La femme du mort, Tome II | Page 2

Alexis Bouvier
��tes occup�� que des m��chants, c'est bien le temps maintenant de s'occuper des bons.
Pierre releva lentement la t��te; son regard s��v��re imposa silence �� Simon qui, ��tant boulevers�� par le changement de physionomie que sa phrase avait amen��, faillit en avaler ?sa praline.? Pierre, sombre, ne dit pas un mot et remonta chez lui, laissant Simon tout honteux, essuyant son visage encore mouill��, croyant peut-��tre qu'il enlevait en m��me temps le mal qu'il venait de faire.
Puis, col��re, rageant, furieux apr��s lui-m��me, cherchant un motif pour passer la rage passag��re qui le secouait, il se tourna vers le n��gre, et, le voyant pr��s de la chemin��e, il exclama:
--Qu'est-ce que tu fais l��, toi, barbouill��? Tu n'es donc pas encore assez roussi, que tu colles ton museau aupr��s du feu? Esp��re! esp��re! Je te vas secouer si tu ne d��cales pas. Le n��gre, qui connaissait les proc��d��s exp��ditifs de Simon quand il ��tait en col��re, n'avait pas attendu la fin de la phrase pour d��camper.
Le matelot maussade sortit �� son tour.
--C'est-il du bon sens de se facher de ?a! Est-ce que c'est ma faute, �� moi, si la petite pense �� la m��re? Esp��re! esp��re! faudra bien en finir... Au fait! est-ce que j'ai pas le droit de voir ?a, moi? C'est moi qui l'ai ��lev��e, la moutarde... Et peut-��tre bien qu'on pourrait..., si on savait ous'qu'est sa m��re, se promener de ce c?t��-l�� et lui dire:
--Tiens..., ma bellotte..., regarde un peu voir, l��-bas, celle qui passe... Eh bien, envoie-lui un baiser...
Il n'y a pas de bon sens aussi,... puisque le coquin est puni. D'abord, il n'y a que lui que je ha?ssais... et si l'autre est rest��e une honn��te femme... Esp��re! esp��re! elle a fini son temps...
Et le matelot se promenait sous les arbres, sans voir son lieutenant, accoud�� sur l'appui de la fen��tre ouverte, au premier ��tage, triste et pleurant silencieux, au souvenir de ce que lui avait racont�� son matelot.
C'est que Pierre avait un caract��re absolu: il avait condamn��, et sa condamnation ne permettait pas le pardon... On avait ��t�� sans piti��, il serait sans piti��... Est-ce �� dire que Davenne n'avait pas de coeur? Non!... peut-��tre, comme �� cette heure, des larmes auraient pu modifier sa volont��; mais Pierre vivait au milieu de gens auxquels il ��tait d��fendu de parler d'Elle.
Il vivait avec sa haine... Et lorsque, comme ce jour, les dimanches il ouvrait sa fen��tre, en voyant le soir passer dans les bl��s verts les amoureux pendus aux bras l'un de l'autre, le regard noy�� dans le regard, la main dans la main, les l��vres presque sur les l��vres, il pensait, lui, que cette joie de l'amour partag�� lui serait d��sormais d��fendue... Il ��tait veuf, et il ��tait mort! Alors, sa haine s'augmentait: il regrettait �� l'heure du crime de n'avoir pas tu�� et la femme et l'amant. La loi, devant son honn��tet�� tromp��e, aurait bris�� son glaive; il serait sorti du tribunal acquitt��, honor��, et il aurait v��cu, se consacrant �� son enfant. Il aurait pu trouver une compagne d��vou��e, et il aurait recommenc�� sa vie.
�� cette heure, quand Pierre, ��pouvant��, se demandait le but de la vie qu'il s'��tait faite, le rouge couvrait son front; car il ��tait bon et honn��te, et sa vie enti��re ��tait vou��e au mal!... �� la vengeance! la jouissance de l'��go?sme lache! La douleur devant lui, la souffrance, le repentir, les larmes auraient assur��ment chang�� sa conduite. Apr��s avoir entendu la plainte na?ve de son matelot ��mu, il avait ��t�� embrasser sa fille et il avait vu que la petite Jeanne, elle aussi, avait les yeux rouges... Ennuy��, il s'��tait retir��, et Madeleine de Soiz��, en le reconduisant, lui avait dit tout bas:
--Je suis encore tout ��mue... Jeanne qui vient de me demander... o�� est enterr��e sa m��re!
Nerveux, mordant ses l��vres, se contraignant, Pierre s'��tait aussit?t r��fugi�� chez lui; puis, pour chasser ce souvenir persistant, ce rappel de sa veuve, apr��s s'��tre fi��vreusement promen�� dans sa chambre, il prit un livre dans sa biblioth��que et se laissa tomber dans un fauteuil. Le livre avait pour titre: Les Pauvres; il l'ouvrit au hasard, lisant d'abord sans comprendre, sans pouvoir, �� mesure qu'il assemblait les mots, saisir le sens des phrases; tout �� coup, il se dressa, une page l'avait int��ress��, il lut: Les petits enfants.
Voici l'histoire:
?Toutes les comm��res ��taient sur leurs portes et la regardaient avec m��pris; les enfants avan?aient vers elle leur petit museau sale; les chiens allaient flairer ses jupes et revenaient en grognant; les hommes indiff��rents disaient:
--Tiens! c'est la Jeanne!
Le soleil couchant empourprait le ciel, et la brise, qui avait effeuill�� les lilas et les pommiers en fleur, passait ti��de et parfum��e.
Elle,--la Jeanne, comme ils disaient,--elle avait bien vingt ans; elle ��tait pale; ses cheveux mal peign��s tombaient en m��ches lourdes sur ses ��paules; la mis��re avait creus��
Continue reading on your phone by scaning this QR Code

 / 64
Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.