras
finis dans quinze jours.»
La petite Jeanne remercia ces dames de tout son coeur. Isaure la ramena
sous le berceau pour la faire voir à son père et à Auguste; on la fit
déjeuner, et, après avoir mis la pièce de cinquante centimes dans la
poche de son tablier neuf, on fit un paquet de ses vieux habits. Elle le
prit et s'en alla.
Jeanne ne resta pas longtemps en chemin, tant elle était pressée de faire
voir ses beaux habits. La mère Nannette et Catherine travaillaient à la
porte de la maison.
«Regardez donc, mère Nannette, dit la
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