L A
VENGEANCE
DE LA MORT
DE CÆSAR.
ACTE PREMIER.
SCENE PREMIERE.
BRUTE, STRATON, & deux Chefs de l'armée de Brute.
BRUTE.
Qu'un Estat est mal sain dans le siecle où nous sommes,
Lors qu'il n'a
pour soustien que le grand nombre d'hommes, Dont les desirs divers
par de divers efforts
Au lieu de l'affermir desunissent son corps.
Que je l'esprouve bien dedans cét avanture.
L'un desire la paix
escoutant la Nature,
Qui luy dit que ses fils condamnez à mourir
Avec ce seul moyen se peuvent secourir.
L'autre moins resolu de
survivre en esclave,
Declame contre Anthoine, & favorise Octave,
Comme si nos fureurs avoient pour leur objet
Le vice des Tyrans &
non pas leur projet.
Bref il en est bien peu que le seul honneur pique,
Qui ne soient animez que pour la Republique,
Et qui puissent
gouster avec tranquilité,
Que nous devons mourir pour nostre liberté.
Je m'asseure pourtant que nos Dieux tutelaires
Ayment trop l'equité
pour nous estre contraires,
Et pour ne pas punir l'insolent attentat
Que ces ambitieux ont fait sur nostre Estat.
Il faut tout esperer d'une
juste entreprise,
Si l'honneur la produit, le Ciel la favorise;
Et l'on
doit s'asseurer d'estre victorieux,
Quand le droict qu'on soustient est
la cause des Dieux.
Les Dieux seuls sont nos Rois, jugeans qu'il n'est
point d'homme, Qui puisse meriter leur Lieutenance à Rome,
Depuis
que le Soleil n'esclaire rien d'humain
Qui ne doive tribut à l'Empire
Romain
J'adore leurs Decrets, & mon ame flechie,
Se sous-met
seulement à cette Monarchie;
Tout autre me desplait, & mon
adversion
Vient d'un raisonnement exempt de passion;
Car un
peuple sousmis aux volontez d'un Prince
Se descharge sur luy des
soins de la Province,
Neglige sa valeur, cache ses actions,
Content
de s'acquiter des obligations;
Parce que les exploits plus dignes de
memoire,
Honorant le seul Chef, laissent l'Autheur sans gloire;
Qui
voit apres avoir vaillament combatu,
Qu'un autre s'enrichit des fruicts
de sa vertu.
Au lieu que sous les loix de la Democratie,
Chacun
cherche l'honneur aux despens de sa vie,
Asseuré que toujours la
generosité
S'y voit recompenser comme elle a merité.
Puis qu'à ce
doux Estat notre bon-heur nous range,
Il faut mourir plustost que de
souffrir le change.
Ha! si tous les Romains combattoient comme vous,
Que nostre Republique auroit un sort bien doux,
Et qu'on verroit
bien tost les desseins & l'armée
De nos pretendus Rois se reduire en
fumée.
Aussi la recompense égalant le bien-fait,
Rendra dans peu
de temps vostre bon-heur parfait.
I. CHEF.
L'honneur de vous servir contre la tyrannie,
Couronne les Romains
d'une gloire infinie,
Dont le moindre rayon nous récompense assez,
Des soins de l'advenir, & des travaux passez,
BRUTE.
Allez donc dans le Camp, dites aux Capitaines,
Qu'on doit bien tost
finir mes soucis & leur peines,
Et que la liberté reprendra sa vigueur,
S'ils monstrent au combat qu'ils en ont dans le coeur.
SCENE II.
CASSIE, BRUTE, TITINE.
CASSIE.
Resolu qu'aujourd'huy la bataille se donne?
BRUTE.
Je croy que ce dessein ne déplaist à personne,
Et que les maux
soufferts par le peuple Romain,
Nous preschent qu'il vaut mieux
aujourd'huy que demain.
CASSIE.
Il me semble pourtant que tout nous peut permettre.
Sinon de l'eviter,
au moins de la remettre,
Puis que tous nos amis n'ont point de
sentimens
Pour s'opposer jamais à nos commandemens;
Et que les
Citoyens touchez de mesme envie
Déposent en nos mains le soucy de
leur vie.
BRUTE.
Un peuple va toujours, quelque aguerry qu'il soit,
A finir
promptement les ennuis qu'il reçoit,
Aymant mieux pour treuver le
repos desirable,
S'exposer aux dangers d'une fin lamentable,
Que de
souffrir longs-temps au milieu des travaux,
La funeste rigueur d'une
suite de maux,
Juge si nos Romains exilez de leur terre,
Et déja
fatiguez d'une si longue guerre,
Sçachant que le combat la doit faire
cesser,
N'ont pas d'ardens desirs de le voir commancer.
Que si
pourtant leur voix tesmoigne le contraire,
Elle dément leur coeur de
peur de te déplaire.
CASSIE.
Il n'est rien de forcé dedans tous leurs discours.
BRUTE.
Le mal a trop duré, rompons icy son cours.
Cherchons nous le profit,
ou bien la vaine gloire
De triompher des morts apres une victoire?
Celle de ravager l'Empire des Romains,
Et de pouvoir agir avec cent
mille mains?
Non, un plus beau dessein nous fit prendre l'espée,
Nous voulons affranchir nostre terre occupée,
Restablir nos amis dans
leur premier bon-heur,
Et monter au degré d'un souverain honneur,
Puis que l'occasion s'en offre si propice,
Faisons voir aujourd'huy
quelle est nostre Justice,
Et que ses fiers tyrans percez de mille coups,
Asseurent pour jamais nos libertez & nous.
CASSIE.
Dans un
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