La monadologie | Page 8

G. W. Leibniz
point de variation. Ainsi l'âme ne
saurait «agir physiquement sur le corps», «sans un dérangement entier
des lois de la nature».
[Note 65: LEIBNIZ, Théod., p. 519b, 60.]
[Note 66: Ibid., p. 520a, 61.]
[Note 67: LEIBNIZ, Monadol., p. 711b, 80.]
Encore une fois, il faut sortir du mécanisme pour l'expliquer. Il n'y a
pas de «communication» directe des substances entre elles. Et, par
conséquent, l'on ne peut rendre compte de leurs rapports qu'en s'élevant
de la cause efficiente à la cause finale. Mais comment concevoir
l'action de cette dernière cause? Est-ce Malebranche qui a raison? Et le
système des causes occasionnelles donnerait-il la vraie solution du
problème?
Malebranche a bien vu que les êtres créés ne peuvent avoir entre eux
des relations dynamiques. Mais sa théorie n'en demeure pas moins
sujette à deux objections, qui la rendent inadmissible. Elle veut, en effet,
que le cours des phénomènes qui forment le monde ne soit qu'un tissu
de miracles[68]. Or c'est là une extrémité à laquelle il semble difficile
de se tenir. S'il y a des lois naturelles,--et la chose n'est pas
douteuse,--il faut aussi qu'il y ait des agents naturels: il faut qu'entre la
Cause première et les faits ordinaires s'interposent des causes secondes.
Ou Dieu n'a pas le monopole de l'activité, ou il n'existe point de
nature[69]. «Il est bon, d'ailleurs, qu'on prenne garde qu'en confondant
les substances avec les accidents, en ôtant l'action aux substances
créées, on ne tombe dans le spinosisme, qui est un cartésianisme outré.
Ce qui n'agit point ne mérite point le nom de substance; si les accidents
ne sont point distingués des substances; si la substance créée est un être
successif, comme le mouvement; si elle ne dure pas au-delà d'un
moment, et ne se trouve pas la même (durant quelque partie assignable
du temps), non plus que ses accidents; si elle n'opère point, non plus
qu'une figure mathématique ou qu'un nombre; pourquoi ne dira-t-on
pas, comme Spinosa, que Dieu est la seule substance et que les
créatures ne sont que des accidents ou des modifications[70]?»

[Note 68: LEIBNIZ, Théod., p. 606b, 353 et 607a, 355; _Examen des
principes de Malebranche_, p. 695.]
[Note 69: LEIBNIZ, Théod., p. 607a-607b, 355.]
[Note 70: LEIBNIZ, Théod., p. 617b, 393.]
Le P. Malebranche exagère, et de la façon la plus dangereuse, le
souverain domaine de Dieu; son surnaturalisme contredit les données
de l'expérience et mène tout droit au panthéisme. Il faut donc «supposer
l'établissement d'un autre ordre». Et cet ordre, voici quel il doit être.
Il n'existe, comme on l'a déjà vu, «aucune communication physique»
entre les substances créées[71]. Les monades portent en leur fond «une
spontanéité merveilleuse», qui est le principe unique de tous leurs
changements[72]: «Il y a une suffisance ({~GREEK SMALL LETTER
ALPHA}{~GREEK SMALL LETTER IOTA WITH TONOS~}{GREEK
SMALL LETTER TAU}{~GREEK SMALL LETTER ALPHA WITH
TONOS~}{GREEK SMALL LETTER RHO}{~GREEK SMALL
LETTER KAPPA~}{~GREEK SMALL LETTER EPSILON~}{GREEK
SMALL LETTER IOTA}{~GREEK SMALL LETTER ALPHA}) qui les
rend sources de leurs actions internes et pour ainsi dire des automates
incorporels[73].»
[Note 71: Ibid., p. 519b, 59.]
[Note 72: Ibid.]
[Note 73: LEIBNIZ, Monadol., p. 706b, 19.]
Bien que physiquement indépendantes, les monades exercent les unes
sur les autres une influence idéale qui en fait le mieux ordonné et par là
même le meilleur et le plus beau des mondes possibles.
D'abord, elles convergent toutes vers un seul et même objet externe:
elles sont toutes, quoiqu'à des degrés différents, «des images de
l'univers», «des centres qui expriment une conférence infinie[74]».

[Note 74: LEIBNIZ, Réplique aux réflexions de Bayle, p. 187a.]
De plus, Dieu, qui est sagesse et bonté, a préformé les monades de
manière à ce qu'il y ait une correspondance constante entre les
changements qui se produisent dans l'intérieur des unes et les
changements qui se produisent dans l'intérieur des autres: il existe entre
les monades une harmonie préétablie, analogue à celle de deux
horloges parfaitement réglées et qui, au même moment, sonneraient
toujours la même heure[75]. Supposé, par exemple, qu'une pierre
vienne à tomber sur le pied d'un homme. On dit ordinairement que la
chute de la pierre produit la contusion qui la suit, et qu'à son tour cette
contusion produit elle-même la douleur qui l'accompagne. On dit
également que les parties de la pierre et celles de l'organe atteint
s'actionnent les unes les autres par leurs surfaces. Mais ce langage ne
vise que les apparences; ce langage est d'ordre purement phénoménal.
Le vrai, c'est que, à l'occasion de la chute de la pierre, l'agrégat des
monades qui constituent l'organe éprouve de lui-même ce qu'on appelle
une contusion; et que, à l'occasion de cet état pathologique, la monade
dominante qui souffre, tire de son propre fond sa sensation de
souffrance. Le vrai aussi, c'est qu'il n'y a qu'une simple concomitance
soit entre les états des monades qui composent la
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