la petite demoiselle blonde, j'espère que tu ne diras
plus que le vendredi est un jour de malheur: tu vois bien que l'on peut
être heureux ce jour-là tout comme un autre.
--Et je ne veux pas qu'il n'y ait de bonheur que pour moi aujourd'hui,
ajouta Mme Dumont; cette pauvre femme sera bien récompensée.»
Mme Dumont descendit alors, suivie d'Isaure et de la servante, qui
tenait toujours Jeanne par la main. Quand elle fut arrivée au bas de
l'escalier, elle appela Catherine, et, la voyant si pâle, elle la fit asseoir.
«Où avez-vous donc trouvé mon bracelet?
--Madame, c'est Jeanne, ma petite fille, qui l'a vu reluire au soleil et qui
l'a ramassé au bord du fossé sur la route.
--Je vous remercie de me l'avoir rapporté, et voici quinze francs pour
vous récompenser de votre probité.
--Oh! merci, madame: je n'ai fait que mon devoir en vous rendant ce
qui vous appartient; je ne dois pas en être récompensée.
--Eh bien! comme vous m'avez fait un grand plaisir, je veux vous en
faire un aussi: prenez donc cet argent.
--Que Dieu vous bénisse, madame, pour le bien que vous me faites!
--Mais, dites-moi: il me semble que je ne vous ai jamais vue dans ce
pays-ci? Pourquoi mendiez-vous donc, étant encore dans la force de
l'âge?
--C'est que, madame, j'y suis forcée par ma grande misère.»
Alors elle raconta son malheur et la charité de la mère Nannette.
«Catherine, vous enverrez votre petite fille ici tous les vendredis, et je
lui donnerai une pièce du cinquante centimes.
--Que Dieu vous récompense, madame!»
Et Catherine, ayant pris sa fille par la main, sortit pour retourner chez la
mère Nannette.
En entrant, elle lui présenta les trois pièces de cinq francs qu'on lui
avait données:
«Prenez-les, mère Nannette; ça vous dédommagera un peu; car il n'est
pas juste que vous me logiez pour rien si je puis vous donner quelque
chose.
--Vous savez bien, Catherine, que je ne veux rien accepter pour cela; ce
n'est pas une grande gêne pour moi de vous avoir dans ma maison, qui
peut nous loger toutes les deux; mon feu peut faire bouillir votre pot en
même temps que le mien. Mais donnez-moi votre argent; je vous le
garderai pour acheter ce qui vous sera nécessaire.»
Catherine va dans son village.
Après s'être reposée tout le reste de la journée, Catherine se coucha de
bonne heure. Le lendemain elle éveilla Jeanne de bon matin; elle
l'habilla et lui lava les mains et le visage; puis, après lui avoir fait faire
sa prière, elle lui dit:
«Ma fille, il faut que j'aille à notre village pour prier maître Guillaume
de m'amener ici notre pauvre mobilier. Je ne peux pas t'emmener, tu es
trop petite pour faire tant de chemin; tu ne marcherais pas pendant trois
lieues de suite. Si la mère Nannette, qui est une brave femme, veut bien
te garder avec elle pendant ce temps-là, j'irai trouver maître Guillaume,
et tu m'attendras ici; je coucherai dans sa grange, et demain de bonne
heure je serai de retour.»
La petite Jeanne pleura un peu; mais, quand elle eut considéré la bonne
figure de la mère Nannette, elle dit qu'elle voulait bien rester; Catherine
partit, et Jeanne, s'approchant tout doucement de la mère Nannette, lui
dit:
«Voulez-vous m'emmener aux champs avec vous? je garderai bien les
oisons.
--Oui, ma Jeanne, je ne demande pas mieux.»
Après l'avoir fait déjeuner avec elle, la mère Nannette amena les oisons
sous le noyer, et Jeanne les garda pendant que la vieille femme
détachait sa vache et sa chèvre. Cette petite s'entendait si bien à
conduire les oies et à les empêcher de faire du dommage, que la mère
Nannette en était tout étonnée.
Vers les dix heures, comme il commençait à faire chaud, elles firent
rentrer les bêtes, qui ne voulaient plus manger dehors, parce qu'elles
étaient tourmentées par les mouches. Jeanne voulut ensuite aller à
l'herbe; elle en ramassa un bon petit paquet qu'elle lia dans son tablier,
et elle le posa sur sa tête en le maintenant avec ses deux petites mains,
pour le rapporter à la maison. La mère Nannette lui donna des prunes
pour son goûter; et, quand la chaleur fut tombée, elles firent sortir
encore les bestiaux, et ne les ramenèrent qu'à la brune, en passant par
l'abreuvoir. On leur donna pour la nuit une grande partie de l'herbe qui
avait été ramassée. La mère Nannette fit une bonne soupe aux pommes
de terre, et Jeanne, qui n'était pas habituée à en avoir de pareille, en
mangea une grande assiettée; puis elle se coucha. L'enfant était bien un
peu lasse, mais très-contente d'avoir aidé la mère Nannette.
La mère Nannette mène Jeanne à la messe.
Le lendemain, en s'éveillant, la petite Jeanne appela sa mère; puis,
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