lui une profonde impression.
Dans son d��sir de trouver chez un autre cet id��al de perfection vers lequel il tendait lui-m��me, il crut ais��ment voir en Sp��ransky le type de vertu et d'intelligence qu'il avait r��v��. Si ce dernier avait appartenu au m��me milieu que lui, s'ils avaient eu la m��me ��ducation, les m��mes habitudes, la m��me mani��re de juger, il aurait sans doute d��couvert bient?t ses c?t��s faibles, humains et prosa?ques, mais cet esprit, si bien ��quilibr�� et si ��tonnamment logique, lui inspirait d'autant plus de respect, qu'il ne s'en rendait pas enti��rement compte. Le grand homme, de son c?t��, posait un peu devant lui. ��tait-ce parce qu'il avait appr��ci�� ses capacit��s, ou parce qu'il croyait n��cessaire de se l'attacher? Le fait est qu'il ne n��gligeait aucune occasion de le flatter adroitement, et de lui faire entendre discr��tement que son intelligence le rendait digne de s'��lever jusqu'�� lui, et qu'il ��tait seul capable de comprendre la profondeur de ses conceptions et l'absurdit�� d'autrui.
Il lui avait r��p��t�� plus d'une fois des phrases de ce genre:
?Chez nous tout ce qui sort de la routine, tout ce qui d��passe le niveau habituel, etc...? ou bien: ?nous voulons que les loups soient prot��g��s et nourris �� ?l'��gal des brebis...? ou enfin: ?ils ne peuvent nous comprendre...?, et il les accompagnait d'une expression de physionomie qui voulait dire: ?Nous comprenons, vous et moi, ce qu'ils valent, eux, et ce que nous sommes, nous!?
Ce nouvel entretien, plus intime, ne fit qu'accro?tre l'impression premi��re qu'avait produite sur lui Sp��ransky, en qui il voyait un homme d'une intelligence sup��rieure et un penseur profond, arriv�� au pouvoir par une force indomptable de volont��, et en usant au profit de la Russie. Il ��tait bien le philosophe qu'il cherchait, le philosophe qu'il aurait voulu ��tre lui-m��me, expliquant les ph��nom��nes de la vie par le raisonnement, n'admettant comme vrai que ce qui ��tait sens��, et soumettant toute chose �� l'examen de la raison. Ses pens��es se formulaient avec une telle clart��, que le prince Andr�� se rangeait, malgr�� lui, en toutes choses �� son avis, et n'��levait de faibles objections que pour faire acte d'ind��pendance. Tout ��tait bien en lui, tout ��tait parfait, sauf son regard froid, brillant, imp��n��trable, sauf ses mains blanches et d��licates. Ces mains fixaient l'attention du prince Andr��, il ne pouvait s'emp��cher de les regarder, comme il nous arrive souvent de regarder les mains des gens au pouvoir, et elles lui causaient une irritation sourde, dont il ne se rendait pas compte. Le m��pris ou le d��dain qu'il affectait pour les hommes lui ��tait aussi particuli��rement d��sagr��able, ainsi que la vari��t�� de ses proc��d��s d'argumentation. Toutes les formes du raisonnement lui ��taient famili��res, la comparaison surtout; mais il lui reprochait de passer sans aucune transition de l'une �� l'autre. Se posant en r��formateur pratique, il jetait la pierre aux r��veurs; tant?t il accablait de sa mordante ironie ses adversaires; tant?t, employant une logique serr��e, il s'��levait �� la m��taphysique la plus abstraite (une de ses armes oratoires favorites). Transport�� sur ces hauteurs, il se plaisait alors �� d��finir l'espace, le temps, la pens��e, il y puisait de brillantes r��futations, ensuite il ramenait le sujet sur le terrain de la discussion.
Un signe caract��ristique de ce puissant esprit ��tait une foi in��branlable dans la force et dans les droits de l'Intelligence. On voyait que le doute, si habituel au prince Andr��, lui ��tait inconnu, et que la crainte de ne pouvoir exprimer toutes ses pens��es, ou de douter, m��me un moment, de l'infaillibilit�� de ses croyances, ne l'avait jamais troubl��.
Aussi ��prouvait-il pour Sp��ransky une exaltation passionn��e, la m��me qu'il avait ressentie pour Napol��on. Sp��ransky ��tait fils de pr��tre; c'��tait, pour le vulgaire, une raison de le m��priser; aussi, le prince Andr��, sans le savoir, r��agissait contre sa propre exaltation, et par cela m��me ne faisait qu'en accro?tre l'intensit��.
�� propos de la commission charg��e de l'��laboration des lois, Sp��ransky lui raconta, en la raillant, qu'elle existait depuis cent cinquante ans, qu'elle avait co?t�� des millions sans rien produire, que Rosenkampf avait coll�� des ��tiquettes sur tous les articles de la l��gislation compar��e, et que c'��tait l�� l'unique r��sultat des millions d��pens��s:
?Nous voulons donner au s��nat un nouveau pouvoir judiciaire et nous n'avons pas de lois! Aussi est-ce un crime, mon prince, pour des personnes comme vous, de se retirer dans la vie priv��e.?
Le prince Andr�� lui fit observer que pour ce genre d'occupations il ��tait n��cessaire d'avoir re?u une ��ducation sp��ciale.
?Montrez-moi ceux qui la poss��dent? c'est un cercle vicieux, dont on ne peut sortir qu'en le bridant.?
Une semaine plus tard, le prince Andr�� fut nomm�� membre du comit�� charg�� de l'��laboration du code militaire et, de plus, au moment o�� il y songeait le moins, chef d'une des sections de cette commission l��gislative. Il consentit, �� la pri��re de Sp��ratisky,
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