a guère vu jusqu'ici: de la sincérité, de la générosité, et, si j'ose dire, de la bonhomie.
Voilà, je le sais, un plan de conduite plus facile à tracer qu'à suivre. Notre mal, c'est que nous sommes trop nombreux. L'union nous devient par là extrêmement difficile. Elle est plus facile aux minorités. Les catholiques sont forts en Angleterre, en Allemagne, aux Etats-Unis.--La minorité politique qui nous gouverne est puissante parce qu'elle est elle-même composée, du moins dans son état-major, de trois minorités très unies: juifs, protestants,--et francs-ma?ons, chez qui protestants et juifs se rencontrent et se fondent.
Ne récriminons pas. Tachons de comprendre. Tout se paye. La justice ?immanente?, celle qui réside, pourvu qu'on y regarde un assez long temps, dans le développement naturel des faits historiques, n'est point un vain mot. Je ne pense pas que deux des minorités que je viens de nommer aient, jadis, mieux connu la tolérance et la charité intellectuelle que la majorité catholique. Mais il est certain qu'elles ont eu à se plaindre de celle-ci, et qu'à ces deux minorités la malveillance de nos a?eux a imposé la nécessité et donné l'habitude du resserrement, de l'entente, de la résistance et de l'action en commun. Et c'est pourquoi, du jour où elles ont cessé d'être persécutées, elles ont envahi l'Etat, en vertu de cette énergie patiente, de cet esprit de solidarité et de discipline qu'elles devaient à la persécution elle-même. On peut dire que, avec plus ou moins de préméditation, peut-être même à leur insu, elles se vengent, aujourd'hui encore, de la rouelle jaune et de la révocation de l'Edit de Nantes. La proscription les avait ramassées sur elles-mêmes; l'involontaire souvenir de la proscription les maintient et les arme contre nous. Ainsi, la France est déchirée, dans son présent, par son passé; et nous expions les fautes de nos pères.
Donc, en luttant contre nos oppresseurs, essayons de ne pas ha?r leurs personnes; ha?ssons seulement leur tyrannie, tout prêts à les aimer quand nous n'en patirons plus. Et prenons confiance: car, puisque nous voilà opprimés à notre tour, nous, la majorité, peut-être la nécessité de la défense nous apportera-t-elle, encore que nous soyons trop nombreux et embarrassés de notre nombre, les vertus propres aux minorités.
* * * * *
Je vous propose de nous unir, pour commencer, sur trois idées très simples, très élémentaires, que je vais vous dire:
1. L'amour de la patrie et le respect de l'armée (cette armée si s?re, si ma?tresse d'elle même, si prodigieusement patiente). C'est une des bizarreries et un des désordres de ce temps, qu'il soit besoin de recommander et de défendre ces deux sentiments si naturels et si nécessaires.
Il ne suffit plus d'aimer la patrie instinctivement: il faut l'aimer avec une tendresse réfléchie, avec application, avec vigilance: trop de demi-étrangers et de cosmopolites pèsent sur nos affaires intérieures; trop de gens, même de chez nous, ivres de vaniteuses idéologies, parlent de la patrie avec détachement; et cela, à un moment où le patriotisme des autres nations est plus exalté, plus jaloux et plus conquérant que jamais.--Non que nous méconnaissions la beauté du rêve très fran?ais de fraternité universelle. Si nous renaissons dans quelques siècles, nous nous ferons sans doute un plaisir d'aimer également tous les peuples. Mais nous n'avons pas choisi, dans le développement de l'histoire européenne, le moment où nous sommes nés; et il y a des devoirs convenables à chaque étape de ce développement. Ce devoir, c'est aujourd'hui d'aimer la France, simplement autant que les Allemands aiment l'Allemagne et les Anglais l'Angleterre. Je ne demande rien de plus.
Corollairement, il faut aimer l'armée, qui n'est que la nation ramassée et debout pour assurer sa propre durée. Même les philosophes qui sont dès à présent les amis de nos ennemis, de l'Europe entière et de tout le genre humain, ne sauraient nourrir de mauvais sentiments à l'endroit de l'armée nationale: car, je le répète, leurs idées les plus généreuses sont des idées fran?aises, et la France ne peut les répandre, les soutenir, les faire triompher au dehors que si elle est forte chez soi. En réalité, depuis trente ans que la France est diminuée, il y a eu plus d'injustice dans l'Europe et dans le monde. Tous les faibles et tous les opprimés ont été atteints par notre désastre. Quelle pitié de n'avoir rien pu pour l'Arménie! Et maintenant, accablés que nous sommes encore par cette honte de Fachoda qu'on pouvait nous épargner, quelle pitié de ne rien pouvoir pour ces héro?ques Bo?rs qui nous donnent une si belle le?on de choses! Et quelle tristesse ce serait, à l'ouverture de la succession d'Autriche, de ne pas être assez forts pour empêcher telle iniquité que l'on prévoit, et qui nous rabattrait décidément au rang de puissance négligeable, de nation finie!
Amis de l'armée, nous ne prétendons point qu'elle soit parfaite comme elle est. Elle-même
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