ravissement
Dans la reflexion de cét esvenement;
Reçoy donc cét advis, & que ton
ame instruite
Donne une loy certaine à ta sage conduite.
MARC ANTHOINE.
Il est trop important pour estre à negliger,
Allons, le temps est court,
il le faut mesnager.
SCENE III.
BRUTE, ses Soldats.
BRUTE.
En fin, braves Romains, voicy l'heure oportune
Qu'on doit voir la
Vertu surmonter la Fortune,
Et qu'il faut tesmoigner & de coeur & de
mains,
Qu'on nous donne à bon droict le tiltre de Romains;
Voicy le
jour heureux que l'on doit voir bannie
Par la mort du Tyran l'infame
tyrannie,
Et qu'un chacun de nous doit porter dans le sein
L'espoir
de triompher en un si beau dessein:
Car si le seul effort de maintenir
sa gloire
Fait mesme dans la mort rencontrer la victoire,
Nous
devons aujourd'huy l'esperer beaucoup mieux,
Puis que nous
combatons pour Rome & pour ses Dieux.
Quoy Rome endurera qu'un
homme la maistrise?
Elle à qui l'Univers a rendu sa franchise,
Et
nous ces Citoyens qu'elle fit naistre Rois,
Suivrons un Empereur & de
nouvelles lois?
Mourons, mourons plûtost que d'encourir ce blasme,
La mort n'a rien de dur que ce qu'elle a d'infame.
Un corps extenué,
dont la pasle couleur
Represente à nos yeux l'image du malheur;
Les habits & les pleurs d'un amy pitoyable,
A de timides coeurs la
rendent effroyable:
Mais comme avec raison on blasmeroit la peur
Qu'un homme concevroit pour un masque trompeur;
C'est exposer
son ame à des justes censures,
De craindre de mourir pour des larmes
futures.
La mort est naturelle, & je ne pense pas
Qu'on ne souffre en
naissant comme on souffre au trespas; Encore nostre mort doit estre
moins à craindre,
Qui nous laisse un renom qui ne se peut esteindre.
Celuy-la vit toujours parmy les gens d'honneur,
Qui meurt en
combatant pour le commun bon-heur;
Imitons en cela nos valeureux
ancestres,
Que Rome a veu mourir pour n'avoir point de Maistres:
Et celuy qui domptant la Nature & les Rois,
Immola ses enfans à
l'honneur de nos lois.
C'est un trop haut dessein pour la puissance
humaine,
De soustenir le vol de nostre Aigle Romaine;
Rome
donne des loix, & n'en peut recevoir,
De peur que la vertu n'y perde
son pouvoir:
Car un peuple abattu sous un honteux servage
Relasche tous les jours de l'ardeur du courage:
Et comme le lyon qui
se laisse enchaisner,
Il perd dedans les fers le soin de dominer.
Je
tire aussi de là l'esperance certaine
De nous voir aujourd'huy Maistres
de cette plaine,
Puis que tous les Romains qui voudroient l'empescher
Sont esclaves, chetifs, & prests à se cacher:
Outre que les exploits
presque au delà de l'homme
Se sont faits seulement en combatant
pour Rome;
Car les Dieux qui l'ont mise en leur protection
Assistoient les autheurs dans leur affection.
Mais depuis que l'orgueil
a bouffi le courage
De ceux qui pouvant tout, ont voulu davantage,
Et fait qu'encontre Rome ils se sont rebellez,
On n'en a jamais veu des
actes signalez,
Sinon quand de nos Dieux la sagesse supresme
Arma leurs propres mains pour se defaire eux-mesmes;
Et que dans
ce combat si triste & si mortel
L'un d'eux fut la victime, & Pharsale
l'autel:
Car lors pour espargner les coups de nostre espée
Le Ciel fit
que Cæsar nous sauva de Pompée,
Sçachant que son orgueil apres un
tel effort
Le precipiteroit dans les mains de la mort,
Et que contre
ceux-cy nos forces reposées
Pourroient trouver apres des routes plus
aisées.
Mais je raisonne en vain, que sert-il de parler?
Vous courez
au combat, vous y voulez voler;
Et malgré les efforts des troupes
infidelles,
Esteindre dans leur sang le feu de nos querelles,
Sçachant
qu'un brave coeur ne peut jamais perir
Dedans le beau dessein de
vaincre ou de mourir.
Et bien, allons amis, certains que nostre gloire
Remplira l'Univers apres cette victoire,
Si tous d'un mesme accord
nous y voulons courir
Avec ce beau dessein de vaincre ou de mourir,
Le Demon qui regist le sort de nostre Empire,
Ne souffrira jamais
que nous ayons du pire,
Et de tout son pouvoir nous viendra secourir,
Si nous avons dessein de vaincre ou de mourir;
Les voeux que le
Senat pousse en cette occurance
Verront recompenser leur sainte
violance,
Et tant de pleurs qu'il verse en fin pourront tarir,
Si nous
avons dessein de vaincre ou de mourir,
Que si trop longuement je
parle en cette sorte,
C'est l'amour du païs qui me presse & m'emporte,
Resistons luy pourtant, & sans plus discourir,
Qu'il agisse au
dessein de vaincre ou de mourir.
I. CHEF.
Quand le ressentiment des libertez ravies
Ne nous forceroit pas à
prodiguer nos vies,
Ton discours sur mon coeur a fait un tel effort,
Qu'il me tarde déja d'estre vainqueur ou mort.
II. CHEF.
De moy quelques succez que le Ciel nous prepare,
La constance
toujours me servira de phare,
Et malgré les escueils je trouveray le
port
Dans cét ardent desir d'estre vainqueur ou mort.
III. CHEF.
Vos desirs sont les miens apres ce qu'a dit Brute,
Il n'est rien que je
n'ose & que je n'execute;
L'honneur, la liberté, Rome, l'Estat mal sein,
Tout nous porte aujourd'huy dans un si beau dessein.
BRUTE.
Je voy ces lasches coeurs qui rougissent de honte,
D'avoir de leur
honneur tenu si peu de compte;
Mais il est déja temps que chacun à
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