des joues fl��tries de femme la rougeur de l'adolescence.
LA PETITE
Une odeur de gazon ��cras�� tra?ne sur la pelouse, non fauch��e, ��paisse, que les jeux, comme une lourde gr��le, ont vers��e en tous sens. Des petits talons furieux ont fouill�� les all��es, rejet�� le gravier sur les plates-bandes; une corde �� sauter pend au bras de la pompe; les assiettes d'un m��nage de poup��e, grandes comme des marguerites, ��toilent l'herbe; un long miaulement ennuy�� annonce la fin du jour, l'��veil des chats, l'approche du d?ner.
Elles viennent de partir, les compagnes de jeu de la Petite. D��daignant la porte, elles ont saut�� la grille du jardin, jet�� �� la rue des Vignes, d��serte, leurs derniers cris de poss��d��es, leurs jurons enfantins prof��r��s �� tue-t��te, avec des gestes grossiers des ��paules, des jambes ��cart��es, des grimaces de crapauds, des strabismes volontaires, des langues tir��es tach��es d'encre violette. Par-dessus le mur, la Petite -- on dit aussi Minet-Ch��ri -- a vers�� sur leur fuite ce qui lui restait de gros rire, de moquerie lourde et de mots patois. Elles avaient le verbe rauque, des pommettes et des yeux de fillettes qu'on a saoul��es. Elles partent harass��es, comme avilies par un apr��s- midi entier de jeux. Ni l'oisivet�� ni l'ennui n'ont ennobli ce trop long et d��gradant plaisir, dont la Petite demeure ��coeur��e et enlaidie.
Les dimanches sont des jours parfois r��veurs et vides; le soulier blanc, la robe empes��e pr��servent de certaines fr��n��sies. Mais le jeudi, ch?mage encanaill��, gr��ve en tablier noir et bottines �� clous, permet tout. Pendant pr��s de cinq heures, ces enfants ont go?t�� les licences du jeudi. L'une fit la malade, l'autre vendit du caf�� �� une troisi��me, maquignonne, qui lui c��da ensuite une vache: ?Trente pistoles, bont��! Cochon qui s'en d��dit!? Jeanne emprunta au p��re Gruel son ame de tripier et de pr��parateur de peaux de lapin. Yvonne incarna la fille de Gruel, une maigre cr��ature tortur��e et dissolue. Scire et sa femme, les voisins de Gruel, parurent sous les traits de Gabrielle et de Sandrine, et par six bouches enfantines s'��pancha la boue d'une ruelle pauvre. D'affreux ragots de friponnerie et de basses amours tordirent mainte l��vre, teinte du sang de la cerise, o�� brillait encore le miel du go?ter... Un jeu de cartes sortit d'une poche et les cris mont��rent. Trois petites filles sur six ne savaient-elles pas d��j�� tricher, mouiller le pouce comme au cabaret, ass��ner l'atout sur la table: ?Et ratatout! Et t'as bich�� le cul de la bouteille; t'as pas marqu�� un point!?
Tout ce qui tra?ne dans les rues d'un village, elles l'ont cri��, mim�� avec passion. Ce jeudi fut un de ceux que fuit la m��re de Minet-Ch��ri, retir��e dans la maison et craintive comme devant l'envahisseur.
�� pr��sent, tout est silence au jardin. Un chat, deux chats s'��tirent, baillent, tatent le gravier sans confiance: ainsi font-ils apr��s l'orage. Ils vont vers la maison, et la Petite, qui marchait �� leur suite, s'arr��te; elle ne s'en sent pas digne. Elle attendra que se l��ve lentement, sur son visage chauff��, noir d'excitation, cette paleur, cette aube int��rieure qui f��te le d��part des bas d��mons. Elle ouvre, pour un dernier cri, une grande bouche aux incisives neuves. Elle ��carquille les yeux, remonte la peau de son front, souffle ?pouh!? de fatigue et s'essuie le nez d'un revers de main.
Un tablier d'��cole l'ensache du col aux genoux, et elle est coiff��e en enfant de pauvre, de deux nattes cord��es derri��re les oreilles. Que seront les mains, o�� la ronce et le chat marqu��rent leurs griffes, les pieds, lac��s dans du veau jaune ��corch��? Il y a des jours o�� on dit que la Petite sera jolie. Aujourd'hui, elle est laide, et sent sur son visage, la laideur provisoire que lui composent sa sueur, des traces terreuses de doigts sur une joue, et surtout des ressemblances successives, mim��tiques, qui l'apparentent �� Jeanne, �� Sandrine, �� Aline la couturi��re en journ��es, �� la dame du pharmacien et �� la demoiselle de la poste. Car elles ont jou�� longuement, pour finir, les petites, au jeu de ?qu'est-ce-qu'on-sera?.
-- Moi, quante je serai grande...
Habiles �� singer, elles manquent d'imagination. Une sorte de sagesse r��sign��e, une terreur villageoise de l'aventure et de l'��tranger retiennent d'avance la petite horlog��re, la fille de l'��picier, du boucher et de la repasseuse, captives dans la boutique maternelle. Il y a bien Jeanne qui a d��clar��:
-- Moi, je serai cocotte!
?Mais ?a, pense d��daigneusement Minet-Ch��ri, c'est de l'enfantillage...?
�� court de souhait, elle leur a jet��, son tour venu, sur un ton de m��pris:
-- Moi, je serai marin! Parce qu'elle r��ve parfois d'��tre gar?on et de porter culotte et b��ret bleus. La mer qu'ignore Minet- Ch��ri, le vaisseau debout sur une cr��te de vague, l'?le d'or et les fruits lumineux, tout cela n'a surgi, apr��s, que pour servir de fond au
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