La maison de la courtisane | Page 7

Oscar Wilde
des ch��vres et le sang des taureaux vous lui appr?tes �� faire de monstrueux miracles. Pendant qu'Ammon ��tait votre compagnon de lit, votre chambre ��tait le Nil couvert de vapeurs, et avec votre sourire archa?que au contour sinueux, vous regardiez monter et s'apaiser sa passion.

Son front luisait des huiles syriennes, et ses membres de marbre ��tendus, d��ploy��s comme une tente �� midi, faisaient palir la lune et ajoutaient un nouvel ��clat au jour. La longue chevelure avait neuf coud��es d'envergure; elle avait la couleur de cette gemme jaune que les marchands apportent du Kurdistan cousue dans le rebord de leurs manteaux. La face ��tait comme le mo?t qui couvre une cuve de vin nouveau. Les mers ne sauraient rien ajouter �� la perfection du saphir de ses yeux. Son cou fort et doux ��tait blanc comme du lait, avec un fin r��seau de veines bleues; et d'��tranges perles, qu'on e?t dit de la ros��e congel��e, ��taient brod��es sur la soie flottante....

Sur son pi��destal de nacre et de porphyre, il brillait trop vivement pour qu'on p?t le contempler, car sur sa poitrine d'ivoire, scintillait la merveilleuse ��meraude de l'Oc��an, ce myst��rieux joyau, aux reflets de lune, que quelque plongeur des gouffres de Colchide avait trouv�� parmi les vagues de plus en plus noires, et port�� �� la magicienne de Colchis. Devant son char dor��, couraient des corybantes nus avec des guirlandes de pampre, et des files de fiers ��l��phants s'agenouillaient pour tra?ner son char, et des files de Nubiens noirs portaient sa liti��re, alors qu'il parcourait la grande all��e pav��e de granit, entre les ��ventails de mobiles plumes de paon.

Les marchands venant de Sidon, dans leurs vaisseaux bariol��s, lui apportaient de la st��atite. La plus vile des coupes qui touchaient ses l��vres ��tait faite d'une chrysolithe. Les marchands lui apportaient des caisses de c��dre, pleines de v��tements somptueux et li��es de cordes. La tra?ne de son manteau ��tait port��e par des seigneurs de Memphis; de jeunes rois ��taient heureux de son hospitalit��. Mille pr��tres tondus s'agenouillaient nuit et jour devant l'autel d'Ammon. Mille lampes balan?aient leur lumi��re �� travers la demeure sculpt��e d'Ammon, et maintenant l'impur serpent et la vip��re tachet��e, avec leurs petits, rampent de pierre en pierre; car la demeure est en ruines et le grand monolithe de marbre rose se penche. L'ane sauvage, ou le chacal vagabond viennent se tapir dans les portes branlantes. De farouches satyres se lancent des appels �� travers les tambours cannel��s qui gisent sur le sol, et au sommet de l'��difice est perch�� le singe �� la face bleue d'Horus, et il piaille pendant que le figuier fait ��clater les piliers du p��ristyle.

Le dieu g?t en fragments ?�� et l��, profond��ment cach�� dans le sable que le vent agite. J'ai vu sa t��te de granit de g��ant, encore convuls��e d'un impuissant d��sespoir, et bien des caravanes errantes de n��gres au port imposant, aux chales de soie, en traversant le d��sert, s'arr��tent terrifi��es devant ce cou trop vaste pour l'embrasser.

Et bien des B��douins barbus ��cartent leur burnous aux raies jaunes pour jeter un long regard sur les muscles titaniques de celui qui fut jadis ton paladin....

Ainsi donc va chercher des fragments par la lande, et lave-les �� la ros��e du soir, et refais de ces pi��ces, une �� une, ton amant mutil��.

Va les chercher l�� o�� elles sont abandonn��es, et de ces morceaux, de ces d��bris, reconstruis ton compagnon en pi��ces et ��veille de folles passions dans la pierre insensible. Charme par des hymnes syriens son oreille lourde. Il aima ton corps. Oh sois bonne! Verse le nard sur sa chevelure et enroule de douces bandes de lin autour de ses membres. Attache autour de sa t��te le collier en pi��ces de monnaie et rends aux l��vres pales leur couleur avec des fruits rouges. Tisse de la pourpre pour ses hanches amaigries, et de la pourpre pour ses reins d��charn��s.

Hate-toi vers l'��gypte. Ne crains rien. Il n'y eut jamais qu'un Dieu qui mourut, jamais qu'un Dieu qui laissa un soldat lui planter sa lance dans le flanc. Ceux-l��, tes amants, ils ne sont point morts, et Anubis, �� la face de chien, reste �� son poste d'honneur, pr��s de la porte de cent coud��es, la main pleine des lis du lotus pour ta t��te, et toujours, au haut de son tr?ne de porphyre, le g��ant Memnon dirige ses yeux sans paupi��res �� travers l'espace vide, et �� chaque lueur jaune de l'aube, il crie apr��s toi.

Et le Nil, avec les d��bris de sa corne, g?t dans son lit de limon noir, et tant que tu ne viendras pas, il n'��pandra point les eaux sur le bl�� qui se fl��trit. Tes amoureux ne sont pas morts, je le sais. Ils se rel��veront. Ils entendront ta voix. Ils agiteront �� grand bruit tes symboles. Ils se
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