d��plorait les nouvelles r��formes, et semblait condescendre �� l'honorer d'une explication; mais, son interlocuteur ayant ��lev�� la voix, il se borna �� sourire, et d��clara qu'il n'��tait en aucune fa?on juge de l'utilit�� ou de l'inutilit�� de ce qu'il plaisait �� l'Empereur de d��cider.
Apr��s quelques instants de conversation g��n��rale, il se leva, s'approcha du prince Andr�� et le prit �� part �� l'autre bout du salon: il entrait dans son programme de causer avec lui.
?J'��tais tellement subjugu�� par la conversation anim��e de ce respectable vieillard, que je n'ai pas eu le temps, mon prince, d'��changer deux mots avec vous,? dit-il en souriant d'une fa?on un peu m��prisante, comme pour lui faire sentir qu'il voyait bien que lui aussi comprenait toute la futilit�� des personnes avec lesquelles il venait de causer.
Le prince Andr�� se sentit flatt��.
?Je vous connais depuis longtemps, continua Sp��ransky, d'abord par la lib��ration de vos paysans, premier exemple qu'il serait d��sirable de voir imiter, et puis, parce que vous ��tes le seul des chambellans qui ne soit pas offens�� du nouvel oukase concernant le rang �� la cour, qui a soulev�� tant de m��contentement et tant de r��criminations.
--C'est vrai, mon p��re n'a pas d��sir�� me voir profiter de ce droit, et j'ai commenc�� mon service en passant par les rangs inf��rieurs.
--Votre p��re, bien qu'il soit un homme du si��cle pass��, est cependant bien au-dessus de ceux de nos contemporains qui critiquent cette mesure; elle n'a d'autre but, apr��s tout, que de r��tablir la justice sur ses v��ritables bases.
--Je crois pourtant que ces critiques ne sont pas d��nu��es de fondement, r��pliqua le prince Andr��, essayant de se soustraire �� l'influence de cet homme, qu'il lui ��tait d��sagr��able d'approuver sans restriction. Il tenait m��me �� le contredire, mais, absorb�� par son travail d'observation, il ne pouvait s'exprimer avec sa libert�� d'esprit habituelle.
--C'est-��-dire qu'elles ont pour fondement l'amour-propre personnel, reprit Sp��ransky avec tranquillit��.
--En partie peut-��tre, mais aussi, �� mon avis, les int��r��ts m��mes du gouvernement.
--Comment l'entendez-vous?
--Je suis un disciple de Montesquieu, dit le prince Andr��, et sa maxime: ?que l'honneur est le principe des monarchies? me semble incontestable, et certains droits et privil��ges de la noblesse me paraissent ��tre des moyens de corroborer ce sentiment.?
Le sourire disparut de la figure de Sp��ransky, et sa physionomie ne fit qu'y gagner. La r��ponse du prince Andr�� avait excit�� son int��r��t:
?Ah! si vous envisagez la question sous ce point de vue! dit-il en conservant son calme et en s'exprimant en fran?ais avec une certaine difficult�� et plus de lenteur que lorsqu'il parlait le russe:--Montesquieu nous dit que l'honneur ne peut ��tre soutenu par des privil��ges nuisibles au service lui-m��me; l'honneur est donc, ou l'abstention d'actes blamables, ou le stimulant qui nous pousse �� conqu��rir l'approbation et les r��compenses destin��es �� en ��tre le t��moignage. Il en r��sulte, ajouta-t-il en serrant de plus pr��s ses arguments, qu'une institution, qui est pour l'honneur une source d'��mulation est une institution pareille en tous points �� celle de la L��gion d'honneur du grand Empereur Napol��on. On ne saurait dire, je pense, que celle-ci est nuisible, puisqu'elle contribue au bien du service et qu'elle n'est pas un privil��ge de caste ou de cour.
--Je le reconnais volontiers, mais je crois aussi que les privil��ges de cour atteignent le m��me but, car tous ceux qui en jouissent se tiennent pour oblig��s de remplir dignement leurs fonctions.
--Et pourtant vous n'avez pas voulu en profiter, prince, dit Sp��ransky en terminant par une phrase aimable une conversation qui aurait certainement fini par embarrasser son jeune interlocuteur.--Si vous me faites l'honneur de venir chez moi mercredi soir, comme j'aurai vu Magnitsky d'ici l��, je pourrai vous communiquer quelque chose d'int��ressant, et j'aurai de plus le plaisir de causer plus longuement avec vous...? Et, le saluant de la main, il se glissa, �� la fran?aise, hors du salon, en ��vitant d'��tre remarqu��.
VI
Pendant les premiers temps de son s��jour �� P��tersbourg, le prince Andr�� ne tarda pas �� sentir que l'ordre d'id��es d��velopp�� en lui par la solitude se trouvait rel��gu�� au second plan par les soucis pu��rils qui ne cessaient de l'occuper.
Tous les soirs, en rentrant chez lui, il inscrivait dans un agenda quatre ou cinq visites indispensables, et autant de rendez-vous pris pour le lendemain. L'emploi de sa journ��e, combin�� de fa?on �� lui permettre d'��tre exact partout, prenait la plus grosse part des forces vives de sa vie: il ne faisait rien, ne pensait �� rien, et les opinions qu'il ��mettait parfois avec succ��s n'��taient que le r��sultat de ses m��ditations de la campagne.
Il s'en voulait �� lui-m��me lorsqu'il lui arrivait, dans la m��me journ��e, de r��p��ter les m��mes choses dans des soci��t��s diff��rentes; mais, entra?n�� par ce tourbillon, il n'avait m��me plus le temps de s'apercevoir qu'il ne savait plus penser.
Sp��ransky le re?ut le mercredi suivant; un long et intime entretien produisit sur
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