La mort de Brute et de Porcie | Page 9

Guyon Guérin de Bouscal

son rang
Aille faire rougir ses armes de leur sang.
SCENE IV.
PORCIE, sa Compagne.
PORCIE.
Demons qui conduisez l'ordre des Destinées,
Si Rome doit flechir
sous le joug des Tyrans,
Commandez à la mort de trancher mes
années,
Ou me donnez le coeur d'imiter mes parens.
Rome qui
commandois ce que le monde ensere,
Voudrois-tu subsister apres cét
accident?
Abysme toy plûtost au centre de la terre,
Cét effort
genereux te sauve en te perdant.
Demoly les Autels de ces Dieux de
fumée,
Que leurs Temples brisez tesmoignent aux Neveux
Qu'apres
avoir en vain leur force reclamée,
Tu sceus venger au moins la perte
de tes voeux.
Tyrans presomptueux dont l'audace effrontée

S'efforce d'usurper un bien si precieux,
Vous courez obstinez au feu
de Promethée,
Qui doit faire rougir vos coeurs ambitieux.
Et moy
dois-je douter qu'apres un coup si rude
Rien me puisse empescher de
courir à la mort,
Si mon pere fuyant la mesme servitude
Malgré
tous ses Soldats fut maistre de son sort.
SCENE V.
LA COMPAGNE, PORCIE.

LA COMPAGNE.
Madame, en cét instant tous les Soldats en armes
Commencent le
combat qui doit finir vos larmes;
On n'entend rien que cris & que
gemissemens,
Vous diriez que le Ciel confond les Elemens:
Les
traits volant en l'air par un confus rencontre
Empeschent le Soleil de
voir ce qu'il nous monstre:
Déja venus aux mains, les nostres plus
hardis
Tesmoignent d'estre encor ce qu'ils furent jadis,
S'il vous
plaist de les voir, vous le pourrez sans peine, Du haut de ce rocher qui
commande à la plaine,
J'en viens tout maintenant pour vous en
advertir,
Croyant que cét objet vous pourroit divertir.
PORCIE.
Observez sans danger l'ordre des deux armées,
Par la haine &
l'honneur au combat animées,
C'est un plaisir fort doux dans un coeur
arresté,
Qui voit sans interest l'un & l'autre costé:
Mais represente
toy la course vagabonde
D'un vaisseau que deux vents balottent
dessus l'onde,
Et tu verras l'estat d'un courage offensé,
Qui dans l'un
des partis se trouve interessé;
Suivant que l'ennemy s'avance ou qu'il
recule,
Tantost la peur le glace, ore l'espoir le brusle,
Il attaque, il
defend, & pour ferme qu'il soit,
Il est aussi flotant que le combat qu'il
voit.
LA COMPAGNE.
Un esprit du commun pourroit souffrir à l'heure;
Mais le vostre,
Madame, a la trempe meilleure,
Outre que s'il faut croire aux
promesses des Dieux,
Vous verrez aujourd'huy Brute victorieux.
PORCIE.
Les Dieux me sont suspects depuis que leur cholere
En faveur d'un
Tyran arma contre mon pere;
Allons y toutefois, & par nos actions

Tesmoignons qu'un grand coeur dompte ses passions.

ACTE TROISIEME.
SCENE PREMIERE.
CASSIE, TITINE, PINDARE, DEMETRIE.
CASSIE.
C'en est fait, chere Rome, il faut rendre les armes,
Et tascher
d'espargner ton sang avec tes larmes;
Il faut s'humilier aux pieds d'un
Empereur,
A ce nom seulement je frissonne d'horreur:
Mais quoy le
sort le fait, ce grand Maistre des choses
Veut voir ton changement
dans ses metamorphoses.
Flechy donc, grande Reyne, & ne t'offenses
pas
D'un conseil que je donne, & que je ne prens pas,
Mon dessein
y resiste, & je veux mourir libre,
Puis qu'il plaist au Destin que je
cesse de vivre;
Mais apres un eschet si grand & si fatal
N'idolastre
jamais les autheurs de ton mal,
Tesmoigne leur plûtost qu'il n'est rien
de si rude
Que le joug insolent qui fait ta servitude;
Et peut-estre
qu'un jour Brute ressuscité
Te rendra le bon-heur avec la liberté:
Et
vous, mes chers amis premiers dans mon estime,
Monstrez en cét
endroit que l'honneur vous anime,
Et que l'injuste effort d'un insolent
vainqueur
Ne vous a pas osté la force ny le coeur:
Mais sur tout que
la foy que vous m'avez jurée
Au dela du bon-heur peut porter sa
durée,
Je ne desire pas que vous trempiez vos mains
Dans le
barbare sang de nos Tyrans Romains:
Je ne demande pas que vous
alliez en Thrace
Pour refaire une armée, & choquer leur audace;
Ce
seroit vainement heurter contre le sort,
Mais je veux seulement qu'on
me donne la mort,
C'est par cette action que je dois reconnoistre

Qui de vous ayme mieux le salut de son Maistre:
Comment à ce
discours vous changez de couleur,
TITINE.
C'est trop precipiter un extreme malheur,
Que sçait-on si le Ciel à
Brute favorable,
Vous reserve à tous deux un sort plus honorable.

CASSIE.
Mais d'ailleurs que sçait-on si mort comme vaincu
Il ne me blasme
point de l'avoir survescu?
TITINE.
Ces soupçons esclaircis j'offre vous satisfaire,
Cependant laissez moy
le soin de cét affaire,
Je m'en vay dans son camp, & si je ne meurs
pas
Vous apprendrez bien-tost sa vie ou son trespas.
CASSIE.
Tu hazardes beaucoup.
TITINE.
Nul danger n'espouvante
Ceux qui sont pour Cassie & pour Rome
mourante.
PINDARE.
J'approuve ce conseil.
DEMETRIE.
Et je l'estime aussi.
CASSIE.
Va donc, mais souvien toy que je t'atens icy.
TITINE.
La mort seule pourra me fermer le passage.
CASSIE.
J'estime fort Titine, il est vaillant & sage,
Mais cependant gagnons le

haut de ce rocher,
Pour mieux voir si quelqu'un nous voudroit
approcher.
SCENE II.
BRUTE, & deux autres.
BRUTE.
Les Tyrans sont vaincus, & nostre chere terre
Va trouver son repos
dans la fin de la guerre;
Un injuste dessein ne se peut maintenir,
Les
Dieux sont bien clemens, mais ils sçavent
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