La femme du mort, Tome II | Page 3

Alexis Bouvier
ses joues, et la honte, ce jour-l�� courbait sa t��te.
Un petit ch��rubin, yeux brillants, joues roses et cheveux ��bouriff��s, se pendait �� sa jupe et marchait en regardant derri��re lui; il souriait aux morveux qui lui faisaient la grimace.
Ils ��taient tristes �� voir tous les deux, seuls au milieu de ce village vivant et de cette nature gaie...
Elle traversa le pays et s'arr��ta devant la derni��re maison du village... L'enfant, la voyant heurter la porte, alla au-devant des bambins qui les avaient suivis; les autres recul��rent d'abord, mais comme il avan?ait toujours en souriant, ils s'apprivois��rent, les petits terreux, et l'on joua ensemble.
La Jeanne avait heurt�� la porte... Un vieillard ��tait venu et, reculant devant elle, il avait dit:
--Qu'est-ce que tu veux ici?
Jeanne s'��tait appuy��e au chambranle de la porte pour ne pas tomber...
--Allons! allons! va-t'en, avait continu�� l'homme; sors d'ici, mendiante, salis pas ma maison!
--P��re! avait suppli�� Jeanne.
--Va-t'en!... va-t'en...
Mais la pauvre femme s'��tait avanc��e jusqu'�� la table et le corps courb��, la t��te basse, d'une main elle cachait ses yeux inond��s de larmes, d��cid��e �� se faire chasser plut?t qu'�� reculer.
--P��re? moi?... Est-ce qu'une mendiante comme toi est ma fille?... Ma fille!... J'ai eu un enfant que ma pauvre d��funte adorait... C'��tait une bonne et belle fille pour laquelle nous voulions donner notre vie... Avant le jour, vent, pluie ou neige, nous allions forcer la terre �� nous donner de quoi en faire une dame... Sit?t qu'en nous privant nous avons pu la retirer de l'��cole pour la mettre en pension, nous l'avons fait. Nous la voulions belle, et, pour qu'elle le f?t, rien ne nous a co?t��, ni force ni sant��...
Quand nous l'avons eu ��lev��e, honn��te comme son p��re, pure comme sa m��re, nous avons continu�� �� nous sevrer, nous qui avions besoin de tout, pour lui gagner une dot qui lui donnat l'homme que nous voulions. Nous touchions le but... et quand, avec la vieille, nous rentrions, le soir, souper, nous nous consolions en regardant l'enfant belle et digne de nous. Et, la... la gueuse..., un jour elle est partie avec un vaurien... Elle a fait rire tout le pays des gens qui s'��taient tu��s pour elle!...
Il y eut un silence, troubl�� seulement par les sanglots de la Jeanne et par les cris joyeux des enfants qui jouaient au dehors.
�� force de pleurer et de passer, par tous les temps, des heures sur la route pour voir si sa fille revenait, la vieille... a touss��, puis elle s'est couch��e... et nous l'avons conduite au cimeti��re... et elle a voulu qu'on lui m?t dans la main le petit bonnet brod�� qu'elle avait fait pour la premi��re communion de sa fille...
--P��re..., p��re..., grace!
--Pendant ce temps-l��... elle, la honte! quelle vie!... Les Parisiens qui venaient chez nous me disaient: ?J'ai vu votre fille au Bois hier...?
--J'ai pas de fille!
--Mais si, p��re Coutaud..., votre petite Jeanne!... On la nomme Jeanne la Limande.
--Le premier qui me parle de cette fille, j'y ouvre le crane avec ma b��che... Alors, j'ai plus os�� sortir d'ici... Il me semble qu'on rit quand je passe... J'ai plus os�� aller �� Paris de peur que la fille qui m'accrocherait au coin d'une rue ne soit la mienne... Ma fille! allons donc, est-ce que j'ai une fille, moi?... Hors d'ici, mendiante; oh!... et plus vite ?a...
--P��re, grace! grace!
--Veux-tu t'en aller?...
Et l'homme prit la Jeanne par le bras pour la jeter �� la porte; mais la fille se cramponna aux meubles...
--Piti��!... p��re!... piti��!
--Veux-tu t'en aller!...
Et la lutte continuait.
Tout rouge, moite de sueur, les cheveux sur les yeux, le petit entra dans la chambre aux cris de sa m��re... De ses petites mains il ��carta sa chevelure blonde et dit cranement au vieillard:
--Pourquoi que tu fais pleurer maman, puisqu'on dit que c'est toi mon grand-p��re?
Le p��re Coutaud lacha Jeanne, et, les yeux ��carquill��s, il regarda l'enfant, muet, immobile, ne se rendant pas compte des sentiments nouveaux qui l'envahissaient; puis il voulut parler, mais il balbutia; des larmes emplirent ses yeux, et, pour les cacher, il embrassa et l'enfant et la m��re!?
Le livre lui tomba des mains; c'est alors qu'il se mit �� la fen��tre, voulant r��agir contre ce cri de pardon qui revenait sans cesse battre son oreille; mais le tableau de son enfant pleurant se pr��sentait �� ses yeux, son imagination se frappait.
La petite Jeanne ��tait maladive. Est-ce qu'un jour ce n'��tait pas elle qui souffrirait de la vengeance sans piti�� qu'il poursuivait?... Le coupable, l'ami tra?tre ��tait puni, atrocement puni. La femme avait d��j�� depuis longtemps expi�� par la honte, par le d��sespoir et par la mis��re, sa faute... C'est maintenant sur sa fille qu'allait retomber le chatiment de la m��re coupable.
S'il se d��cidait aujourd'hui �� att��nuer le mal, que pouvait-il faire? Il n'��tait plus rien en ce monde; sa femme le croyait mort, et, pour la soci��t��,
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