pierre, soit entre les
états des monades qui composent le pied. Ainsi des autres cas de
causation externe, de quelque nature qu'ils puissent être. Tout
s'enchaîne, mais non directement: tout s'ordonne et sympathise dans la
nature «par l'intervention de Dieu, en tant que dans les idées de Dieu
une monade demande avec raison que Dieu, en réglant les autres dès le
commencement des choses, ait égard à elle[76]».
[Note 75: LEIBNIZ, _Second éclaircissement du système de la com.
des subst., p. 133; Syst. nouv. de la nature, p. 127, 14-15; Réponse aux
réflexions de Bayle, p. 185-186; Théod._, p. 477a et p. 519b, 58; Lettre
XXIII au P. des Bosses, datée du 24 janvier 1713, p. 688b; N. Essais, p.
205a-205b; Monadol., p. 709a, 51.]
[Note 76: LEIBNIZ, Monadol., p. 709a, 51; _Lettre IV au P. des
Bosses, p. 438b; Lettre XXIII au même_, p. 688b.]
Non seulement les états intérieurs des monades se déroulent dans un
ordre parallèle; mais encore il existe entre eux une certaine similitude:
ils se font écho. «La représentation a un rapport naturel à ce qui doit
être représenté. Si Dieu faisait représenter la figure ronde d'un corps par
l'idée d'un carré, ce serait une représentation peu convenable; car il y
aurait des angles ou éminences dans la représentation, pendant que tout
serait égal et uni dans l'original[77].» «Les projections de perspective,
qui reviennent dans le cercle aux sections coniques, font voir qu'un
même cercle peut être représenté par une ellipse, par une parabole, et
par une hyperbole, et même par un autre cercle et par une ligne droite et
par un point[78].» Cette variété dans l'unité donne une idée
approchante de ce qui se passe de monades à monades.
[Note 77: LEIBNIZ, Théod., p. 607b, 356.]
[Note 78: Ibid., p. 607b, 357.]
Toutefois, l'analogie de «la représentation et de la chose» n'est pas la
même dans les différents êtres. Chaque monade a son point de vue d'où
elle perçoit l'univers; et, par conséquent, comme il existe une multitude
infinie de monades, il existe aussi une multitude infinie de
représentations du monde, toutes différentes les unes des autres: il en
est comme d'une ville dont les perspectives se multiplient, au fur et à
mesure que varient les sites où l'on se met pour la regarder[79]. En
outre, chaque monade, en vertu même de la matière première qui lui est
inhérente et qui l'individue[80], a toujours un nombre plus ou moins
grand d'idées confuses, comme celles «de la chaleur, du froid et des
couleurs», qu'elle ne réussit jamais à éclaircir. Et de là des degrés à
l'infini dans la connaissance que les créatures ont des choses[81].
[Note 79: LEIBNIZ, Théod., p. 607b, 357; Monadol., p. 709b, 57.]
[Note 80: Ibid., p. 477b.]
[Note 81: LEIBNIZ, Réplique aux réflexions de Bayle, p. 187b; Théod.,
p. 6O7b, 357 et p. 620a, 403; Monadol., p.709a, 49.--Il est bon de
remarquer ici que l'idée que Leibniz s'est faite du rapport des
représentations aux choses n'est pas d'une interprétation facile. On est
toujours tenté de croire, en le lisant, qu'il parle des corps, tels que le
vulgaire se les figure, c'est-à-dire d'agrégats qui sont étendus et dont
l'existence est indépendante de toute pensée. Mais il ne peut rien y
avoir de pareil dans sa théorie; et la difficulté qu'on éprouve à le mettre
d'accord avec lui-même vient uniquement de ce qu'il se sert
ordinairement de termes communs pour exposer un système nouveau.]
Que peut être le corps humain, d'après une semblable doctrine? Rien de
ce qu'imagine le commun des hommes. Qu'on ne se le figure point
comme une colonie d'éléments étendus, qui existent en eux-mêmes, qui
s'actionnent les uns les autres et sont pour ainsi dire «mêlés à notre
âme». Qu'on ne se le figure pas davantage comme une portion de
matière que meut la pensée du haut de la glande pinéale, à la manière
dont un cocher gouverne ses chevaux du haut de son char; car il ne peut
rien exister de pareil; et Descartes lui-même n'a pas fait la part assez
belle à la doctrine spiritualiste. Considéré tel qu'il nous apparaît,
l'organisme humain n'est qu'un système de représentations, le point de
vue spécial dont nous percevons l'univers[82]: sa réalité est toute
phénoménale. Et, considéré tel qu'il existe en soi, ce n'est qu'un groupe
de substances simples et dépourvues d'activité transitive, une hiérarchie
de monades qui se fonde uniquement sur une certaine correspondance
d'états intérieurs soit entre elles, soit avec l'âme elle-même. Rien,
absolument rien qu'on y puisse voir ou toucher ou imaginer; rien non
plus qui s'y produise sous forme d'action réciproque. L'intelligence
seule le conçoit et comme un cas de _l'harmonie préétablie_[83].
[Note 82: LEIBNIZ, Syst. nouv. de la nature, p. 127b.]
[Note 83: LEIBNIZ, Lettre IV au P. des Bosses, p. 438b, ad 22; _N.
Essais, p. 238b, 7;
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