tu as de bon avec la mère Nannette, qui vient au secours
de votre grande misère; mais en voici un autre petit morceau, que tu vas
manger là, devant moi.»
Quand Jeanne eut fini de manger, on lui fit boire un peu de vin et d'eau,
et on lui donna une pièce de cinquante centimes toute neuve.
La petite Jeanne sauve la cane de la meunière.
Comme Jeanne, en s'en retournant, passait auprès du moulin, elle vit un
jeune chien qui tenait une cane par la tête; il la secouait si fort qu'il
n'aurait pas tardé à lui arracher le cou, si la petite Jeanne, qui était
courageuse, n'eût frappé sur lui de toutes ses forces. Il lâcha la cane qui
resta comme morte, étendue par terre. Elle la ramassa et la mit dans son
tablier pour la porter à la meunière. On fit prendre quelques gorgées de
vin à la pauvre bête, et on la mit dans une corbeille pleine de plumes.
Cette cane avait dix-huit canetons qui étaient restés au bord de l'eau; la
meunière alla les chercher et en donna deux à Jeanne en lui disant:
«Tiens, ma petite, voilà deux canetons que je te donne, parce que tu as
sauvé la vie à ma cane. Si tu les soignes bien, ils deviendront beaux, et
tu pourras les vendre pour avoir un fichu et un tablier. Je vais aller te
chercher deux oeufs pour ton souper.»
La petite Jeanne mit les oeufs et les canetons dans son tablier, et rentra
tout de suite. Elle commença par montrer à sa mère les deux petits
canards, et elle raconta comment la meunière les lui avait donnés. Elle
posa les oeufs sur la table, et tira de sa poche la pièce de cinquante
centimes et le morceau de tarte aux prunes, qu'on avait enveloppé dans
une feuille de papier. Elle répéta aussi tout ce qu'on lui avait dit chez
Mme Dumont.
«Je vais acheter du beurre et du sel pour notre semaine avec ces
cinquante centimes-là, dit Catherine.
--Pas encore, répondit la mère de Nannette; vous travaillez aujourd'hui
pour moi, il est bien juste que je trempe votre soupe en même temps
que la mienne; et j'ai là un fromage mou qui va bien régaler la petite
Jeanne.
--Pourtant, mère Nannette, puisque vous me logez pour rien, je vous
dois mes services.
--Si je ne vous récompensais pas quand vous travaillez pour moi,
Catherine, ce serait comme si je vous faisais payer votre loyer. Je
n'entends pas ça.»
Isaure va voir la petite Jeanne.
Quelques jours après, Isaure dit:
«Maman, si nous allions voir la petite Jeanne et cette bonne mère
Nannette?
--Je le veux bien,» dit Mme Dumont.
Et elle se mit en route avec ses deux filles et son fils. En entrant chez la
mère Nannette, elles trouvèrent la veuve Catherine occupée à battre le
beurre. Mme Dumont lui demanda où était sa petite fille.
«Elle est au lit, madame.
--Est-ce qu'elle est malade? dit vivement Isaure en se tournant du côté
du lit, où l'on voyait la jolie tête de Jeanne sur le traversin.
--Dieu merci, non, ma chère demoiselle; mais j'ai nettoyé ses habits ce
matin, et, comme elle n'a que ceux-là, il faut bien qu'elle reste au lit
pendant qu'ils sèchent.
--Où est donc la mère Nannette?
--Elle garde ses bêtes, mais elle ne tardera pas à rentrer. Madame, si
vous voulez vous asseoir en l'attendant, vous vous reposerez. Nous
n'avons que trois chaises, mais le jeune monsieur se mettra bien sur un
coffre.»
En entrant, Mme Dumont avait vu du premier coup d'oeil que la maison
et les meubles étaient de la plus grande propreté; elle s'assit donc sans
crainte.
Isaure cause avec la petite Jeanne.
Pendant que sa mère parlait, Isaure était montée sur une chaise auprès
du lit de Jeanne, et causait avec elle.
«Tu t'ennuies bien au lit, n'est-ce pas, petite Jeanne?
--Oui, mademoiselle, j'aimerais mieux être levée et garder les oisons de
la mère Nannette; mais il faut bien que maman nettoie mes habits; elle
dit que c'est bien assez d'être pauvre, et qu'il ne faut pas causer de
répugnance aux gens qui nous soulagent.
--Tu vas donc tous les jours chercher ton pain?
--Oh! non, mademoiselle: quand on nous en donne beaucoup, nous
restons à la maison aussi longtemps qu'il y en a; c'est si pénible d'aller
aux portes!
--Te donne-t-on toujours, quand tu demandes?
--Mademoiselle, je ne demande rien; je reste à la porte jusqu'à ce qu'on
me donne. Quelquefois il n'y a personne dans les maisons, pendant la
moisson, ou bien en temps de fenaison. Ces jours-là, je ne trouve pas
grand'chose.
--Et quand on ne te donne rien?
--Nous nous couchons sans souper; ça nous est arrivé plus d'une fois
avant d'être chez la mère Nannette; mais elle
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