La mort de Brute et de Porcie | Page 3

Guyon Guérin de Bouscal
à sa puissance,
Malgré l'empeschement
des peuples & des Rois,
Tous les hommes seroient François,
Les
bords de l'Univers seroient ceux de la France.
Comme Alcide dans le berceau,
Forçant la foiblesse de l'âge

Estoufa la sanglante rage
Des serpents qui venoient le pousser au
tombeau.
Ce Prince à peine avoit encor
Cét honorable chapeau d'or.
De qui
toujours la peine est fidelle compagne,
Quand avec le flambeau de la
rebellion
Il estouffa ce grand Lyon,
Qui pour le devorer estoit venu
d'Espagne.
Depuis ses plus charmans esbats,
Ont esté parmy les armées
A voir
de bandes animées
S'entreverser le sang au milieu des combats:
Car cét ennemy conjuré,
Qui depuis long-temps a juré
De ne laisser
jamais ses voisins dans le calme,
Donnant à ses desseins cent visages
divers,
A fait agir tout l'Univers
Pour despoüiller son front d'une si
belle palme.
Mais ce miracle des mortels
Qui mille fois le jour m'oblige
A
proclamer comme un prodige
La moindre des Vertus qui luy font des
Autels;
Par de moyens miraculeux
Previt ses desseins frauduleux,
Et
destourna si bien les coups de cét orage,
Que bien loing de l'effect

qu'on s'en estoit promis,
Il tomba sur vos ennemis
Qui fremissent
encor & de honte & de rage.
C'est icy, genereux François,
Que l'honneur de vostre patrie
Vous
permet sans idolatrie
D'adorer en luy seul le soustien de vos lois.
Voyez ce grand Astre d'amour
Ne reposer ny nuict ny jour,
Et pour
vous acquerir une paix de durée,
Perdre tous ses plaisirs dans des
soucis cuisans
Qui rendroient les Sceptres pesans
Entre les fortes
mains d'Atlas & Briarée.
Voyez vostre Nef se vanter
Que sur l'Empire de Neptune,
Malgré
les vents & la Fortune
Il n'est rien dont l'effort la puisse espouventer,
L'ennemy suit à son abord,
Elle a de tout costez le port,
La mer tout
à l'entour ne monstre point de ride,
Jamais l'anchre ne fut en un si
Riche lieu,
Et cét illustre demy-Dieu
La boussole à la main la
conserve & la guide.
Voyez vos ennemis domptez
En vos batailles signalées
Graver
dessus leurs Mausolées
La valeur de celuy qui les a surmontez.
Admirez que si l'Espagnol
N'eust pas voulu porter son vol
Sur les
terres d'autruy, comme l'Aigle Romaine,
Les drapeaux que sur luy
vous avez emportez,
Pourroient couvrir de tous costez
Les steriles
deserts de son petit domaine.
Admirez que dans le discort
Qui divise l'Europe entiere,
Vous avez
une ample matiere
De mespriser les vents, & de dormir au port.
Qui diroit à voir vos esbats.
Que dans de si sanglans combats
Les
armes des François fussent interessées?
Si je n'avois le soin de
prescher en tous lieux
Qu'un grand esprit aymé des Dieux
Vous fait
jouyr en paix du fruict de ses pensées.

Puis tous d'une commune voix,
Faites retentir dans les nuës

Combien ses vertus recogneuës
Portent haut la splendeur du Trosne
de vos Roix.
Tous les peuples que le Soleil
Esclaire de son teint vermeil

Tremblent espouvantez au seul nom de la France;
Et l'orgueilleux
Tyran des hardis Otthomans,
Conserve dans ses documens
Plus
cher que le Croissant son serment d'aliance.
Ce grand esprit portant icy
La valeur des peuples de Thrace,
Y
porta le Mont de Parnasse,
Apollon & ses soeurs le suivirent aussy.
C'est là que quelquefois lassé
Du soin present & du passé,
Il voit
avec plaisir grimper mille Poëtes,
Et ne desdaigne pas, tant son coeur
est humain,
D'ouvrir avec sa propre main
Des bouches qui sans luy
demeureroient muetes.
J'ay sceu par un de mes Couriers,
Que pour fuyr l'ingratitude,
On
voit des fruicts de cét estude
Qu'on ne sçauroit payer avec mille
lauriers.
L'un fait voir Hercule enchanté
Par les charmes d'une beauté

Negliger sa valeur ainsi que son espouse,
Et confesser enfin qu'estre
victorieux
Des montres les plus furieux
Est moins que de dompter
une femme jalouse.
L'autre nous monstre clairement
Dans la perte de Massinisse,
Que
qui veut bastir sur le vice
Esprouve tot ou tard quel est ce fondement.
L'autre nous fait voir que l'amour
Desrobe le lustre & le jour
Aux
belles actions d'un Empereur de Rome;
Et l'autre nous montrant un
Roy dans sa maison
Frustré de l'effet du poison,
Fait voir qu'est
devant Dieu la sagesse de l'homme.
L'autre, du premier des Cæsars
Nous fit voir la fin deplorable,
Et

combien il fut miserable
De ne mourir plustost au milieu des hazards.
Ce Prince l'honneur des guerriers,
Le front couronné de lauriers,
Fut
de la trahison la sanglante victime,
Dans les pompes du Trosne il
trouva le tombeau,
Son favory fut son borreau,
L'injustice son Juge,
& la vertu son crime.
Mes yeux apres ce coup fatal,
Firent l'office de mes bouches,
Et les
ames les plus farouches
Pasmerent au recit d'un crime si brutal.
Tout l'Univers alloit mourir
Quand le Ciel pour le secourir
Fit partir
de ses mains un équitable foudre,
Les plaines de Philippe en virent les
effets,
Tous les meurtriers furent defaits,
Cæsar y triompha qui
n'estoit plus que poudre.
Jamais un plus beau chastiment
Ne tint la Justice occupée:
Jamais
on ne vit son espée
Abbatre de mutin plus equitablement.
Cét objet pleut tant à mes yeux,
Que j'arreste encore en ces lieux

Pour en voir le portrait sur ce fameux Theatre,
Où Brute & sa vertu
confesseront en fin
Qu'à moins que d'un coup du Destin,
Un Trosne
bien fondé ne se sçauroit abatre.
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