parlent! insista l'autre.
--Allons, va! et la route toujours au nord-ouest, dit Guillaume d'une voix souriante, comme si la frayeur n'avait aucune prise sur son ame.
C'est qu'il n'avait pas une nature vulgaire, Guillaume Dubreuil, patron du bateau pêcheur le Saint-Remi. Né, en 1465, d'une famille bourgeoise, habitant la petite ville de Dieppe, il avait été voué à la cléricature. Ses progrès dans les sciences et l'étude des langues anciennes et modernes furent rapides. Et, quoiqu'il témoignat plus de go?t pour l'histoire et la géographie que pour la scholastique religieuse, on espérait que le jeune élève deviendrait une des gloires de l'ordre de saint Beno?t, auquel ses parents l'avaient destiné. Mais s'il était intelligent, studieux, apre au travail, Guillaume n'avait pas l'humeur facile. De br?lantes passions fermentaient dans son coeur: passions en opposition complète avec les réserves, les austérités et les mortifications du clo?tre.
Un jour, le frère gardien du monastère où il aurait d? s'apprêter à recevoir les ordres vint, tout beno?t, tout contrit, annoncer au père Dubreuil que son fils avait pris la clef des champs, après avoir escaladé les murs de la sainte retraite.
Je vous laisse à penser le courroux et le chagrin qu'éprouva le bon bourgeois. Vainement fit-il courir après son fugitif, vainement promit-il une forte récompense à quiconque lui en donnerait des nouvelles. Durant plusieurs années, on n'en entendit plus parler.
Cependant, après avoir jeté le froc aux orties, le jeune Guillaume s'était engagé dans un régiment au service d'Anne de France, dame de Beaujeu, alors en hostilités avec les ducs d'Orléans, de Bourbon et divers grands seigneurs qui lui disputaient la régence de Charles VIII.
Notre échappé du couvent se signala dans plusieurs occasions, notamment à la bataille de Saint-Aubin-du-Cormier, en 1488, où il contribua à la capture du duc d'Orléans, depuis Louis XII.
A cette époque, Guillaume Dubreuil avait vingt-trois ans. Du rang de piquier à pique simple, par lequel il avait débuté dans l'armée, il était parvenu au grade d'enseigne, après avoir passé tour à tour par ceux de piquier à pique sèche, piquier à corselet, arquebusier, mousquetaire, lampassade, caporal et sergent. Mais pour le récompenser de sa valeur dans l'affaire de Saint-Aubin-du-Cormier, Anne lui fit donner le commandement d'une bande.
Décidément, la fortune présentait elle-même au jeune officier sa main si recherchée. Il n'avait qu'à se laisser conduire, et bient?t on le verrait mestre-de-camp d'un régiment, puis colonel-général, et pourquoi pas maréchal plus tard? En ces temps de troubles, de ligues, de révolutions, un homme de coeur ne pouvait-il viser aux plus hautes dignités? Il ne s'était guère écoulé plus d'un siècle depuis la mort de Bertrand Du Guesclin. La mémoire de ses brillants succès enflammait encore l'esprit chevaleresque du siècle.
Mais déjà Guillaume était fatigué de l'état militaire, qui n'offrait plus d'émotions à son ame ardente, avide de nouveauté. La paix, qui suivit le traité de Sablé, acheva de le dégo?ter d'une carrière où l'avait jeté le hasard, bien plut?t qu'une vocation sérieuse.
La profession de marin, les combats en mer, les tempêtes, les expéditions lointaines, avaient été, dans le jeune age, l'objet de ses rêves. Il résolut de réaliser enfin des aspirations si souvent, si chaudement caressées. Grace à la protection du sire de La Trémoille, qui s'était intéressé à lui depuis la glorieuse journée de Saint-Aubin, Dubreuil obtint de passer comme officier sur un des navires du roi. Il y apprit rapidement l'art nautique, et, dès 1494 il pouvait espérer d'arriver promptement au commandement d'une galéasse, quand le bruit des merveilleuses découvertes de Christophe Colomb vint allumer de nouveaux désirs dans sa fougueuse imagination.
Dubreuil demanda à la cour l'autorisation d'aller tenter les mers. Il prétendait trouver, par le nord-ouest, un passage au Cathay (la Chine), assurant que cette voie, infiniment plus courte que celle de la mer Rouge ou du cap de Bonne-Espérance,--tout dernièrement reconnu par les Portugais,--serait pour la France une source de richesses incalculables. Sa requête fut appuyée par La Trémoille. Mais Charles VIII, qui venait de s'affranchir de la tutelle de sa soeur, et qui, stimulé par Louis d'Orléans, briguait le royaume de Naples, Charles VIII se souciait plus du tournois militaires que de commerce, de victoires éclatantes sous le doux ciel de l'Italie que de problématiques conquêtes maritimes.
?Patientez, écrivit La Trémoille à son protégé, jusqu'à ce que le roy, nostre sire, ait terminé la guerre, et il vous octroyera cette faveur que sollicitez.?
Patienter! Est-ce que la poudre attend pour faire explosion, après que l'étincelle a été mise en contact avec elle?
Guillaume Dubreuil n'était pas homme à ajourner l'exécution d'une idée, quand une fois elle avait jailli dans son cerveau. Rétif à la contradiction, son caractère ne savait supporter les retards. Ce qu'il voulait, il le voulait tout de suite, et il se serait fait briser plut?t que de ployer, lorsqu'il s'était mis en tête d'accomplir une chose, bonne ou mauvaise.
Aussi donna-t-il immédiatement sa
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