du clergé lui-même et de certains de ses amis. Faute déjà ancienne dont les effets se prolongent. Elle consiste à avoir, pendant les années qui ont suivi la guerre et même jusqu'au moment où le pape est intervenu dans la question, confondu la cause de l'Eglise avec celle de la Monarchie; et cela, non seulement contre toute prudence et toute habileté, mais contre la doctrine et l'esprit même de l'Eglise et encore plus de l'Evangile.
Sans doute le clergé devait déplorer l'impiété de quelques-uns des fondateurs du régime républicain: mais il n'a pas vu qu'en se retirant de la République et en paraissant la menacer, il la faisait plus impie et plus aisément persécutrice.
C'est cette alliance, aujourd'hui rompue, des prêtres avec les monarchistes qui a permis aux radicaux d'accaparer la République et, sous couleur de la défendre, d'en faire leur chose et leur butin; de la fa?onner et de la rétrécir à leur image, qui n'est point belle; et de créer à leur usage et, au besoin, contre les autres républicains, une orthodoxie étroite, jalouse, aussi intolérante et persécutrice que l'orthodoxie de l'Inquisition. C'est cette alliance surtout qui a permis au parti ma?onnique d'adopter et de garder pour devise, même après que les circonstances ne le justifiaient plus, le cri de Gambetta: ?Le cléricalisme, c'est l'ennemi,? et, sinon d'inventer, du moins de grossir le péril clérical; puis, après qu'il eut disparu, de faire croire qu'il subsistait toujours et, ainsi, d'entra?ner à leur suite des millions de Fran?ais exempts de tout fanatisme irréligieux, mais un peu défiants à l'endroit des prêtres et attachés à la République comme au ?gouvernement de fait?; d'imposer enfin à ce pays, détaché en quelque mesure des dogmes de l'Eglise, mais non point de sa morale ni même de ses rites, une politique anticléricale et qui n'est que cela; une politique dont l'anticléricalisme est toute la philosophie, une politique dont l'anticléricalisme est la vache à lait, une politique qui, l'anticléricalisme ?té, serait un pur néant.
Ajoutez que les combattants de ce parti, échauffés par de fortes haines et par des appétits véhéments, et, avec cela, traditionnellement organisés, dociles à leurs conducteurs parce qu'ils savent leur docilité efficace contre l'ennemi, ont tout ce qu'il faut pour agir sur une masse indolente et sans cohésion et pour faire servir par elle, en exploitant et entretenant un de ses préjugés, des idées qu'elle n'a pas naturellement. Dans chaque petite ville, trente hommes qui ont de bonnes haines en commun, qui croient ardemment à leurs négations, et qui se tiennent étroitement, sont politiquement plus puissants que mille braves citoyens dispersés, hésitants, qui n'ont que des opinions flottantes et qui ne savent pas se concerter.
En résumé, une minorité nous mène et nous tyrannise, agit à notre place et contre nous: 1° grace à l'apathie et à l'émiettement de la majorité; 2° grace à l'énorme malentendu produit par l'invention du cléricalisme et par l'artificiel grossissement de ce vieux spectre, dans un pays où le clergé est pourtant si calme et la foi confessionnelle si atténuée et si peu mena?ante.
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Mais l'absurdité d'une telle situation commence à être plus vivement sentie. Vraiment, ils en ont trop fait. Les derniers événements ont dessillé les yeux et gonflé le coeur de colère à beaucoup de citoyens aveugles jusque-là, ou indifférents.
Nous avons vu des choses par trop singulières: le Président de la République devenu l'allié, sans doute malgré lui, et le prisonnier d'une faction qui n'a vu, dans un procès militaire trop fameux, que l'occasion d'une ?campagne? atroce contre l'armée; le chef de l'Etat comme isolé dans le pays, n'osant se montrer dans les rues, sans aucun lien de coeur avec le peuple, qui l'ignore ou le dédaigne, et principalement soutenu par les forces antisociales, au point que son nom sert de cri de ralliement aux anarchistes pilleurs d'églises; une ligue innocente, et dont l'amour de la patrie et de l'armée était tout le programme, brutalement poursuivie; le commandant Marchand traité comme un dangereux malfaiteur; un ministère immoral et scandaleux par sa composition même, uniquement formé pour peser sur la décision d'un conseil de guerre; le mensonge cynique de la ?Défense Républicaine?; l'abominable procès de la Haute-Cour, qui dénie implicitement aux citoyens jusqu'au droit de rêver d'une autre république et de répandre, dans leurs lettres privées, ou à table avec leurs amis, leurs mécontentements et leurs doléances; Déroulède de nouveau poursuivi (ce qui est une pure infamie) à raison de faits sur lesquels il avait été acquitté par le jury, c'est-à-dire par le peuple; la forfaiture d'avant-hier, la loi foulée aux pieds par des magistrats de circonstance, juges dans leur propre cause; un accès de rage persécutrice qui nous ramène à vingt ans en arrière; la liberté d'association supprimée, la liberté d'enseignement menacée; l'armée, rempart de la patrie, devenue, par une aberration inconcevable, l'objet de la
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